mercredi 18 octobre 2017

L’imaginaire « inversion » de la peine de mort
Le rôle de Jean-Paul II



par Christopher A. Ferrara
SOURCE : le Centre de Fatima
Le 17 octobre 2017

Mes deux dernières chroniques [ ici et ici ] ont discuté de l'intention apparente du Pape François de prétendre modifier l'enseignement de l'Église afin de déclarer, contrairement à son enseignement depuis 2 000 ans, que la peine capitale est immorale « en soi » et « inadmissible ... peu importe la gravité du crime commis… » Toute tentative d'imposer cette nouveauté comme un « enseignement de l'Église » serait un abus flagrant de l'autorité papale qui ne pourrait pas appartenir au Magistère authentique. Les principes moraux exposés par le Magistère à travers les siècles, y compris sa défense constante de la moralité de la peine capitale en tant que question de vérité révélée (Romains 3 :14), ne peuvent être « abrogés » comme s'ils étaient une simple législation civile .

L'auteur de cet éditorial est Monsieur Christopher A. Ferrara. Monsieur Ferrara est avocat de profession. Il agissait aussi comme collaborateur principal de Feu Père Nicholas Gruner, fondateur du Centre de Fatima, Fort Érié, Canada et ayant aussi des installations à Rome. Il est chroniqueur dans plusieurs autres sites catholiques dont Le L.



Mais ici, le rôle préparatoire de Jean-Paul II ne peut pas être négligé. Alors que l'édition définitive latine de son Catéchisme, publié en 1997 (traduction en français ici ), affirme (§ 2267) que « l'enseignement traditionnel de l'Église n'exclut pas le recours à la peine de mort », il s'éloigne tout de suite après du domaine des évaluations contingentes des faits dépassant clairement la compétence du Magistère en tant que tel. Voici le passage pertinent en entier :

« L’enseignement traditionnel de l’Église n’exclut pas, quand l’identité et la responsabilité du coupable sont pleinement vérifiées, le recours à la peine de mort, si celle-ci est l’unique moyen praticable pour protéger efficacement de l’injuste agresseur la vie d’êtres humains.

Mais si des moyens non sanglants suffisent à défendre et à protéger la sécurité des personnes contre l’agresseur, l’autorité s’en tiendra à ces moyens, parce que ceux-ci correspondent mieux aux conditions concrètes du bien commun et sont plus conformes à la dignité de la personne humaine.

Aujourd’hui, en effet, étant données les possibilités dont l’État dispose pour réprimer efficacement le crime en rendant incapable de nuire celui qui l’a commis, sans lui enlever définitivement la possibilité de se repentir, les cas d’absolue nécessité de supprimer le coupable " sont désormais assez rares, sinon même pratiquement inexistants " (Evangelium vitae, n. 56).

Notez la prolifération de phrases vagues et ambiguës ne fournissant aucune orientation morale claire, mais seulement des indications selon lesquelles la peine capitale doit être évitée. Selon quels critères les autorités civiles peuvent s’assurer que la peine capitale est « le seul moyen possible de défendre la sécurité des personnes efficacement » ou que « des moyens non sanglants sont suffisants pour défendre et protéger la sécurité des personnes » ? Aucun n'est fourni. Que signifient les « conditions concrètes du bien commun » ? Rien à ce que je peux voir.

Et si la peine capitale est conforme et justifiée par la défense de la dignité humaine, comme l'Église l'a toujours enseignée, que signifie une punition moindre qui est « plus » conforme à la dignité humaine ? Combien en plus ? Existe-t-il une différence moralement impérative dans ce quantum indéfini de plus grande conformité à la dignité humaine ? Quant à la question de la dignité humaine, comme je l’ai mentionnée dans le magazine Crisis cela implique la dignité surnaturelle de l’homme et la vie éternelle, non seulement son existence biologique sur cette terre, et « qui peut dire que les tueurs condamnés qui croupissent dans les prisons et qui sont des gouffres d'immoralité est plus susceptible de convenir qu'un condamné qui reçoit la grâce de la pénitence finale ? »

Le plus répréhensible est l'affirmation selon laquelle « en conséquence des possibilités dont l'État dispose pour réprimer efficacement le crime, en rendant incapable de nuire celui qui l’a commis, sans lui enlever définitivement la possibilité de se repentir, les cas d’absolue nécessité de supprimer le coupable sont désormais assez rares, sinon même pratiquement inexistants » ? Quelles possibilités ? Essentiellement, il n'y en a qu'une à part la peine de mort : l'emprisonnement à vie, qui a toujours été à la disposition de l'État. Mais le Pape François, rejetant toute contrainte Magistérielle, a même raillé contre les peines à vie comme étant une « peine de mort cachée ». Même les meurtriers en série pourraient apparemment être libérés éventuellement selon cette étrange opinion.

Quoi qu'il en soit, sur le plan purement factuel, les prisons échouent souvent et échouent misérablement à rendre un prisonnier « incapable de nuire », comme on le voit avec les meurtres fréquents d'un prisonnier par un autre ou des gardiens par des prisonniers, des membres innocents de la population générale par des prisonniers évadés. L’affirmation est manifestement fausse.

Que faut-il faire de l'expression « désormais assez rares, sinon même pratiquement inexistants » ? Aucun Pape ne peut revendiquer le droit d'enquêter sur les systèmes judiciaires du monde entier et déclarer que les cas où la peine capitale est justifiée sont toujours « désormais assez rares ». Et à quel point la rareté est-elle « assez » rare ? En ce qui concerne « pratiquement inexistants », comment la non-existence pratique diffère de la non-existence « simpliciter» [ toute simple ] ? Nous voyons ici comment le Magistère authentique, dont l'enseignement est clair et universellement applicable, ne s’accorde pas avec des adjectifs évasifs sur un principe moral. Comme si l'Église pouvait imposer d'une manière ou d'une autre aux fidèles la croyance absurde qu'un acte qu'elle a toujours défendu comme moralement légitime selon l'Évangile est néanmoins jamais, ou presque jamais, autorisé !

