lundi 11 décembre 2017

Par le dépôt des Directives de Buenos Aires
et de la lettre réponse du Pape
dans les Acta Apostolicae Sedis

Le choix est rendu clair
Il n'y a plus de demi-mesure

Une interview avec Robert de Mattei




Rédigé par : Dr Maike Hickson

SOURCE : One Peter Five
Le 11 décembre 2017




Interview - Roberto de Mattei discute de la crise ecclésiale


Note de la rédaction : Le mois dernier, le Dr. Maike Hickson a commencé une correspondance avec l'historien Catholique, auteur et conférencier, le Professeur Roberto de Mattei, sur la nature de l'escalade de la crise dans l'Église. Bien que la récente maladie soudaine de son mari l'ait obligée à s'absenter de son travail chez One Peter Five, elle et son mari ont tous deux demandé que nous procédions à la publication de cette entrevue importante et opportune.


Maike Hickson (MH) : De nombreux Catholiques du monde entier avaient espéré que les Cardinaux des dubia publieraient leur Correction publique au Pape François concernant son Exhortation post-synodale, Amoris Laetitia. Que diriez-vous à ces fidèles aujourd'hui déçus et même découragés devant le silence des Princes de l'Église ? Avec quels mots essayeriez-vous d'encourager ces fidèles à persévérer dans leur espérance et dans leur Foi ?

Roberto de Mattei (RDM) : La crise actuelle dans l'Église ne vient pas du Pape François, et elle n'est pas centrée sur une seule personne ; elle remonte plutôt au Concile Vatican II et remonte encore plus loin, à la crise Moderniste [ du début du vingtième siècle ]. Aujourd'hui, une grande partie du Collège des Cardinaux, du Collège des Évêques et du clergé en général sont infectés par le Modernisme.

Les quelques Cardinaux, Évêques et prêtres qui résistent doivent tenir compte de cette situation et c'est notre travail de les aider. Mais il ne faut surtout pas imaginer qu'un seul acte de l'un de ces acteurs, par exemple une Correction Fraternelle au Pape annoncée par le Cardinal Burke, puisse, à elle seule, résoudre la crise. Ce qui est nécessaire, c'est une convergence et un centre d'action de la part de divers groupes de clercs et de laïcs, chacun à son niveau et selon ses propres capacités. Le sensus fidei peut guider les Cardinaux, les Évêques, les religieux et les simples laïcs à réagir [ à la crise actuelle ]. L'importance de la Correctio Filialis, signée par 250 érudits, religieux et laïcs, était en sorte qu'elle exprimait ce sensus fidei. La réaction peut être différente d'un pays à l'autre, d'un diocèse à l'autre, mais ses caractéristiques sont toujours celles d'une profession de la Vérité et d'une dénonciation des erreurs qui s'opposent à cette Vérité.

MH : Mais comment cette situation peut-elle être résolue ?

RDM : Ce ne seront pas les hommes qui sauveront l'Église. La situation sera résolue par une intervention extraordinaire de la Grâce, qui doit cependant être accompagnée de l'engagement militant des fidèles Catholiques. Face à cette crise actuelle, certains pensent que la seule chose à faire est d'attendre un miracle dans le silence et la prière. Mais ce n'est pas comme ça. Il est vrai que nous avons besoin d'une intervention Divine, mais la Grâce s'appuie sur la nature. Chacun de nous devrait faire le maximum que nous pouvons selon nos capacités.

MH : La lettre de 2016 par laquelle le Pape François a donné son approbation aux directives établies par les Pasteurs de Buenos Aires a été publiée dans Acta Apostolicae Sedis ( AAS ), avec une note écrite par le Secrétaire d'Etat, le Cardinal Parolin, selon laquelle le Pape voulait que les deux documents — les lignes directrices et la lettre — soient publiés dans AAS.

RDM : Le fait que les directives des Évêques Argentins et l'approbation du Pape ont été publiés dans AAS a officialisé qu’« aucune autre interprétation n'est possible » d'Amoris Laetitia autre que celle des Évêques Argentins, qui autorise la Communion à être donnée aux personnes divorcées et remariées qui sont dans un état objectif de péché mortel. La lettre était privée, mais la publication dans AAS transforme la position du Pape François en un acte du Magistère. Il me semble que cela confirme la thèse exprimée par le Père Giovanni Scalese dans son blog selon laquelle nous entrons dans une nouvelle phase du Pontificat du Pape François : passer d'une révolution pastorale à la reformulation ouverte de la Doctrine.

Le discours du Pape François du 11 octobre [ 2017 ], à l'occasion du 25ème anniversaire de la promulgation du nouveau Catéchisme, semble appeler le début d'une réinterprétation du Catéchisme de l'Église Catholique à la lumière d'Evangelii Gaudium et d'Amoris Laetitia.

MH : Dans un essai récent, à la lumière de la réintégration de Luther au sein de l'Église Catholique, vous avez déclaré : « En somme, chaque Catholique est appelé à choisir s'il veut se ranger du Pape François et des Jésuites d'aujourd'hui ou à être aux côtés des Jésuites d'hier et des Papes de tous les temps. Il est temps de faire des choix et de méditer précisément sur les deux étendards de Saint Ignace (Exercices Spirituels, n ° 137) qui nous aideront à faire ces choix en ces moments difficiles ». Expliqueriez-vous un peu mieux ces mots à nos lecteurs, non pas seulement à la lumière de la question de Luther, mais aussi à la lumière d'Amoris Laetitia ?

