mardi 5 décembre 2017

Du Dr en Droit Canon, Edward N. Peters

Sur l'apparition de la lettre du Pape
aux Évêques Argentins dans les Acta Apostolicae Sedis







par : Dr. Edward N. Peters ( Droit Canon)
Le 4 décembre 2017


SOURCE : In The Light of The Law



Il y a trois mois, j'ai prédit que la lettre du Pape François aux Évêques Argentins, approuvant leur mise en œuvre d'Amoris Laetitia, ferait son chemin dans les Acta Apostolicae Sedis. Maintenant ça y est. Une note d'accompagnement du Cardinal Parolin déclare que le Pape souhaite que le document Argentin jouisse de l’« autorité magistérielle » et que son approbation ait le statut de « Lettre Apostolique ».

Bien. Passons en revue quelques points.

1. Canon 915.

Il est essentiel de comprendre qu’aujourd'hui, ce qui empêche les ministres de la Communion de distribuer l'Eucharistie aux Catholiques divorcés et remariés est le Canon 915 et l'interprétation unanime et universelle que ce texte législatif, enraciné comme il est dans la Loi Divine, a toujours reçu. Le Canon 915 et les valeurs sacramentelles et morales fondamentales peuvent être oubliés, ignorés ou ridiculisés, même par des officiers de haut rang dans l'Église, mais à moins que cette loi ne soit révoquée ou modifiée par une action législative pontificale ou efficacement neutralisée par une « interprétation authentique » approuvée pontificalement, (1983 CIC 16), le Canon 915 fait obstacle et, faisant obstacle ainsi, lie les ministres de la Sainte Communion.

Ni la lettre du Pape aux Argentins, ni le document des Évêques Argentins, ni même Amoris laetitia ne mentionnent tout autant le Canon 915, et encore moins que ces documents abrogent, oblitèrent ou interprètent authentiquement cette norme hors du Code de Droit Canonique. Certes, peu ou rien dans ces documents n'approuve ni ne réitère le Canon 915 non plus, et le silence apparemment étudié que subit le Canon 915 ces jours-ci est une cause de profonde préoccupation pastorale. Mais la loi ne s’affaiblit pas sous le traitement du silence.

2. Lettre Apostolique.

Une « lettre apostolique » est une sorte de mini-encyclique et, quelle que soit l'attention que les encycliques obtiennent par leur valeur d'enseignement ou d'exhortation, elles ne sont pas ( à de rares exceptions près ) des textes législatifs pour formuler de nouvelles normes juridiques. Typiquement, les « lettres apostoliques » sont écrites à de plus petits groupes au sein de l'Église et traitent de questions plus limitées — pas des questions mondiales telles que l'admission des Catholiques divorcés et remariés à la Sainte Communion. Même lorsqu'une « lettre apostolique » spéciale est utilisée pour apporter des changements à la loi — comme l'a fait Jean Paul II dans Ad tuendam fidem ( 1998 ), comme Benoît l'a fait dans Omnium in mentem ( 2009 ), ou comme François l'a fait dans Magnum principium ( 2017 ) — la « lettre apostolique » utilisée dans de tels cas porte la désignation additionnelle de « motu proprio » ( c'est-à-dire à l'initiative du Pape et non en réponse à l'action d'autrui ), et les modifications apportées à la loi sont expressément identifiées par le numéro de Canon, pas simplement implicite ou présumé, surtout pas par le silence.

La lettre du Pape aux Argentins apparaît simplement comme une « lettre apostolique », non comme une « lettre apostolique motu proprio », et elle ne fait référence à aucun Canon.

3. Magistère authentique.

Beaucoup de gens utilisent le terme « Magistère » comme « autorité de gouvernance de l’Église », mais dans son sens Canonique, le « Magistère » désigne généralement l'autorité de l'Église à enseigner la foi et la morale, et non l'autorité de l'Église à faire respecter la discipline reliée aux questions de foi et de morale.

