mercredi 22 février 2017

La subversion morale de Mgr Barron et
les périls du cléricalisme de la célébrité

Partie II





par Christopher A. Ferrara
SOURCE : Fatima Perspectives Network
Le 22 février 2017

La chronique d'hier discutait de la méconnaissance de l'enseignement de l'Église sur le Sixième Commandement — un précepte négatif exceptionnel et universellement contraignant de la loi naturelle — à une « demande extrême », à un « idéal moral objectif élevé », à un « idéal moral élevé » et à « l'idéal ». Le résultat net de ce réductionnisme facile est l'élimination pratique de la loi morale naturelle, établie par Dieu dans ses Commandements, précisément comme Loi. Au lieu de cela, le Sixième Commandement devient un simple « idéal objectif » précisément comme le suggère le paragraphe 303 d'Amoris Laetitia (AL), le dit document que le commentaire vidéo de Barron tente de défendre.


L'auteur de cet éditorial est Monsieur Christopher A. Ferrara. Monsieur Ferrara est avocat de profession. Il agissait aussi comme collaborateur principal de Feu Père Nicholas Gruner, fondateur du Centre de Fatima, Fort Érié, Canada et ayant aussi des installations à Rome. Il est chroniqueur dans plusieurs autres sites catholiques dont Le Remnant Newspaper.

Le commentaire de Barron continue en louant le discours d'Amoris Laetitia sur ce qu'il appelle les « objectivités » de l'enseignement de l'Église sur le Mariage et la procréation dans les chapitres précédant le Chapitre VIII explosif qui a provoqué une confusion et une division sans précédent dans l'Église. Barron répète encore une fois que « l'Église est extrême dans sa demande, elle soutient un idéal moral très élevé ». En d'autres termes, l'enseignement qu’Amoris Laetitia semble défendre dans les chapitres précédents est simplement un « idéal élevé ».

Barron va dans la même veine subversive — la même veine dans laquelle Amoris Laetitia procède :

BARRON : « Le Pape, comme nous le savons bien, est profondément sensible au fait que nous, êtres humains, de nature finie et ayant vécu la chute, avons de la difficulté à vivre toujours selon ce grand idéal moral.

Depuis quand l'évitement de l'activité sexuelle en dehors du Mariage est-il devenu « un grand idéal moral ? » Depuis la publication d’Amoris Laetitia !

BARRON : « Les gens ont tendance à se diriger vers l'idéal, pas tout d’un coup, mais en étapes régulières et graduelles ».

Il est étonnant que Barron s’attende à ce que des Catholiques prennent cette absurdité morale au sérieux. L'idée qu'il est permis d’« avancer » progressivement vers « l'idéal » d'éviter l'adultère est précisément le grave mensonge que le Pape Jean-Paul II a spécifiquement rejeté dans Familiaris Consortio dans un passage qui démolit le sophisme suave de Barron. Les gens mariés… écrit Jean-Paul II :

« ne peuvent toutefois considérer la loi comme un simple idéal à atteindre dans le futur, mais ils doivent la regarder comme un Commandement du Christ Seigneur leur enjoignant de surmonter sérieusement les obstacles. « C'est pourquoi ce qu'on appelle la "loi de gradualité" ou voie graduelle ne peut s'identifier à la "gradualité de la loi « , comme s'il y avait, dans la loi divine, des degrés et des formes de préceptes différents selon les personnes et les situations diverses ».

Barron — citant encore Amoris Laetitia comme son unique source d’autorité — propose sérieusement que plutôt que d'informer les couples divorcés « remariés » et les gens vivant en cohabitation que leurs situations mettent en danger leur âme et menacent leur bien-être éternel, les pasteurs sacrés devraient plutôt « construire » sur les « éléments positifs » de leurs relations adultères. Citation de Barron ici :

« Pourrions-nous même reconnaître quelqu'un qui est dans une situation irrégulière en termes de son expression sexuelle, qu'il y a des éléments de cette relation qui sont néanmoins bons, qu’il y a certaines dimensions qui sont louables ? Oui et pouvons-nous construire sur cette pastorale ? Est-ce qu'une simple condamnation mur à mur serait souhaitable ou bien est-ce que s’approcher [sic] de ces éléments qui sont moralement louables même dans une situation irrégulière, ne serait pas une meilleure façon de le faire ? »

Une meilleure façon de faire quoi ? Pour sauver les âmes qui est la mission même d'un pasteur d'âmes ? Mais comment un pasteur sauve l'âme de quelqu’un vivant dans l'adultère en lui disant qu'il y a des « éléments positifs » dans sa relation immorale ? Si la relation est mortellement pécheresse en soi, étant donné le mal intrinsèque de l'adultère, comment « construire » sur ses éléments positifs ?