RDM : Il y a des moments dans notre vie et dans l'histoire de l'Église où l'on est obligé de choisir entre deux côtés, sans ambiguïté et sans compromis. Les Exercices Spirituels de Saint Ignace et la théologie de l'histoire de Saint Augustin dans la Cité de Dieu ne font rien d'autre que souligner la maxime évangélique selon laquelle « Personne ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra le premier et aimera le second ; ou bien il s'attachera au premier et méprisera le second ». ( Matthieu 6 :24 ). Vu sous cet angle, la publication récente dans l'AAS de la lettre du Pape François aux Évêques de Buenos Aires ramène l'affaire à deux positions diamétralement opposées. La ligne de pensée de ces Cardinaux, Évêques et théologiens qui soutiennent qu'il est possible d'interpréter Amoris Laetitia en continuité avec Familiaris Consortio 84 et d'autres documents du Magistère a été réduite en poussière.

Amoris Laetitia est un document qui sert de test décisif : il doit être accepté ou rejeté in toto. Il n'y a pas de troisième position, et l'insertion de la lettre du Pape François aux Évêques Argentins [ dans AAS ] a le mérite de le préciser.

MH : Il y a ceux qui nient que la publication de la lettre aux Évêques Argentins est un acte du Magistère parce qu'elle propose une position erronée, sinon hérétique.

RDM : Celui qui pense cela, me semble-t-il, part d'une fausse prémisse : l'idée que le Magistère Pontifical ne peut jamais errer. En réalité, la garantie d'infaillibilité n'est réservée au Magistère que dans des conditions spécifiques, clairement énoncées dans la Constitution Dogmatique Pastor Aeternus du Vatican I. L'existence d'erreurs dans les documents non infaillibles du Magistère, y compris le Magistère Pontifical, est possible, surtout en période de grande crise. Il peut y avoir un acte du Magistère qui soit à la fois authentique et solennel, mais erroné. Ce fut le cas, par exemple, à mon avis, de la déclaration Dignitatis Humanae de Vatican II, qui, en dehors de son caractère pastoral, est indéniablement un acte magistériel et contredit presque certainement la Doctrine de l'Église sur la liberté religieuse, au moins d’une façon indirecte et implicite.

MH : Voyez-vous un schisme formel à venir, et à quoi ressemblerait-il en pratique ? Qui serait le créateur de ce schisme, et qu'est-ce que cela signifierait pour les simples laïcs ?

RDM : Un schisme est une division interne de l'Église, comme cela s'est produit en Europe pendant quarante ans entre 1378 et 1417, quand il semblait qu'on ne pouvait pas identifier avec une certitude absolue l'endroit où l'autorité [ légitime ] de l'Église devait être trouvée. Cette déchirure connue sous le nom de « Grand Schisme Occidental » n'était pas une question d'hérésie. Généralement cependant, l'hérésie suit le schisme, comme cela s'est produit en Angleterre à l'époque de Henri VIII. Nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation inédite où l'hérésie, plus grave que le schisme, la précède plutôt qu'elle ne la suit. Il n'y a pas encore de schisme formel, mais il y a hérésie dans l'Église. Ce sont les hérétiques qui font la promotion du schisme dans l'Église, certainement pas les Catholiques fidèles. Et les fidèles Catholiques qui veulent se séparer de l'hérésie ne peuvent certainement pas être définis comme schismatiques.

MH : Vous semblez suggérer que le Pape pourrait promouvoir le schisme et l'hérésie dans l'Église. Quelles seraient les conséquences de cette situation extrêmement grave ? Le Pape ne perdrait-il pas son autorité en tant que Pape ?

RDM : On ne peut résumer en quelques mots un problème si important et si complexe. Sur ce point, il est nécessaire d'avoir un débat théologique pour lequel on peut se référer au livre « Vrai ou Faux Pape » de Robert J. Sisco et John Salza, aux écrits d'Abbott Jean-Michel Gleize dans le journal Courrier de Rome et surtout à l'étude d'Arnaldo Xavier da Silveira, « Ipotesi teologica di Papa eretico » [ Les hypothèses théologiques sur un Pape hérétique ], dont j'ai édité l'édition Italienne en 2016 et aussi la prochaine édition en anglais. L'auteur, dont je partage la position de base, développe la thèse des décrétistes médiévaux, de Saint Robert Bellarmin, et de théologiens modernes comme Pietro Ballerini, selon lesquels, s'il existe une incompatibilité fondamentale entre [ tenir ] une hérésie et [tenir] l’autorité pontificale, le Pape ne perd pas son poste jusqu'à ce que son hérésie devienne apparente à toute l'Église.

MH : Et enfin, quelles seraient vos perspectives et vos encouragements pour nos lecteurs, à la fin de l'année du Centenaire des Apparitions de Notre-Dame de Fatima ?

RDM : Le découragement est un sentiment que le militant Catholique ne peut pas se permettre. La première arme à employer contre les ennemis qui attaquent l'Église est l'usage de la raison, afin de montrer les contradictions dans lesquelles vivent ces ennemis et par lesquelles ils y meurent nécessairement. Ensuite, nous devons nous tourner vers l'aide invincible de la Grâce. Il y a cent ans, Notre-Dame de Fatima prévoyait la crise de notre temps. Elle a annoncé un châtiment pour l'humanité si elle ne se convertissait pas, mais elle a également fait une promesse inconditionnelle et irréversible : le Triomphe de Son Cœur Immaculé. Pour sa part, Notre-Seigneur nous a promis d'être toujours avec nous jusqu'à la fin du monde ( Matthieu 28 :20 ). Que pouvons-nous demander de plus ?

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