Alors que François — quoiqu’aussi indirectement que possible ( à travers un mémo à un fonctionnaire du dicastère concernant une lettre écrite par une Conférence Épiscopale ) — a indiqué que sa lettre aux Argentins et même la lettre de la Conférence Épiscopale Argentine elle-même soient « magistérielles », le fait demeure que le contenu de tout document de l'Église, pour qu’il porte le plus correctement l'étiquette « magistérielle », doit traiter des affirmations concernant la foi et la morale, et non des dispositions relatives aux questions disciplinaires liées à la foi et à la morale. Bien sûr, les documents de l'Église peuvent comporter des passages « magistériels » et « disciplinaires », mais généralement seuls les éléments d'enseignement d'un tel document sont Canoniquement considérés « magistériels » tandis que les parties normatives d'un tel document sont Canoniquement considérées comme « disciplinaires ».

François a, à mon avis, trop vaguement désigné d'autres de ses points de vue comme portant une « autorité magistérielle » ( rappelez-vous ses commentaires sur le mouvement liturgique ), et il n'est pas seul à faire, de temps en temps, des commentaires étranges sur l'utilisation du pouvoir du Pape. ( rappelez-vous Jean-Paul II invoquant « la plénitude de [son] autorité apostolique » pour mettre à jour les statuts d'un groupe de réflexion pontifical en 1999 ).

Mais cette utilisation inconsistante ne fait que souligner que le reste d'entre nous devons essayer de lire ces documents en accord avec la façon dont l'Église elle-même habituellement ( je souhaiterais dire « toujours », mais je me contenterai de dire « habituellement » ) les écrit et demandons des affirmations « magistérielles » dans Amoris Laetitia, dans le document de Buenos Aires, et dans la lettre d'approbation de François ? Oui. À plein, passant de la gamme de la vérité évidente par le vrai-mais-bizarrement-ou-partiellement formulé jusqu’à quelques-uns qui. bien que pouvant être compris dans un sens orthodoxe, sont formulés de manière à se prêter à des compréhensions hétérodoxes ( et pour cette raison devrait être clarifié pour le bien commun ecclésial ).

En tout état de cause, ces énoncés d'enseignement, dans la mesure où ils font des assertions sur la foi ou la morale et proviennent d'Évêques et / ou de Papes agissant comme Évêques ou Papes, jouissent déjà au moins d'un niveau ( relativement faible ) de valeur magistérielle ordinaire, une valeur qui n’est pas augmentée en leur accolant l'étiquette « magistérielle ».

Et y a-t-il des affirmations « disciplinaires » dans Amoris et dans le document de Buenos Aires et la lettre d'approbation de François ? Oui, quelques-uns. Mais, comme je l'ai déjà dit, aucune de ces assertions disciplinaires, même si elles sont ambiguës et donc susceptibles de laisser la porte ouverte à des pratiques inacceptables, ne suffit pour révoquer, modifier ou éviter le Canon 915 qui, comme indiqué plus haut, empêche l'administration de la Sainte Communion aux Catholiques divorcés et remariés.

Conclusion.

Je souhaite que le Canon 915 ne soit pas le seul rempart contre l'abandon de l'Eucharistie aux caprices des consciences individuelles, souvent mal formées. Je souhaite un sens vivant et pastoral de la permanence libératrice du Mariage Chrétien, un besoin universel de Confession afin de réconcilier ceux qui sont dans un péché grave, le pouvoir de l'Eucharistie de nourrir les âmes en état de grâce et de condamner ceux qui la reçoivent de façon irrévérencieuse, et que ça suffise à rendre inutile l'invocation du Canon 915 dans la pratique pastorale. Mais apparemment, dans une grande partie du monde Catholique de nos jours, tel n'est pas le cas et le Canon 915 doit être désigné comme si c'était la seule raison d'interdire la réception de la Sainte Communion dans ces situations.

Mais que peut-on dire ? À moins que le Canon 915 lui-même soit directement révoqué, éviscéré ou stérilisé, il oblige les ministres de la Sainte Communion à refuser le Sacrement le plus auguste, entre autres, aux Catholiques divorcés et remariés, sauf si ces couples vivent comme frères et sœurs et sans scandale à la communauté.

Rien de ce que j'ai vu jusqu'ici, y compris l'apparition des lettres des Évêques du Pape et de l'Argentine dans les Acta Apostolicae Sedis, me fait penser que le Canon 915 a subi un tel sort.

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