Par: Phil Lawler
Phil Lawler a été journaliste Catholique depuis plus de 30 ans. Il a édité plusieurs revues Catholiques et écrit huit livres. Fondateur de World Catholic News, il est le directeur des nouvelles et analyste en chef à CatholicCulture.org.
SOURCE : Catholic Culture
Le 4 mai 2017
Comme Emmanuel Macron a avancé vers sa victoire sur l'élection présidentielle Française, les médias à la mode ont remarqué une réalité étonnante sur les dirigeants politiques actuels de l’Europe :
Macron, le Président Français nouvellement élu, n'a pas d'enfants.
La Chancelière Allemande Angela Merkel n'a pas d'enfants.
La Première Ministre Britannique Theresa May n'a pas d'enfants.
Le Premier Ministre Italien Paolo Gentiloni n'a pas d'enfants.
Mark Rutte de Hollande, Stefan Löfven de Suède, Xavier Bettel du Luxembourg, Nicola Sturgeon d'Écosse, tous n'ont pas d'enfants.
Jean-Claude Juncker, Président de la Commission Européenne, n'a pas d'enfants.
Donc, un nombre excessivement disproportionné de personnes prenant des décisions sur l'avenir de l'Europe n'ont aucun intérêt personnel direct dans cet avenir.
Est-il possible qu'un politicien monte au sommet du pouvoir sans avoir obtenu un diplôme d'études collégiales ou l'équivalent ? Ce serait difficile, n'est-ce pas ? Et ne devrait-il pas être aussi bien formé ? Nous nous attendons à ce que nos dirigeants aient une solide formation académique. Mais l'expérience de former le caractère des enfants n'est-elle pas plus longue que quelques années d'école ?
Vous pouvez avoir très peu de points communs avec vos voisins de porte, encore moins avec les gens de l'autre côté du pays. Mais si vous pouvez tous vous rappeler avoir vu votre nouveau-né pour la première fois et être resté debout la nuit avec un enfant malade, vous partagez des liens puissants. Vous ne partagez pas ces liens avec les leaders européens sans enfants. Ils ne savent pas à quoi ressemble votre vie.
Ou encore alors, peut-être qu’ils le savent, si vous êtes un résident typique de la France, de l'Allemagne ou de l'Italie ou de l'un des autres pays aisés (y compris les États-Unis) où le taux de fécondité a plongé au-dessous du niveau de remplacement du taux de natalité. Il est peut-être judicieux de choisir des leaders sans enfants pour une société de plus en plus sans enfant. Certes, il est significatif qu’en même temps que les sociétés occidentales ont cessé de se reproduire, elles ont commencé à générer des dépenses publiques insoutenables, à accumuler des dettes sur le dos de leurs enfants — ou des enfants de quelqu'un d'autre.
Et qui sont ces enfants, qui devront payer ces dettes et faire fonctionner les foyers des vieux ? Ils sont les enfants d'immigrants. Peut-être, si suffisamment de familles du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord arrivent en Europe, elles peuvent fournir la main-d'œuvre qui remboursera les dettes et les prestations, et fourniront le personnel pour les foyers des vieux. La victoire de Macron est, semble-t-il, une pari sur cette possibilité : un endossement des politiques actuelles de l'Union européenne et une répudiation de l'appel de Marine Le Pen pour des restrictions sur l'immigration.
Cependant, une Europe peuplée par les enfants d'immigrants sera une société très différente. Et bien qu'il soit théoriquement possible pour une telle société d'accueillir et d'assimiler un flot d'immigrants — les États-Unis l'ont fait au début du 20e siècle — à ce jour, l'Europe n'a pas particulièrement réussi à absorber les derniers afflux.