Cette notion de « construire sur » les éléments positifs des relations immorales, comme tous les sophismes habiles, semble plausible et agréable aux oreilles sensibles, mais après un moment de réflexion, ça se révèle comme une absolue absurdité. On pourrait aussi affirmer qu'un médecin devrait s'abstenir de discuter de la pneumonie évoluée d'un patient et ne pas demander l'administration immédiate d'antibiotiques, mais se concentrer plutôt sur les « éléments positifs » de sa physiologie comme son excellent taux de cholestérol.

Pour le bien-être des âmes, les pasteurs sont tenus de présenter la simple vérité Évangélique selon laquelle les personnes adultères doivent mettre fin à leur adultère ou risquer la damnation éternelle. Mais Barron, en suivant à nouveau la ligne d’Amoris Laetitia, conclut avec ce que je dois dire, qui est une discussion plutôt évasive sur la distinction entre la conduite objective et la faute subjective. Il suggère qu'un confesseur peut, en quelque sorte, déterminer le manque de culpabilité subjective de chaque pénitent — finalement connue seulement de Dieu — pour un comportement intrinsèquement mauvais qui est objectivement une question de péché mortel :

« Vous parlez aussi du degré de connaissance qu'une personne possède et du plein degré de liberté réelle qui lui permet d’acquiescer à cela. Ces deux facteurs peuvent atténuer la culpabilité de quelqu’un. Il existe des circonstances atténuantes qui peuvent atténuer la pleine culpabilité de quelqu’un ».

« Maintenant, tout confesseur le sait ... Quiconque fait des confessions est au courant de cette distinction. Quelqu'un vient et décrit une situation objectivement immorale ». O.K. Mais voyez en Confession que ce n'est pas la seule chose que vous évaluez. Vous évaluez la culpabilité.

« Et donc le Pape exploite — je ne veux pas le dire que d'une manière cynique du tout — il exploite cette distinction classique pour dire que les pasteurs qui traitent avec miséricorde dans l'hôpital de campagne avec ceux qui ne sont pas à la hauteur de l'idéal devrait prendre en considération cette distinction entre l'évaluation objective et la culpabilité subjective. Et je pense que, jusqu'à présent, c'est une façon valide et légitime de procéder ».

De qui Barron pense-t-il qu'il rit ? Si un pénitent avoue vivre en adultère, il doit savoir qu'il commet un péché grave sinon il ne le confessera pas à un prêtre. Ça n'a jamais été une fonction du prêtre de conduire une sorte de mini-procès dans le confessionnal, en demandant l'explication des « circonstances atténuantes » à un pénitent (généralement intéressé) afin de rendre un « verdict » sur le banc de « coupable » ou « non coupable ». En outre, le confesseur ne peut accorder l'absolution que s'il y a contrition et un ferme propos d'amendement quant au comportement futur ; le pénitent doit se résoudre à ne plus pécher. Même le nouveau catéchisme maintient cet enseignement constant de l'Église : « Parmi les actes du pénitent, la contrition occupe la première place. La contrition est « la tristesse de l'âme et la détestation du péché commis ainsi que la résolution de ne plus pécher ».

Mais Amoris Laetitia suggère en effet, et les Évêques de Malte et d'ailleurs sont d’accord maintenant, que les prêtres sont libres d'absoudre les adultères publics et de les admettre à la Sainte Communion si eux, ou les adultères eux-mêmes, concluent après quelque sorte de « discernement » magique qu'il n’y a pas de culpabilité subjective devant Dieu pour un comportement objectivement adultère, et ce même si ce comportement continuera. En effet, les Évêques Maltais sont allés plus loin en déclarant que les personnes adultères doivent être admises aux Sacrements alors qu'elles persistent dans leur adultère dans les cas où les adultères se « discernent » en paix avec Dieu.

Les partisans de cette idée scandaleuse, apparemment Barron inclus, ont racolé avec ce qui est devenu un cas standard de casuistique hypothétique dans la défense d’Amoris Laetitia : une femme, validement mariée dans l'Église, est cruellement abandonnée par son mari. Elle épouse alors civilement un autre homme et a des enfants avec son « second mari ». Elle souhaite retourner aux Sacrements, mais elle ne peut pas s'engager à s’abstenir des relations adultères avec son « second mari » parce qu'il l’a menacée de la quitter, elle et les enfants. Sa « peur » réduit sa culpabilité au point que ses actes objectifs d'adultère ne sont subjectivement que des péchés véniels seulement, si tel est le cas.

