mardi 12 décembre 2017

La réponse de Pierantoni à Buttiglione

Voici pourquoi tout argument permettant la Communion
pour les divorcés « remariés » échoue finalement




par : Diane Montagna

SOURCE : Life Site News
Le 12 décembre 2017



Avant-propos

ROME, le 12 décembre 2017 ( LifeSiteNews ) — En tant qu'« amoureux de la Papauté », les critiques d’Amoris Laetitia souhaitent épargner au Pape François un sort pire qu’Honorius, le seul Pape à avoir été formellement condamné pour hérésie. Mais, en même temps, ceux qui ferment les yeux sur la situation actuelle ne font que « l'encourager sur cette voie ».

Ces remarques, du philosophe Italien et historien de l'Église, le Professeur Claudio Pierantoni, sont venues en réponse à la dernière interview de Rocco Buttiglione avec Vatican Insider.

Rocco Buttiglione est un philosophe et homme politique Italien, et auteur du livre récent Risques amichevoli ai critici di Amoris Laetitia (Réponses amicales aux critiques d'Amoris Laetitia).

Dans l’interview avec le journaliste Andrea Tornielli du Vatican Insider l'un des conseillers en matière de médias les plus proches du Pape François, Buttiglione a dit qu'il y a des cas où des Catholiques divorcés qui n'ont pas obtenu de nullité et qui vivent dans une seconde union sexuellement de façon active « peuvent être considérés comme étant dans la Grâce de Dieu » et « méritent donc de recevoir les Sacrements ».

« Cela semble une nouveauté choquante » a reconnu Buttiglione, « mais c'est une Doctrine qui est entièrement, et j'ose dire, solide comme le roc et traditionnelle ».

Dans l'interview, Buttiglione a également accusé les critiques d’Amoris Laetitia de tomber dans « l'objectivisme éthique » et a déclaré que ceux qui ont accusé le Pape de permettre la propagation d’une hérésie, au moins par omission, sont coupables de « calomnie, de schisme et d’hérésie ».

Le Cardinal Walter Kasper a repris les commentaires de Buttiglione jeudi dernier dans un commentaire de l'édition allemande de Radio Vatican : « L'admission des divorcés remariés aux Sacrements dans des cas individuels est basée sur l'enseignement de la Tradition, spécialement de Thomas d'Aquin et du Concile de Trente ».

« Ce n'est pas une nouveauté, mais le renouvellement d'une vieille tradition » a déclaré le Cardinal Kasper. La faille chez les critiques d’Amoris Laetitia, a-t-il ajouté, est « un objectivisme moral unilatéral qui sous-estime l'importance de la conscience personnelle dans un acte moral ».

Dans son commentaire, Kasper a salué l'approbation officielle par le Pape François des Directives des Évêques Argentins ( en les publiant dans les Acta Apostolicae Sedis ) et a déclaré qu'il espère que cela mettra fin au débat « fatiguant » sur Amoris Laetitia .

D'autres prélats de haut rang, comme l'ancien Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le Cardinal Gerhard Müller, ont suggéré au Pape François de nommer un groupe de Cardinaux pour débattre de ses critiques afin de sortir de l'impasse.

Claudio Pierantoni, l'un des laïcs qui a contribué à façonner la Correction Filiale , a été un contributeur principal au débat théologique sur le sujet au cours de la dernière année. Né à Rome, Pierantoni est actuellement Professeur de philosophie médiévale à la faculté de philosophie de l'Université du Chili ( Santiago ). Il a deux doctorats : en Histoire du Christianisme et en Philosophie.






Ici, le Professeur Pierantoni
répond à la dernière interview de Rocco Buttiglione
dans un rapport exclusif pour Life Site News.

La dernière interview de Rocco Buttiglione sur Amoris Laetitia me semble intéressante et utile, car elle exprime la pensée du philosophe d'une manière synthétique et linéaire sans complication ni digressions indues. Cela rend beaucoup plus facile d'identifier et de répondre brièvement aux principales erreurs qui l'affectent. Buttiglione commence par dire que, grâce à son livre et à la préface du Cardinal Müller :

« Pour la première fois, les critiques ont été forcés de répondre et ne peuvent nier un point : il existe des circonstances atténuantes en vertu desquelles un péché mortel ( un péché qui autrement serait mortel ) devient un péché plus léger, qui n'est que véniel ».

Ici, je voudrais souligner que les critiques ont déjà répondu, disant qu'ils n'ont jamais nié la Doctrine des circonstances atténuantes prises en général : je l'avais moi-même fait dans tous mes articles sur Amoris Laetitia, à partir de septembre 2016 ainsi que dans beaucoup lettres privées à Rocco Buttiglione. Ce que Buttiglione dit ici est donc manifestement faux. Cependant, ce que je veux surtout souligner ici, c'est la fausseté des conséquences que Buttiglione tire de cette déclaration, comme si ces conclusions étaient évidentes. Buttiglione écrit :

« Il y a donc des cas dans lesquels les divorcés remariés peuvent ( par l'intermédiaire de leur confesseur et après un discernement spirituel approprié ) être considérés comme étant dans la Grâce de Dieu et par conséquent méritent de recevoir les Sacrements. Cela semble une nouveauté choquante, mais c'est une Doctrine qui est entièrement, et j'ose dire, solide comme le roc et traditionnelle ».