Christopher Caldwell, peut-être le commentateur Américain le plus perspicace sur la Crise Européenne, analyse l'échec Français à assimiler les immigrants Musulmans dans un article pour City Journal : The French, Coming Apart [ Les Français en désagrégation ]. Caldwell rapporte que les politiques françaises actuelles ont favorisé les intérêts de l'élite, la « classe du savoir », tout en éliminant la classe moyenne. Il ajoute : « En ce qui concerne les migrants eux-mêmes (dont les opinions sont rarement prises en considération dans les discussions sur l'immigration française), vivre à Paris au lieu de Bamako est une aubaine même dans les pires circonstances ». Les riches et bien éduqués prospèrent à Paris ; les pauvres immigrants sont en train de s’accroupir dans des logements publics. Les commerçants, les commis et les cols bleus se sont évanouis dans la campagne et dans le contexte politique. Peut-être qu'ils ont aussi des enfants. En tout cas, leurs opinions ne sont plus pertinentes pour les dirigeants politiques. S'ils sont dissidents des normes du politiquement correct établies par l'élite, ils sont condamnés comme bigots. Caldwell écrit :
« Depuis Tocqueville, nous avons compris que nos sociétés démocratiques sont imitatives. Personne ne veut être considéré comme un fanatique si le conseil des gouverneurs du country club est fier de son multiculturalisme. Mais à mesure que la perspective de monter dans l’échelle du monde est gênée ou éteinte, les incitations au conformisme idéologique s'affaiblissent. La dissidence apparaît. Le politiquement correct devient plus draconien. Enfin, la classe dirigeante atteint une étape dangereuse dans laquelle elle commence à perdre non seulement sa légitimité, mais aussi un sens de la légitimité sur laquelle elle reposait en premier lieu.
Dans les élections de cette année, les Français ont rejeté le changement radical de politique préconisé par Le Pen et le Front National. Mais le statu quo ne peut pas durer, et ni ne peut la dextérité politique de Macron pourra empêcher le jugement éventuel.
Pierre Manent, le grand théoricien politique en France (si ce n'est au monde) aujourd'hui, a écrit à propos de ce calcul dans Beyond Radical Secularism [ « Situation de la France » en français ]. Il soutient que le plus grand défi de la France aujourd'hui est le rétablissement d'une véritable communauté politique. Comme il le voit, les bouleversements des années 1960 n'étaient pas vraiment politiques ; ils impliquaient « le grand retrait de la loyauté envers la communauté ». De plus en plus, les gens se voyaient comme des individus autonomes, motivés par diverses impulsions et désirs plutôt que comme participants à une entreprise commune. « Le citoyen d'action a été suivi par l'individu de jouissance ».
« Nous sommes probablement les premiers, et nous resterons sûrement les seuls, les seuls gens dans l'histoire à subordonner tous les éléments de la vie sociale et tous les contenus de la vie humaine à la souveraineté illimitée de l'individu » écrit Manent. Les dirigeants politiques gagnent de l’influence aujourd'hui en promettant d'étendre indéfiniment le domaine de l'autonomie individuelle, d'inventer de nouvelles « libertés » qui doivent être protégées, de promouvoir de nouvelles formes d'auto-expression et d'auto-satisfaction afin de faire de la « diversité » un objectif primordial. Maintenant, avec la montée de l'immigration islamique, la France fait face au test ultime de ses propres et nouveaux idéaux politiques : la force croissante d'une minorité qui rejette la diversité, qui rejette la suprématie de l'individu et qui rejette donc l'idéologie même qui a permis à la minorité d’y grandir .
La seule solution, selon Manent, est que la France insiste pour que les Musulmans acceptent un rôle de citoyens français en tant que participants à une entreprise commune. Mais cela ne peut pas se faire si les citoyens Français autochtones ne reconnaissent d'abord pas leur rôle de citoyens plutôt que d'individus autonomes.
Quelle est la différence entre les citoyens et les individus ? Les citoyens reconnaissent leurs devoirs avec leurs droits. Les petits enfants se comportent toujours comme des individus. Dans une société saine, leurs parents se comportent en tant que citoyens — parce qu'il n'y a pas de meilleur moyen de former les gens dans les habitudes d'accepter la responsabilité que de leur donner les soins qu’ils donneraient à leurs propres enfants.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire