Lettre originale du Père Thomas Weinandy envoyée au Pape le 31 juillet 2017
Votre Sainteté,
C’est avec amour pour l’Église et respect sincère pour votre fonction que je vous écris cette lettre. Vous êtes le Vicaire du Christ sur la terre, le berger de son troupeau, le successeur de Saint Pierre et donc le rocher sur lequel le Christ bâtit son Église. C’est avec une loyauté filiale et une obéissance enracinée dans la vérité que tout Catholique, qu’il soit clerc ou laïc, doit s’adresser à vous. L’Église se tourne vers vous dans un esprit de foi, avec l’espoir que vous la guiderez dans l’amour.
Cependant, Votre Sainteté, une confusion chronique semble marquer votre pontificat. La lumière de la foi, de l’espoir et de l’amour n’est pas absente mais elle est trop souvent obscurcie par l’ambigüité de vos mots et de vos actions. Ce qui nourrit un malaise croissant chez les fidèles. Il compromet leur capacité d’amour, de joie et de paix.
Permettez-moi de prendre quelques brefs exemples :
Tout d’abord, il y a le controversé chapitre 8 d’Amoris laetitia. Il n’est pas utile que je partage mes propres préoccupations quant à son contenu. D’autres que moi, non seulement des théologiens mais également des cardinaux et des évêques, l’ont déjà fait. La principale source de préoccupation concerne votre façon d’enseigner. Dans Amoris laetitia, vos orientations semblent parfois intentionnellement ambigües, et invite ainsi à la fois à une interprétation traditionnelle de l’enseignement Catholique sur le mariage et le divorce comme à une autre interprétation qui impliquerait, elle, un changement de ce même enseignement.
Comme vous le faites sagement remarquer, les pasteurs doivent accompagner et encourager les personnes en situation irrégulière mais l’ambigüité demeure quant à savoir ce que signifie véritablement cet « accompagnement ». Enseigner avec un tel manque de clarté apparemment intentionnel fait courir le risque de pécher contre l’Esprit Saint, l’Esprit de vérité. L’Esprit Saint est donné à l’Église, et plus particulièrement à vous, pour dissiper l’erreur et non pas la favoriser.
En outre, ce n’est que là où se trouve la vérité que peut se trouver l’amour authentique, puisque la vérité est la lumière qui libère les femmes et les hommes de l’aveuglement du péché, qui est une obscurité qui étouffe la vie de l’âme. Pourtant, vous semblez censurer et même vous moquer de ceux qui interprètent le chapitre 8 d’Amoris laetitia en accord avec la tradition de l’Église en les traitant de pharisiens jeteurs de pierres qui incarneraient un rigorisme impitoyable. Ce genre de calomnie est étranger à la nature du ministère pétrinien. Certains de vos conseillers semblent se livrer de façon regrettable à des actions similaires. Un tel comportement donne l’impression que vos thèses ne sont pas en mesure de résister à l’examen théologique et ne peuvent donc être soutenues que par des arguments « ad hominem ».
Deuxièmement, votre façon de faire semble trop souvent dévaloriser l’importance de la doctrine de l’Église. Encore et encore, vous dépeignez la doctrine comme étant poussiéreuse, livresque et éloignée des préoccupations pastorales de la vie quotidienne. Ceux qui vous critiquent ont été accusés, selon vos propres mots, de transformer la doctrine en idéologie. Alors que c’est justement la doctrine chrétienne – y compris les distinctions subtiles concernant des croyances centrales comme la nature trinitaire de Dieu, la nature et la finalité de l’Église, l’Incarnation, la Rédemption et les sacrements – qui libèrent les gens des idéologies du monde et assure qu’ils prêchent et enseignement réellement l’Évangile authentique, qui donne la vie. Ceux qui dévalorisent les doctrines de l’Église se séparent eux-mêmes de Jésus, l’auteur de la vérité. Alors tout ce qu’ils possèdent et ne pourront jamais posséder, ce n’est qu’une idéologie – et qui plus est une idéologie qui se conforme au monde du péché et de la mort.
Troisièmement, les fidèles Catholiques ne peuvent qu’être décontenancés par votre choix de certains évêques, des hommes qui semblent non seulement ouverts à ceux qui défendent des thèses contraires à la foi chrétienne mais qui les soutiennent et même les défendent. Ce qui scandalise les croyants, ce n’est pas seulement le fait que vous ayez nommé de tels hommes pasteurs de l’Église mais également que vous restiez muet face à leur enseignement et à leurs pratiques pastorales. Cela affaiblit le zèle de beaucoup d’hommes et de femmes qui défendent l’enseignement Catholique authentique depuis tant d’années, souvent au prix de leur propre réputation et de leur santé. Avec pour résultat que de nombreux fidèles qui incarnent le « sensum fidelium » perdent confiance en leur pasteur suprême.
Quatrièmement, l’Église forme un seul corps, le Corps mystique du Christ et vous avez reçu du Seigneur lui-même la mission de promouvoir et de renforcer cette unité. Mais vos actions et vos déclarations semblent trop souvent avoir l’effet inverse. Encourager une forme de « synodalité » qui autorise et encourage différentes options morales et doctrinales au sein de l’Église ne peut que mener à davantage de confusion théologique et pastorale. Une telle synodalité n’est pas judicieuse et, en pratique, va à l’encontre de l’unité collégiale entre les évêques.
Saint-Père, cela m’amène à ma dernière préoccupation. Vous avez souvent parlé d’un besoin de transparence au sein de l’Église. Vous avez souvent encouragé, particulièrement au cours des deux derniers synodes, chaque personne et en particulier les évêques, à exprimer sa pensée sans avoir peur de ce que le pape pourrait penser. Mais avez-vous remarqué que la majorité des évêques à travers le monde sont étonnamment silencieux ? Comment cela se fait-il ? Les évêques apprennent vite et ce que beaucoup ont appris de votre pontificat ce n’est pas que vous êtes ouvert à la critique mais bien que vous ne l’admettez pas. De nombreux évêques se taisent par loyauté pour vous et ils n’expriment pas – à tout le moins en public ; en privé c’est une autre histoire – les inquiétudes que soulèvent votre pontificat. Ils sont nombreux à craindre que, s’ils disent ce qu’ils pensent, ils seront marginalisés ou pire.
Je me suis souvent demandé : « Pourquoi Jésus laisse-t-il tout cela se produire ? ». La seule réponse qui me vient à l’esprit c’est que Jésus veut montrer combien la foi de tant de personnes dans l’Église est faible, même parmi trop de ses évêques. Paradoxalement, votre pontificat a donné à ceux qui soutiennent des thèses pastorales et théologiques nuisibles la permission et le courage de sortir au grand jour et d’exposer leur obscurité qu’ils dissimulaient jusqu’ici. Face à cette obscurité, l’Église devra humblement se renouveler afin de continuer de grandir en sainteté.
Saint Père, je prie pour vous sans relâche et je continuerai à le faire. Puisse l’Esprit Saint vous conduire à la lumière de la vérité et à la vie de l’amour pour que vous puissiez dissiper les ténèbres qui voilent à présent la beauté de l’Église du Christ.
Bien à vous dans le Christ,
Thomas G. Weinandy, O.F.M., Cap.
Le 31 juillet 2017
Jour de la fête de Saint Ignace de Loyola
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