Vraiment un argument digne des Pharisiens. Mais, comme l'a montré le Père Brian Harrison dans son important article sur Amoris Laetitia (citant Saint Thomas d'Aquin), le genre de peur qui dépasse le libre arbitre et diminue la culpabilité n'est pas la crainte rationnelle de celui qui veut éviter des conséquences personnelles et qui prend alors une décision calculée et librement voulue pour continuer à pécher. Au contraire, seule la crainte qui se rapporte à un état physique de panique — par exemple, un pistolet qui est pointé à la tête — peut nuire à la liberté de la volonté et ainsi diminuer la culpabilité.

Comme l'observe le Père Harrison :

« Maintenant, selon l'enseignement ferme et perpétuel de l'Église, l'intimité continue de cette femme avec son nouveau partenaire pour les enfants est un exemple clair de « faire le mal pour que le bien arrive », ce qui est interdit dans l'Écriture Sainte (cf Romains 3 : 8) et par l'enseignement constant de l'Église ».

Le Pape Jean-Paul II a consacré cinq articles de son Encyclique Veritatis Splendor (n ° 79 -83) à une réfutation et à une censure ferme de cette approche proportionnelle aux questions morales [ c’est-à-dire déterminer la moralité d'une action en pesant ses bonnes et mauvaises conséquences, l'action étant « morale » si les bonnes conséquences l'emportent sur les mauvaises ].

Barron veut-il dire qu'il a réellement accordé l'absolution aux personnes adultères malgré le fait que leur adultère continuera sur la seule base de son « évaluation » à la volée de circonstances soi-disant « atténuantes » ? Je parie que Barron n'a jamais fait une telle chose parce qu'il sait que cela constituerait un grave abus du Sacrement de la Confession. En fait, le célèbre canoniste Ed Peters a observé que tout confesseur qui, en toute circonstance, conseille un pénitent qu'il pourrait continuer des relations sexuelles en dehors du mariage serait coupable de solliciter des violations du Sixième Commandement dans le confessionnal en violation de Canon 1387 et serait soumis à des sanctions canoniques allant de la suspension à la destitution de son état clérical (« défroquer »).

Donc, il est sûr que Barron n'a personnellement jamais mis en œuvre le cadre de « circonstance atténuante » d'Amoris Laetitia pour absoudre les adultères publics qui continueront à commettre l'adultère, même si les Évêques de Malte et d'ailleurs ont fait exactement cela en s'écartant radicalement de l'enseignement bimillénaire de l'Église et de la discipline Eucharistique intrinsèquement qui lui est liée. La tentative de Barron de défendre Amoris Laetitia sur ce point est juste une conversation vide, obscurcissant une violation sans précédent dans l'intégrité de la Confession sacramentelle provoquée entièrement par le document même qu'il se force à défendre.

Cependant, étant donné la tendance de François à l'auto-contradiction, il ne faut pas s'étonner qu'il ait menti à sa propre nouveauté. Comme le rapporte l'Agence Catholic News Sevice en janvier 2016, dans son entretien avec Andrea Tornielli, intitulé « Le nom de Dieu est miséricorde », François « raconte comment un homme, malgré son remariage sans nullité, allait néanmoins se confesser tous les dimanches avant la Messe disant au prêtre : « Je sais que vous ne pouvez pas m'absoudre, mais j'ai péché ... s'il vous plaît, donne-moi votre bénédiction ». C'est un homme religieusement mûr » a dit le Pape.

Mais c’est quoi alors ? Est-ce que ce sont les adultères publics qui peuvent à juste titre s'attendre à être absous de leur adultère sur la base de « circonstances atténuantes » ou bien est-ce que la maturité religieuse devrait les informer qu'ils ne peuvent jamais être absous tant qu'ils continuent dans leur adultère, mais qu’ils pourraient demander une bénédiction ?

Le double discours et l’obscurcissement semblent être l'ordre du jour, car la volonté de ce Pape a priorité sur l'enseignement constant de tous ses prédécesseurs qui est contraire, y compris Jean-Paul II et Benoît XVI. Pas même la loi morale elle-même est à l'abri de l'avancement d'un positivisme papal que l'Église n'a jamais vu auparavant et qui propose de remplacer le fondement du Catholicisme par les sables mouvants du Bergoglianisme.

Quel dommage que l'Évêque Barron ait prêté ses formidables compétences de communicateur à un affaiblissement si sophistique et néo-pharisaïque de la simple vérité de l'Evangile et de la loi que Dieu a écrit dans le cœur de l'homme. Mais tel est le péril de la célébrité cléricale : il faut dire au public ce qu'il veut entendre. Et nous vivons maintenant dans le temps où « les gens ne voudront plus écouter le véritable enseignement, mais ils suivront leurs propres désirs et s'entoureront d'une foule de maîtres qui leur diront ce qu'ils aiment entendre. Ils fermeront leurs oreilles à la vérité pour se tourner vers des légendes ». (2 Timothée 4 : 3-4).

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