Notez la précipitation et la superficialité ( certainement pas justifiée par la circonstance atténuante d'un manque d'intelligence ) avec laquelle Buttiglione saute à la double conséquence : dans le premier passage, il tire de la Doctrine générale des circonstances atténuantes la conséquence immédiate que « les divorcés remariés peuvent être considérés comme étant dans la Grâce de Dieu ». Avec cela, il ignore les fortes objections que nous avons soulevées sans même y répondre.

Les circonstances atténuantes seraient fondées, comme Amoris Laetitia l’énonce et comme le répète Buttiglione, sur une compréhension inadéquate de la norme. Amoris Laetitia propose maintenant un « discernement spirituel approprié ». Mais nous dirions que, pour que ce discernement spirituel soit « approprié », il doit nécessairement conduire à une bonne compréhension de la norme. Une mauvaise compréhension de la norme pourrait peut-être être invoquée par ceux qui, laissés à eux-mêmes, n'ont pas accès à un confesseur ou à un guide spirituel. Mais suggérer que cela serait invoqué par quelqu'un qui a accès à cette formation spirituelle est une contradiction.

Quand quelqu'un confesse un péché, même si le confesseur est capable d'évaluer qu'il y a eu des circonstances atténuantes dans le passé, la conséquence logique est que le pécheur renonce à commettre le péché dans le futur. Si ce n'était pas le cas, il ne serait pas en train de commettre un péché et il ne serait donc pas logique de parler de circonstances atténuantes. Si le pénitent pense pouvoir continuer à agir de la sorte, il affirme que « compte tenu de la situation », l'action n'était pas vraiment un péché, mais plutôt la bonne chose à faire. Et c'est précisément ce que dit l'éthique situationnelle que Buttiglione cherche en vain à séparer d’Amoris Laetitia. Dans ce cas, l'adultère ne serait pas intrinsèquement mauvais, comme le dit la théologie morale Catholique, mais le serait « selon les cas ».

En fin de compte, nous sommes confrontés à un dilemme évident : soit la situation irrégulière est pécheresse, soit elle ne l'est pas.

Si nous disons que c'est un péché, alors même qu’il pourrait être atténué par les circonstances dans le passé, il doit être abandonné à l'avenir. Si, au contraire, nous disons que ce n'est pas un péché, nous ne parlons plus de circonstances atténuantes, mais nous tombons de front dans l'éthique situationnelle qui stipule que l'adultère n'est pas toujours mauvais, mais seulement dans certains cas. Et si cela est vrai pour l'adultère, alors il n'y a aucune raison pour que cela ne puisse pas être vrai pour d'autres actions qui sont considérées comme intrinsèquement mauvaises selon la Doctrine Catholique. Ce serait l'effet de « bombe atomique » dont parlait Joseph Seifert.

Lorsque le confesseur détermine qu'il y a eu des circonstances atténuantes pour le péché commis, il ne s'ensuit pas, comme le prétend Buttiglione, que la personne « peut être considérée comme étant dans la Grâce de Dieu ». Il se peut qu'elle le soit devant Dieu et nous devrions jamais avoir l'audace de juger la vie intérieure d'une personne, comme Jésus nous l'enseigne. Mais il n'en résulte pas que le prêtre a le pouvoir de pénétrer le regard de Dieu et de décider positivement qu'une personne est en état de grâce. Le fait qu'une personne soit réellement dans la Grâce de Dieu ( dans le secret de son esprit et de son cœur ) est quelque chose de complètement différent du fait de pouvoir être ainsi considéré positivement par rapport à la discipline ecclésiastique. Cela crée une énorme confusion, comme l'ont souligné tous les meilleurs critiques d’Amoris Laetitia.

Et nous arrivons ici au deuxième point. Dans la deuxième conséquence, Buttiglione déclare :

« Et donc [ divorcés et les remariés ] méritent de recevoir les Sacrements ».

Or, devions-nous supposer que, dans certains cas, le prêtre, à travers un charisme surnaturel, aurait le pouvoir de pénétrer le regard divin pour décider qu'une personne est dans la Grâce de Dieu (ce que ni Amoris Laetitia. ni Buttiglione ne prétendent), il ne s’ensuit pas que les divorcés remariés mériteraient de recevoir les Sacrements. Ici aussi, Buttiglione saute à la conclusion sans se préoccuper de l'objection qui a été soulevée à plusieurs reprises depuis un an et demi par des dizaines, voire des centaines, de critiques. Cette objection est simple et consiste en ce que, selon le Magistère de l'Église, la raison pour laquelle les divorcés remariés ne peuvent être admis aux Sacrements n'est pas un jugement présumé sur le fait que leur âme est ou non en état de grâce devant Dieu.

Personne n'aurait rêvé de faire un tel jugement, avant ou après Amoris Laetitia. La raison en est leur situation objective (visible, vérifiable ) qui contraste avec la situation objective de la réception des Sacrements. La réception des Sacrements visibles dans une Église visible doit correspondre à une situation objective et visible. Sinon, l'ordre visible de l'Église cesse simplement d'exister. Nous n'aurions plus d'Église Catholique et Apostolique, mais une église « pneumatique », pseudo-charismatique ou gnostique, une « Église » dont la discipline extérieure, si l'on pouvait encore parler de la sorte, serait soumise à l'arbitraire le plus absolu. Ce serait « le chaos érigé en système » dont parlait Robert Spaemann en référence à Amoris Laetitia.

En fait, la déclaration du Conseil Pontifical pour les Textes Législatifs ( Déclaration concernant l'admission à la Sainte Communion des fidèles divorcés et remariés du 24 juin 2000 ) qui est citée par Amoris Laetitia précisément à propos de ce point, affirme qu’un jugement négatif sur une situation objective n'implique pas un jugement sur l'imputabilité ou la culpabilité de la personne impliquée » (Amoris Laetitia 302 et note 345), c’est la même chose qui nie l'accès au Sacrement, précisément parce que « le ministre de la Communion ne pourrait pas juger à partir d’une imputabilité subjective ». La même Déclaration ajoute ensuite avec une clarté absolue que « l'interdiction trouvée dans le canon cité [ CIC 915 ], par sa nature, dérive de la Loi Divine et transcende le domaine des lois ecclésiastiques positives : cette dernière ne peut pas introduire des changements législatifs qui s'opposeraient à la Doctrine de l'Église ».

Sur la base de ces observations, nous pouvons conclure que :

  • En ce qui concerne la théologie morale, ce que dit Buttiglione est faux ; à savoir, que ce que nous traiterions est une affirmation inoffensive de la Doctrine des circonstances atténuantes plutôt que sa déformation perverse, qui est l'éthique situationnelle.

  • En ce qui concerne la théologie sacramentelle, ce qu’énonce Buttiglione est faux ; à savoir, que nous avons affaire à un développement en continuité avec le Magistère précédent, alors qu'en fait, ils prétendent changer quelque chose qui, selon le Pape Jean-Paul II, appartient à la Loi Divine.

  • En ce qui concerne l'accusation selon laquelle les critiques sont coupables de tomber dans « l'objectivisme », il me semble tout à fait clair que c'est le fruit de l'imagination de Buttiglione. En fait, tous nos arguments présupposent nécessairement, comme nous l'avons vu, la distinction entre la dimension objective et l’imputabilité subjective.

  • Enfin, concernant les commentaires personnels adressés aux critiques des textes, des paroles et des actions du Pape, et en particulier envers les auteurs de la Correctio Filialis , que nous sommes des « calomniateurs, des schismatiques », etc., parce que nous avons accusé le Pape de propager l'hérésie, je signale que Buttiglione, dans toutes ses interventions, a systématiquement défendu le texte d’Amoris Laetitia en l'isolant de toutes les autres déclarations du Pape, comme si elles n'étaient pas pertinentes parce qu'elles n'étaient pas « magisterium ». Mais ce genre d'attitude est trop facile : c'est finalement l'attitude de l'autruche qui enfouit sa tête dans le sable. En réalité, tous les actes du Pape ont évidemment un impact extrêmement puissant sur l'Église et le monde entier. Or, ces affirmations non seulement confirment et clarifient la tendance hérétique présente dans Amoris Laetitia, mais soutiennent aussi d'autres hérésies nombreuses : il suffit de penser à la récente exaltation hagiographique de Luther par le Saint-Siège, qui donne en soi le feu vert à toute une foule d'erreurs ( mais elles ne sont pas les seules : pour une liste plus complète, voir l'article récent du théologien anglican Gerald McDermott : « Le Pape François est-il un protestant libéral ? ) ».

  • Le Pape Honorius a été anathématisé par le Troisième Concile Oecuménique de Constantinople (680) pour beaucoup moins que cela. L'anathème a ensuite été confirmé par le Pape Léon II : « Car il n'a pas éteint immédiatement la flamme de l'enseignement hérétique comme devrait le faire l'autorité apostolique, mais par sa négligence, il l'a encouragée » ( voir mon intervention à la conférence récente ) Apporter de la clarté-La cohérence nécessaire du Magistère avec la Tradition : exemples de l'histoire , « Rome, 22 avril 2017 ».

    Nous, les critiques, en tant qu'amoureux sincères de la Papauté, souhaitons épargner le sort d’Honorius à François ( ou peut-être même pire ). Ceux qui ferment les yeux sur la situation actuelle l'encouragent dans cette voie. Nous ne présumons pas juger le for interne de quiconque. Mais malheureusement, d'un point de vue objectif, nous ne pouvons pas déceler de circonstance atténuante dans ce comportement.

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