Pour être franc, l'expression « désormais assez rares, sinon même pratiquement inexistants » est essentiellement dénuée de sens. Il ne peut pas servir de principe moral universellement applicable. Mais cela sert de vernis linguistique pour suggérer une sorte d'immoralité virtuelle de la peine capitale sans oser la déclarer pure et simple, comme le fait maintenant le Pape François.

Un autre problème, encore plus profond : le passage cité du Catéchisme de 1997 suggère, sans le dire explicitement, que le seul fondement moral de la peine de mort est la protection des autres contre une agression future par l’agresseur condamné. Pourtant, la section précédente du même Catéchisme : « L’autorité publique légitime a le droit et le devoir d’infliger des peines proportionnelles à la gravité du délit. La peine a pour premier but de réparer le désordre introduit par la faute. Quand cette peine est volontairement acceptée par le coupable, elle a valeur d’expiation ». En effet, la résignation du Bon Larron à la peine juste pour ses crimes — la mort — était une manifestation de sa justification dans la grâce du Sauveur en qui il croyait.

Une punition qui correspond au crime, à la réparation du désordre et à l'expiation pour une infraction n'est pas moins un motif de peine capitale pour un meurtre que pour les peines moins sévères imposées pour des crimes moins graves. Cela a toujours été le cas, mais les rédacteurs du Catéchisme tentent de faire une exception à la peine de mort fondée sur rien d'autre que l'idée manifestement erronée que les prisons modernes rendent les meurtriers inoffensifs. Il n'y a pas ici de réelle distinction morale, mais seulement un rejet émotionnel plutôt que rationnel de la peine de mort fondée sur les sentiments libéraux actuels. François raille l’adhésion à l’enseignement traditionnel sur la peine capitale de l'Église comme étant du « populisme pénal », mais c’est précisément le populisme pénal qui exige la clémence pour les meurtriers condamnés, mais la mort pour l'enfant innocent à naître.

Dans son Catéchisme, Jean-Paul II a affirmé le principe moral immuable selon lequel la peine capitale est moralement licite, mais il a sapé le principe avec des assertions factuelles manifestement douteuses qui ne peuvent pas appartenir à la Doctrine Catholique. En exploitant cette ouverture, cependant, François propose maintenant de contredire le principe moral lui-même en déclarant être immoral ce que l'Église a toujours défendu comme compatible avec l'Évangile et en faisant en effet la défense de la dignité humaine envers les criminels violents qui privent des innocents de leur vie et de ce fait ( pour rappeler l'enseignement de Pie XII reflétant toute la Tradition ) perdent justement la leur.

Ici aussi, Jean-Paul II a ouvert la voie. Dans un sermon qu'il a prononcé à Saint Louis le 27 septembre 1999, il a aussi semblé attaquer le principe moral lui-même :

« La nouvelle évangélisation appelle les disciples du Christ qui sont inconditionnellement pro-vie : ceux qui vont annoncer, célébrer et servir l'Évangile de la vie dans toutes les situations. Un signe d'espoir est la reconnaissance croissante que la dignité de la vie humaine ne doit jamais être enlevée, même dans le cas d’une personne qui a fait grand mal. La société moderne a les moyens de se protéger, sans nier définitivement aux criminels la possibilité de se réformer (cf. Evangelium vitae, 27). Je renouvelle l'appel que j'ai lancé récemment à Noël en faveur d'un consensus pour mettre fin à la peine de mort, qui est à la fois cruelle et inutile ».

Au moins Jean-Paul II a tenté de masquer son opinion avec l'affirmation factuelle — manifestement fausse — que « la société moderne a les moyens de se protéger » contre les meurtriers en les enfermant dans des prisons, ce qui n'est guère une option propre à la « société moderne ». Quant à l'affirmation selon laquelle il existe aujourd'hui une « reconnaissance croissante que la dignité de la vie humaine », il est impossible de prendre cette affirmation au sérieux dans une société qui tolère, protège et même subventionne le meurtre de masse d'enfants innocents dans le sein de leurs mères alors que des cœurs saignants de libéraux exigent le « droit à la vie » même pour les tueurs les plus endurcis. Et comment Jean Paul II peut-il dénoncer comme « cruelle et inutile » — donc immorale — une forme de punition que l'Église n'a jamais manqué de défendre comme moralement légitime, même dans son propre catéchisme à l'aspect confus ?

La « désorientation diabolique » dont Sœur Lucie a parlé à la lumière du Troisième Secret s'est manifestée à bien des égards au cours du demi-siècle qui s'est écoulé depuis que le Pape Jean XXIII a réprimé le Secret en 1960. L’un des moyens est l'empiètement dans des documents conciliaires et papaux normalement lapidaires pendant et après le Concile Vatican II, par des obiter dicta [observations personnelles ] impliquant des observations sociologiques, des ambiguïtés ouvertes, des affirmations factuelles douteuses et même des opinions clairement personnelles qui, sous un examen approfondi, sont perçues comme n’ayant aucun poids doctrinal. Avec cette corruption linguistique, il y a aussi eu un allongement vraiment absurde des documents papaux de la longueur de livres — des livres que presque personne ne lit.

L'un des heureux résultats de la Consécration de la Russie, une fois réalisée, sera le retour de l'expression simple et de la clarté cristalline qui rayonnent de manière impressionnante dans tout le corps de l'enseignement papal avant que la confusion actuelle n’eût commencé. Que le bon Dieu hâte l'avènement de cette restauration bénie.





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