dimanche 2 avril 2017

La régularisation de la FSSPX
et le justification complète de Mgr Lefebvre



L'Archevêque Marcel Lefebvre
!905-1991



Écrit par Michael J. Matt
Éditorialiste en chef The Remnant


SOURCE : The Remnant







Note de l'éditeur : Ceci est une version extensive d'un article paru dans la récente édition imprimée de The Remnant. Nous le reproduisons ici dans l'intérêt de favoriser un débat constructif sur ce qui pourrait devenir (si cela arrive) le développement le plus important dans l'Église depuis Summorum Pontificum. Ces discussions avant les faits me semblent appropriées, mais ne doivent pas être interprétées comme une attaque contre ceux qui sont en faveur de la régularisation. Il y a de bons hommes des deux côtés de cette question et ce qui suit est simplement l'opinion d'un homme qui pourrait très bien se tromper. Cet article est juste comment je le vois — comme un observateur externe — et le lecteur est parfaitement libre de rejeter mes préoccupations et rester mon ami et frère d'armes. MJM


Le Remnant ne trafique pas dans les rumeurs. Mais, au cours des derniers mois, les rumeurs d'une régularisation imminente de la Société de Saint- Pie X (FSSPX) ont abondé avec l'Évêque Supérieur Général Bernard Fellay qui confirme enfin que ce sont bien plus que de simples rumeurs bien que la question soit loin d'être réglée.

Compte tenu de la mission du Pape François de saper tout ce qui est Catholique, toute « régularisation » de la FSSPX par le Vatican — quels qu’en soient les termes — est susceptible de donner aux amis de la cause de la FSSPX des préoccupations. Mgr Fellay comprend ceci et, je crois, il sait que ces préoccupations sont enracinées seulement dans le souci pour la FSSPX. De fait, il partage lui aussi ces préoccupations. Son Excellence a récemment mentionné dans une entrevue largement rapportée que même si Rome semble chercher une régularisation, « cela ne signifie pas que nous allons de l’avant, nous devons avancer avec une grande prudence et aussi assurer notre avenir pour être en mesure de prévenir toute possibilité de piège. Conséquemment, nous ne courrons pas au-devant de cette situation ».

Sages paroles, en effet. À ce stade, compte tenu de l'injustice à laquelle le Pape François et ses hommes de main ecclésiaux ont soumis les Frères Franciscains de l'Immaculée, par exemple, pour avoir dérivé vers la Tradition — certains d'entre nous ont du mal à imaginer toute tentative de régularisation du Vatican qui ne serait rien de moins qu’un piège possible. Après tout, le Pape qui a trouvé un moyen de saper l’Ordre Souverain millénaire des Chevaliers de Malte pourrait être probablement confiant dans son habileté à trouver un moyen de contourner la prélature personnelle fraîchement scellée de la FSSPX.

Il est difficile dans tous les cas — compte tenu que l'Église est hiérarchique — d’imaginer le Pape être lié par les termes de la prélature de quelque fraternité de prêtres Catholiques que ce soit. Ce fut l'abus du pouvoir du Vatican, après tout — pas les critiques de la FSSPX envers le Concile Vatican II et la Nouvelle Messe — qui a abouti dans le « schisme » de la FSSPX en premier lieu. Et de faire valoir que, si des violations similaires devraient avoir lieu après la « régularisation », la FSSPX pourrait toujours « revenir là où elle était » est, je crois, négliger l'efficacité écrasante de la stratégie de diviser pour mieux régner du Vatican à ce jour.

D'ailleurs, si le Pape François souhaite vraiment offrir une régularisation sans demander de contrepartie – qu’est-ce qui le retient ? Avec un coup de sa plume papale, la FSSPX serait régularisée ce soir et l'affaire serait réglée. Le fait qu’il n'a pas fait cela laisse plusieurs d'entre nous remettre en question ses intentions.

Il y a une simple question de justice naturelle à garder à l'esprit ici : est-ce que le Vatican est prêt à présenter des excuses à titre posthume à Mgr Lefebvre pour l'injustice flagrante qui a été perpétrée contre lui, le fils le plus fidèle de l'Église au XXe siècle ? Le Vatican est-il prêt à remercier la FSSPX pour avoir préservé les Traditions de l'Église au cours du dernier quart de siècle ? Où est-ce que le Vatican tient mordicus à poursuivre un programme super- Moderniste qui sera un bénéfice du fait de reprendre le contrôle sur son opposition Traditionaliste le plus puissante ?

Oui, c’est l'argument qui prévaut présentement : la FSSPX aurait une prélature personnelle qui leur permettrait de continuer exactement comme ils sont ! Vraiment ? Depuis quand l'Église fonctionne de cette façon ? Nous parlons d'une institution hiérarchique dans laquelle la FSSPX, il me semble, pourrait « continuer exactement comme ils sont » en autant que le gars en charge dit qu’ils le peuvent. Même avec une prélature, ils seraient toujours soumis aux caprices du Pape François dont une permission générale qu’ils auront besoin de celui-ci afin de continuer de « critiquer Vatican II et la Nouvelle Messe ». Mais depuis quand les contre-révolutionnaires demandent la permission aux révolutionnaires afin de s’opposer à la Révolution ? Ça semble absurde en soi.

Dans son sermon à l'occasion des sacres de 1988 à Écône, Suisse, Mgr Lefebvre a très clairement mentionné que sa décision d'avancer sans mandat du Vatican ne fut pas seulement un effort prudentiel pour sauver sa Société. Un vieux soldat au cœur brisé est allé à la guerre ce jour-là, et il ne faisait pas clairement du lobbying pour son petit droit de critiquer certains éléments du Concile Vatican II. L'Archevêque comprit que le Diable a arraché un coup d'État à Rome, ce qui l’a obligé à prendre la décision consciente de s’opposer au Vatican qui avait trahi l'Église.

« Nous nous tournons vers la Sainte Vierge Marie » a déclaré l'Archevêque en ce jour fatidique. « Vous le savez bien… la vision prophétique de Léon XIII révélant qu’un jour le Siège de Pierre deviendrait le siège de l'iniquité » ... Est-ce arrivé aujourd'hui ? Est-ce que ce sera demain ? Je ne sais pas. Mais en tout cas ça a été prédit. L'iniquité peut tout simplement être l’erreur. L'erreur est l'iniquité : de ne plus professer la Foi de tous les temps, la Foi Catholique, c’est une grave erreur. Si jamais il y avait une iniquité, ce serait cela. Et je crois vraiment qu’il n'y a jamais eu une plus grande iniquité dans l'Église qu'Assise [la réunion de prière œcuménique en 1986 des religions du monde], qui est contraire au Premier Commandement de Dieu et au Premier Article du Credo ».

L'Archevêque ensuite a tourné ses pensées vers Notre-Dame du Bon Succès :

« Tout récemment, le prêtre qui prend soin du Prieuré de Bogota, en Colombie, m'a apporté un livre concernant l’Apparition de Notre-Dame du Bon Succès ... Notre-Dame a prophétisé pour le vingtième siècle, disant explicitement qu’au cours du XIXe siècle et de la majeure partie du XXe siècle, les erreurs deviendraient de plus en plus répandues dans la Sainte Église plaçant l'Église dans une situation catastrophique. La morale deviendrait corrompue et la Foi disparaîtrait. Il semble impossible de ne pas le voir se produire aujourd'hui ».

Et puis sur une note personnelle dramatique :

« Pardonnez-moi de poursuivre ce récit sur les Apparitions mais Notre-Dame parle d'un prélat qui s’opposera absolument à cette vague d'apostasie et d’impiétés — sauvant la prêtrise en formant de bons prêtres. Je ne dis pas que la prophétie se réfère à moi. Vous pouvez tirer vos propres conclusions. J'étais stupéfait en lisant ces lignes, mais je ne peux pas les nier puisqu’elles sont enregistrées et déposées dans les archives de cette Apparition ».

L'Archevêque Lefebvre ne semble pas ici trop préoccupé par le fait d'être simplement autorisé à « poursuivre l'expérience de la Tradition. » Il ne semble pas demander à peine la coexistence pacifique de la Société au sein de la « Communauté Chrétienne Catholique » œcuménique. Au contraire, il reconnaît son devoir sacré devant Dieu de s'opposer ouvertement au mal pernicieux dans l'Église — mal dont Notre-Dame Elle-Même a mis en garde.

« Bien sûr, vous connaissez bien les Apparitions de Notre-Dame à La Salette, où elle dit que Rome perdra la Foi, qu'il y aura une « éclipse » à Rome ; une éclipse, voyez ce que Notre Dame veut dire par là ». Mgr Lefebvre a rappelé à ses auditeurs ce jour fatidique. Et Notre-Dame de Fatima était aussi à son esprit : « Et enfin, plus près de nous, le Secret de Fatima. Sans aucun doute, le Troisième Secret de Fatima doit avoir fait une allusion à ces ténèbres qui ont envahi Rome, ces ténèbres qui ont envahi le monde depuis le Concile ». Ce à quoi je pourrais ajouter, ces ténèbres qui ne sont que devenus tellement plus obscurs sous le règne du Pape François de Rome.


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L'Archevêque jetait les bases de son opposition complète au Vatican et à leur révolution Moderniste — opposition pas simplement relative à certains aspects problématiques d'un ou deux des documents du Concile. Et près de 30 ans plus tard, la situation est allée tellement de mal en pis avec même beaucoup de commentateurs néo-Catholiques qui sonnent aujourd'hui l’alarme que l'Archevêque Lefebvre avait sonnée il y a trente ans. La justification totale de la position historique de Mgr Lefebvre pour la Tradition Catholique est à portée de main. Serait-ce ce dont le Pape François est inquiet maintenant ?

Qu’est-ce que je ferais à être à la place de Mgr Fellay ? Je suis un laïc et donc le point est sans objet. Ce serait tellement plus facile pour moi, un simple laïc, d'informer respectueusement les traîtres Progressistes qui dirigent le Vatican en ce moment qu’aussi longtemps qu’ils continueront la guerre contre l'Église du Christ, je continuerai la guerre contre eux.

Je voudrais ensuite expliquer à mes lecteurs que je ne peux tout simplement pas comprendre comment je pourrais continuer à m’opposer au pontificat le plus dangereux de l'histoire une fois la main de l'amitié et de la régularisation aurait été tendue de la part de ce même pontificat, me déclarant juste maintenant « acceptable » à un Vatican que je crois que Dieu trouve inacceptable.

Mais, encore une fois, je ne suis pas Évêque. Je connais et respecte Mgr Fellay qui, je suis plus que confiant, fait exactement ce qu'il croit être le mieux pour l'Église. C’est un bon et saint prêtre. Mais il devra être patient avec ses fils-rebelles — dans et hors la Société — qui craignent que, sans le « filet de sécurité » qui est la FSSPX, l'avenir de la contre-révolution Catholique dans son ensemble pourrait bien être en danger. La Fraternité de Saint-Pierre n'a pas été la seule institution à se développer grâce au contrepoids de la FSSPX (certains peuvent appeler cela une « police d'assurance »). Au fil des ans, nous avons tous été inspirés et enhardis pour garder la Foi et se battre pour elle, sachant que 600 prêtres et un million de fidèles se tenaient solidement contre un Vatican diaboliquement désorienté.

Je ne crois pas que la Fraternité Saint- Pie X requiert une « régularisation » pour achever une pleine communion au sein de l'Église du Christ ... Mais je crains que le Vatican pourrait bien souffrir d'un manque de régularisation en bonne et due forme.

Que devrait faire Mgr Fellay ? Honnêtement, je ne le sais pas. Je prie que Dieu le guide et le rende imperméable aux séductions des Romains. Ça pourrait bien être la Volonté de Dieu que la FSSPX ait un accord avec le Vatican et ouvre ainsi la voie à une nouvelle ère de la restauration Traditionaliste de l'intérieur. Cela semble difficile à imaginer, certes, mais nous ne connaissons pas les voies de la Providence et nous ne devons pas entraver le chemin de la Providence non plus. Pour tout ce que nous savons, c’est que le temps est venu. Nous devons prier pour que Dieu utilise la FSSPX régularisée (si la rumeur devient réalité) pour amener la Tradition de retour au cœur de l'Église et pour demander une véritable restauration de l'Église en conformité aux lignes des réformes Clunisiennes du 11ème siècle.

D’un autre côté, un Vatican dirigé par la plus grande fraternité cooptée de prêtres contre-révolutionnaires Catholiques à la veille de la mise en place d'un nouvel ordre mondial sans Dieu peut aussi être la Volonté de Dieu. Tout étudiant de la nature humaine trouvera sans doute difficile de comprendre pourquoi les Modernistes à l'intérieur du Vatican désireraient d'approuver un Ordre mondial de prêtres Traditionalistes qui continueront alors à s’opposer vigoureusement à l’agenda propre du Vatican dans le monde entier. Cela leur semble contre-intuitif, pour le moins, et ça en laisse beaucoup d'entre nous à se demander : pourquoi faire cette régularisation à moins que les intentions du Vatican sont moins nobles.

Nous devons nous rappeler que le Vatican a obtenu un succès étonnant à saper l'Église, même quand la Messe Traditionnelle Latine était la SEULE Messe dans le Rite Romain, il y a cinquante ans. Ils savent comment contourner l'ancienne Messe, ils l’ont déjà prouvé. Ce dont ils semblent plus préoccupés maintenant, c’est la résistance du public fondée sur des principes et organisée envers leur agenda. Ils nous donneront la Messe tant que nous garderons silence et mettrons de côté une contre-révolution vigoureuse.

Et ainsi alors que nous considérons l'avenir du mouvement Catholique Traditionnel et prions pour les conseils du Saint-Esprit en ce qui a trait à la direction de la FSSPX, regardons en arrière dans son passé et rappelons-nous comment tout cela a commencé — avec une révolution sans précédent dans l'Église qui a suscité des bons hommes à suivre Paul qui résistait Pierre face à face. Voici une lettre ouverte au Saint-Père de Mgr Lefebvre et de Mgr de Castro Mayer il y a près de 35 ans. Puissions-nous ne jamais oublier les sacrifices de ces hommes nobles, qui sont devenus des exclus de l'élément humain de l'Église du Christ pour l'amour du Christ lui-même. MJM



La lettre à Jean-Paul II

Le 9 décembre 1983, en des conférences de presse tenues par eux-mêmes ou par leurs émissaires dans plusieurs villes d’Europe et d’Amérique, Mgr Lefebvre et Mgr de Castro Mayer ont rendu publique leur lettre ouverte à Jean-Paul II.


Très Saint-Père,

Que Votre Sainteté nous permette, avec une franchise toute filiale, de lui soumettre les réflexions suivantes.

La situation de l’Eglise est telle, depuis vingt ans, qu’elle apparaît comme une cité occupée.

Des milliers de membres du clergé et des millions de fidèles vivent dans l’angoisse et la perplexité, en raison de « l’autodestruction de l’Eglise ». Les erreurs contenues dans les documents du concile Vatican II, les réformes post-conciliaires et spécialement la réforme liturgique, les fausses conceptions diffusées par des documents officiels, les abus de pouvoir accomplis par la hiérarchie, les jettent dans le trouble et le désarroi.

En ces circonstances douloureuses, beaucoup perdent la foi, la charité se refroidit, le concept de la véritable unité de l’Eglise dans le temps et dans l’espace disparaît.

En notre qualité d’Evêques de la Sainte Eglise catholique, successeurs des Apôtres, nos cœurs sont bouleversés à la vue de tant d’âmes, dans le monde entier, désorientées et désireuses pourtant de demeurer dans la foi et la morale qui ont été définies par le magistère de l’Eglise et qui par elle ont été enseignées d’une manière constante et universelle.

Nous taire dans cette occurrence nous semblerait devenir complices de ces mauvaises œuvres (cf. 2 Jn 11).

C’est pourquoi, considérant que toutes les démarches que nous avons faites en privé depuis quinze ans sont demeurées vaines, nous nous voyons obligés d’intervenir publiquement auprès de Votre Sainteté, afin de dénoncer les causes principales de cette situation dramatique et de La supplier d’user de son pouvoir de Successeur de Pierre pour « confirmer ses frères dans la foi » (Luc XXII, 32) qui nous a été fidèlement transmise par la Tradition apostolique.

A cet effet nous nous permettons de joindre à cette lettre une annexe contenant les erreurs principales qui sont à l’origine de cette situation tragique et qui, d’ailleurs, ont déjà été condamnées par vos prédécesseurs.

La liste qui suit en donne l’énoncé, mais n’est pas exhaustive :

1 – Une conception "latitudinariste" et œcuménique de l’Eglise, divisée dans sa foi, condamnée particulièrement par le Syllabus, n° 18.

2 – Un gouvernement collégial et une orientation démocratique de l’Eglise, condamnée particulièrement par le concile Vatican I.

3 – Une fausse conception des droits naturels de l’homme qui apparaît clairement dans le document sur la liberté religieuse, condamnée particulièrement par Quanta cura (Pie IX) et Libertas praestantissimum (Léon XIII).

4 – Une conception erronée du pouvoir du pape.

5 – La conception protestante du saint sacrifice de la messe et des sacrements, condamnée par le concile de Trente, sess. XXII.

6 – Enfin, d’une manière générale, la libre diffusion des hérésies caractérisée par la suppression du Saint-Office.

Les documents contenant ces erreurs causent un malaise et un désarroi d’autant plus profonds qu’ils viennent d’une source plus élevée. Les clercs et les fidèles les plus émus par cette situation sont d’ailleurs ceux qui sont les plus attachés à l’Eglise, à l’autorité du Successeur de Pierre, au magistère traditionnel de l’Eglise.

Très Saint-Père, il est urgent que ce malaise disparaisse, car le troupeau se disperse et les brebis abandonnées suivent des mercenaires. Nous vous conjurons, pour le bien de la foi catholique et du salut des âmes, de réaffirmer les vérités contraires à ces erreurs, vérités qui ont été enseignées pendant vingt siècles par la sainte Eglise.

C’est dans les sentiments de saint Paul vis-à-vis de saint Pierre lorsqu’il lui reprochait de ne pas suivre "la vérité de l’Evangile" (Gal 2, 11-14) que nous nous adressons à Vous. Son but n’était autre que de protéger la foi des fidèles.

Saint Robert Bellarmin, exprimant à cette occasion un principe de morale générale, affirme que l’on doit résister au pontife dont l’action serait nuisible au salut des âmes (De Rom. Pont. l. 2, c. 29).

C’est donc dans le but de venir en aide à Votre Sainteté que nous jetons ce cri d’alarme, rendu plus véhément encore par les erreurs du nouveau Droit canon, pour ne pas dire les hérésies, et par les cérémonies et discours à l’occasion du cinquième centenaire de la naissance de Luther. Vraiment, la mesure est comble.

Que Dieu Vous vienne en aide, Très Saint-Père, nous prions sans cesse, à votre intention, la Bienheureuse Vierge Marie.

Daignez agréer les sentiments de dévouement filial qui sont les nôtres.

Rio de Janeiro, le 21 novembre 1983
Fête de la Présentation de la Très Sainte Vierge

Marcel Lefebvre, ancien archevêque évêque de Tulle

Antonio de Castro Mayer, évêque de Campos




Annexe : bref résumé des principales erreurs
de l’ecclésiologie conciliaire


I. Conception "latitudinariste" et œcuménique de l’Eglise.

La conception de l’Eglise comme "peuple de Dieu" se rencontre désormais dans de nombreux documents officiels :

les actes du concile Unitatis redintegratio, Lumen gentium, – le nouveau Droit Canon (C. 204.1), – la lettre du pape Jean-Paul II Catechesi tradendae et l’allocution dans l’église anglicane de Canterbury, – le Directoire œcuménique Ad totam Ecclesiam du Secrétariat pour l’unité des chrétiens.

Elle respire un sens latitudinariste et un faux oecuménisme.

Des faits manifestent avec évidence cette conception hétérodoxe : les autorisations pour la construction de salles destinées au pluralisme religieux, – l’édition de bibles œcuméniques qui ne sont plus conformes à l’exégèse catholique, – les cérémonies oecuméniques comme celles de Canterbury.

Dans Unitatis redintegratio on enseigne que la division des chrétiens "est pour le monde un objet de scandale et fait obstacle à la prédication de l’Evangile à toute créature… que l’Esprit Saint ne refuse pas de se servir des autres religions comme moyens de salut". Cette même erreur est répétée dans le document Catechesi tradendae de Jean-Paul Il. C’est dans le même esprit, et avec des affirmations contraires à la foi traditionnelle, que Jean-Paul II déclare à la Cathédrale de Canterbury, le 25 mai 1982, "que la promesse du Christ nous inspire la confiance que le Saint-Esprit guérira les divisions introduites dans l’Eglise dès les premiers temps après la Pentecôte", comme si l’unité du Credo n’avait jamais existé dans l’Eglise.

Le concept de "peuple de Dieu" porte à croire que le protestantisme n’est pas autre chose qu’une forme particulière de la même religion chrétienne.

Le concile Vatican II enseigne "une véritable union dans l’Esprit Saint" avec les sectes hérétiques (Lumen gentium, 14), "une certaine communion, encore imparfaite avec elles" (Unitatis redintegratio, 3).

Cette unité œcuménique contredit l’encyclique Satis cognitum de Léon XIII qui enseigne que "Jésus n’a pas fondé une Eglise qui embrasse plusieurs communautés qui se ressemblent génériquement, mais qui sont distinctes et qui ne sont pas liées par un lien qui forme une Eglise individuelle et unique". De même, cette unité œcuménique est contraire à l’encyclique Humani generis de Pie XII qui condamne l’idée de réduire à une formule quelconque la nécessité de l’appartenance à l’Eglise catholique, contraire aussi à l’encyclique Mystici Corporis du même pape qui condamne la conception d’une Eglise "pneumatique" qui serait un lien invisible des communautés séparées dans la foi.

Cet œcuménisme est également contraire aux enseignements de Pie XI dans l’encyclique Mortalium animos : sur ce point il est opportun d’exposer et de repousser une certaine opinion fausse qui est à la racine de ce problème et de ce mouvement complexe par le moyen duquel les non-catholiques s’efforcent de réaliser une union des églises chrétiennes. Ceux qui adhèrent à cette opinion citent constamment ces paroles du Christ :

"Qu’ils soient un… et que n’existe qu’un seul troupeau et qu’un seul pasteur" (Jn 17, 21 et 10, 16) et prétendent que par ces paroles le Christ exprime un désir ou une prière qui n’a jamais été réalisé. Ils prétendent de fait que l’unité de foi et de gouvernement, qui est une des notes de la véritable Eglise du Christ, pratiquement jusqu’aujourd’hui n’a jamais existé et aujourd’hui n’existe pas.

Cet œcuménisme condamné par la morale et le droit catholiques, en arrive à permettre de recevoir les sacrements de pénitence, d’eucharistie et d’extrême-onction de "ministres non-catholiques" (Canon 844 N.C.) et favorise "l’hospitalité œcuménique" en autorisant les ministres catholiques à donner le sacrement de l’eucharistie à des non-catholiques.

Toutes ces choses sont ouvertement contraires à la Révélation divine qui prescrit la "séparation" et repousse l’union "entre la lumière et les ténèbres, entre le fidèle et l’infidèle, entre le temple de Dieu et celui des sectes" (II Corinth. 6, 14-18).

II. Gouvernement collégial-démocratique de l’Eglise

Après avoir ébranlé l’unité de la foi, les modernistes d’aujourd’hui s’efforcent d’ébranler l’unité de gouvernement et la structure hiérarchique de l’Eglise.

La doctrine déjà suggérée par le document Lumen gentium du concile Vatican II sera reprise explicitement par le nouveau Droit Canon (Can. 336); doctrine selon laquelle le collège des évêques joint au pape jouit également du pouvoir suprême dans l’Eglise et cela d’une manière habituelle et constante.

Cette doctrine du double pouvoir suprême est contraire à l’enseignement et à la pratique du magistère de l’Eglise, spécialement dans le concile Vatican I (Dz. 3055) et dans l’encyclique de Léon XIII Satis cognitum. Seul le pape a ce pouvoir suprême qu’il communique dans la mesure où il le juge opportun et dans des circonstances extraordinaires.

A cette grave erreur se rattache l’orientation démocratique de l’Église, les pouvoirs résidant dans le "peuple de Dieu" tel qu’il est défini dans le nouveau Droit. Cette erreur janséniste est condamnée par la Bulle Auctorem fidei de Pie VI (Dz. 2602).

Cette tendance à faire participer la "base" à l’exercice du pouvoir se retrouve dans l’institution du Synode et des conférences épiscopales, dans les conseils presbytéraux, pastoraux et dans la multiplication des commissions romaines et des commissions nationales, comme au sein des congrégations religieuses (voir à ce sujet concile Vatican I, Dz. 3061 – Nouveau Droit Canon, can. 447).

La dégradation de l’autorité dans l’Église est la source de l’anarchie et du désordre qui y règnent partout aujourd’hui.

III. Les faux droits naturels de l’homme

La déclaration Dignitatis humanae du concile Vatican II affirme l’existence d’un faux droit naturel de l’homme en matière religieuse, contrairement aux enseignements pontificaux, qui nient formellement un pareil blasphème.

Ainsi Pie IX dans son encyclique Quanta cura et dans le Syllabus, Léon XIII dans ses encycliques Libertas praestantissimum et Immortale Dei, Pie XII dans son allocution Ci riesce aux juristes catholiques italiens, nient que la raison et la révélation fondent un pareil droit.

Vatican II croit et professe, d’une manière universelle, que "la Vérité ne peut s’imposer que par la force propre de la Vérité", ce qui s’oppose formellement aux enseignements de Pie VI contre les jansénistes du concile de Pistoie (Dz. 2604). Le concile en arrive à cette absurdité d’affirmer le droit de ne pas adhérer et de ne pas suivre la Vérité, d’obliger les gouvernements civils de ne plus faire de discrimination pour des motifs religieux, établissant l’égalité juridique entre les fausses et la vraie religion.

Ces doctrines se fondent sur une fausse conception de la dignité humaine, provenant des pseudo-philosophes de la Révolution française, agnostiques et matérialistes, qui ont été déjà condamnés par saint Pie X dans le mandement pontifical Notre charge apostolique.

Vatican II dit que de la liberté religieuse sortira une ère de stabilité pour l’Église. Grégoire XVI au contraire affirme que c’est une suprême impudence d’affirmer que la liberté immodérée d’opinion serait bénéfique pour l’Église.

Le concile exprime dans Gaudium et spes un principe faux lorsqu’il estime que la dignité humaine et chrétienne vient du fait de l’Incarnation, qui a restauré cette dignité pour tous les hommes. Cette même erreur est affirmée dans l’encyclique Redemptor hominis de Jean-Paul II.

Les conséquences de la reconnaissance par le concile de ce faux droit de l’homme ruinent les fondements du règne social de Notre-Seigneur, ébranlent l’autorité et le pouvoir de l’Église dans sa mission de faire régner Notre-Seigneur dans les esprits et dans les cœurs, en menant le combat contre les forces sataniques qui subjuguent les âmes. L’esprit missionnaire sera accusé de prosélytisme exagéré.

La neutralité des Etats en matière religieuse est injurieuse pour Notre-Seigneur et son Eglise, lorsqu’il s’agit d’États à majorité catholique.

IV. Pouvoir absolu du pape

Certes le pouvoir du pape dans l’Église est un pouvoir suprême, mais il ne peut être absolu et sans limites, étant donné qu’il est subordonné au pouvoir divin, qui s’exprime dans la Tradition, la sainte Ecriture et les définitions déjà promulguées par le magistère ecclésiastique (Dz. 3116).

Le pouvoir du pape est subordonné et limité par la fin pour laquelle son pouvoir lui a été donné. Cette fin est clairement définie par le pape Pie IX dans la Constitution Pastor aeternus du concile Vatican I (Dz. 3070). Ce serait un abus de pouvoir intolérable de modifier la constitution de l’Eglise et de prétendre en appeler au droit humain contre le droit divin, comme dans la liberté religieuse, comme dans l’hospitalité eucharistique autorisée par le nouveau Droit, comme l’affirmation des deux pouvoirs suprêmes dans l’Eglise.

Il est clair que dans ces cas et autres semblables, c’est un devoir pour tout clerc et fidèle catholique de résister et de refuser l’obéissance. L’obéissance aveugle est un contresens et nul n’est exempt de responsabilité pour avoir obéi aux hommes plutôt qu’à Dieu (Dz. 3115) ; et cette résistance doit être publique si le mal est public et est un objet de scandale pour les âmes (Somme de théologie, II, II, 33, 4).

Ce sont là des principes élémentaires de morale, qui règlent les rapports des sujets avec toutes les autorités légitimes.

Cette résistance trouve d’ailleurs une confirmation dans le fait que désormais ceux-là sont pénalisés qui s’en tiennent fermement à la Tradition et à la foi catholique, et que ceux qui professent des doctrines hétérodoxes ou accomplissent de véritables sacrilèges ne sont nullement inquiétés. C’est la logique de l’abus de pouvoir.

V. Conception protestante de la messe

La nouvelle conception de l’Eglise telle que le pape Jean-Paul II la définit dans la constitution précédant le nouveau Droit, appelle un changement profond dans l’acte principal de l’Eglise qui est le sacrifice de la messe. La définition de la nouvelle ecclésiologie donne exactement la définition de la nouvelle messe : c’est-à-dire un service et une communion collégiale et œcuménique. On ne peut mieux définir la nouvelle messe qui, comme la nouvelle Eglise conciliaire, est en rupture profonde avec la tradition et le magistère de l'Église.

C’est une conception plus protestante que catholique qui explique tout ce qui a été indûment exalté et tout ce qui a été diminué.

Contrairement aux enseignements du concile de Trente dans la XXIIe session, contrairement à l’encyclique Mediator Dei de Pie XII, on a exagéré la place des fidèles dans la participation à la messe et diminué la place du prêtre devenu simple président. On a exagéré la place de la liturgie de la parole et diminué la place du sacrifice propitiatoire. On a exalté le repas communautaire et on l’a laïcisé, aux dépens du respect et de la foi en la présence réelle par la transsubstantiation.

En supprimant la langue sacrée, on a pluralisé à l’infini les rites en les profanant par des apports mondains ou païens et on a répandu de fausses traductions, aux dépens de la vraie foi et de la vraie piété des fidèles.

Et cependant les conciles de Florence et de Trente avaient prononcé des anathèmes contre tous ces changements et affirmaient que notre messe dans son canon remontait aux temps apostoliques.

Les papes saint Pie V et Clément VIII ont insisté sur la nécessité d’éviter les changements et les mutations, en gardant perpétuellement ce rite romain consacré par la Tradition.

La désacralisation de la messe, sa laïcisation entraînent la laïcisation du sacerdoce, à la manière protestante.

La réforme liturgique de style protestant est l’une des plus grandes erreurs de l’Eglise conciliaire et des plus ruineuses de la foi et de la grâce.

VI. La libre diffusion des erreurs et des hérésies

La situation de l’Eglise, mise en état de recherche, introduit dans la pratique le libre examen protestant, résultat de la pluralité des Credo à l’intérieur de l’Eglise.

La suppression du Saint-Office, de l’Index, du serment antimoderniste a provoqué chez les théologiens modernes un besoin de nouvelles théories qui désorientent les fidèles et les engagent vers le "charismatisme" , le "pentecôtisme" , les "communautés de base". C’est une véritable révolution dirigée en définitive contre l’autorité de Dieu et de l’Eglise.

Les graves erreurs modernes toujours condamnées par les papes se développent désormais librement à l’intérieur de l’Eglise :

1 – Les philosophies modernes anti-scolastiques, existentialistes, anti-intellectualistes sont enseignées dans les Universités catholiques et les grands Séminaires.

2 – L’humanisme est favorisé par ce besoin des autorités ecclésiastiques de faire écho au monde moderne en faisant de l’homme la fin de toutes choses.

3 – Le naturalisme, l’exaltation de l’homme et des valeurs humaines font oublier les valeurs surnaturelles de la Rédemption et de la grâce.

4 – Le modernisme évolutionniste cause le rejet de la Tradition, de la Révélation, du magistère de vingt siècles. Il n’y a plus de vérité fixe, ni de dogme.

5 – Socialisme et communisme : le refus du concile de condamner ces erreurs a été scandaleux et fait légitimement croire que le Vatican aujourd’hui serait favorable à un socialisme ou un communisme plus ou moins chrétien.

L’attitude du Saint-Siège durant ces quinze dernières années confirme ce jugement, tant au-delà qu’en deçà du rideau de fer.

6 – Enfin les accords avec la maçonnerie, avec le Conseil œcuménique des Eglises et avec Moscou réduisent l’Eglise à l’état de prisonnière, la rendent incapable de remplir sa mission librement. Ce sont de véritables trahisons qui crient vengeance vers le ciel, de même que les éloges décernés en ces jours à l’hérésiarque le plus scandaleux et le plus nuisible à l’Eglise. ( Luther )

Il est temps que l’Eglise recouvre sa liberté de réaliser le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ et le règne de Marie sans se préoccuper de ses ennemis.



SOURCE DE LA LETTRE ET L'ANNEXE : GLORIA TV

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