Par : Roberto de Mattei, vaticaniste
Le 8 novembre 2017
SOURCE : Rorate Caeli
Traduction de l'Italien vers l'Anglais :
Contributrice : Francesca Romana
Le 31 octobre 2016, le Pape François a inauguré l'année de Luther en rencontrant des représentants du Luthéranisme du monde entier dans la Cathédrale Suédoise de Lund. Depuis lors, les réunions et les célébrations « œcuméniques » ad abundantiam ont suivi les unes après les autres dans l'Église Catholique.
Une année exactement à partir de cette date, le « tournant décisif Luthérien » fut scellé par un acte symbolique dont très peu ont remarqué la gravité. Le Bureau de Poste du Vatican a émis un timbre qui célèbre la naissance du Protestantisme le 31 Octobre 1517, la date où Luther a suspendu ses 95 thèses sur la porte de la Cathédrale de Wittenberg.
« V Centenaire de la Réforme Protestante » peut être lu en haut du timbre, présenté le 31 octobre de cette année par le Bureau philatélique du Vatican. Le communiqué officiel décrit le timbre : « Il représente Jésus Crucifié au premier plan sur un fond d’or, montrant la ville de Wittenberg hors du temps. Dans une attitude de pénitence, agenouillés respectivement à gauche et à droite de la croix, se trouvent Martin Luther soutenant la Bible, source et objectif de sa doctrine, et Philippe Mélanchthon, ami de Martin Luther, un des plus grands protagonistes de la Réforme, qui tient en main la confession d’Augsbourg, première exposition officielle des principes du protestantisme » .
La substitution de Notre Dame et de Saint Jean au pied de la Croix avec le deux hérésiarques, Luther et Mélanchthon sont une offense blasphématoire qu'aucun Cardinal ou Évêque Catholique n'a, à ce jour, ouvertement condamnée. La signification de cette image s'explique par la déclaration conjointe de la Fédération Luthérienne mondiale et du Conseil Pontifical pour la Promotion de l'Unité des Chrétiens, publiée le même jour que le timbre. La note fait référence au résultat positif du dialogue entre Catholiques et Luthériens, approuvant la « nouvelle compréhension de ces événements XVI siècle qui ont conduit à notre séparation » et affirme comment les deux parties sont « très reconnaissantes pour les dons théologiques et spirituels reçus par la Réforme » .
Comme si cela ne suffisait pas, dans le même temps, La Civiltà Cattolica, la voix « non officielle » du Pape, a célébré Luther avec un article par le Père Giancarlo Pani (Martin Luther, cinq cents ans plus tard, dans La Civiltà Cattolica, dans l’édition du 21 octobre — 4. novembre 2017 e, pp 119-130 )
Le Père Pani est le même prêtre qui a déclaré en 2014 que les Pères du Concile de Trente avaient admis la possibilité du divorce et du remariage en cas d'adultère, selon la coutume établie dans l'Église Grecque schismatique. Maintenant, il soutient que Martin Luther n'était en aucun cas un hérétique, mais un authentique « réformateur ». En fait, « les thèses de Wittenberg ne sont pas un défi, ni une rébellion contre l’autorité, mais la proposition de renouveler la proclamation de l'Évangile, dans le désir sincère d'une « réforme » dans l'Église ». ( p.128 ). En dépit de l’affirmation « par l'Église de Rome et par Luther qu’ils incarnaient la vérité in toto et en sont les dispensateurs de celle-ci », « le rôle que Luther avait en tant que témoin de la Foi ne peut pas être nié : il est « le réformateur » ; il était capable d'initier un processus de « réforme » où les résultats de celle-ci ont également bénéficié à l'Église Catholique » .
Si tel est le cas, il a été injustement persécuté et diffamé par l'Église Catholique depuis 500 ans. Le moment est venu de le réhabiliter. Et pour le réhabiliter, nous ne pouvons nous limiter à présenter seulement son côté prophétique, mais nous devons faire accepter et mettre en pratique par l'Église ses demandes de réforme. Et l'Exhortation post-synodale Amoris Laetitia représente une étape décisive dans cette voie. Ils ne se trompent pas alors les auteurs du Correctio filialis ( au Pape François ) quand ils ont souligné « l'affinité entre les idées de Luther sur la loi, la justification et le mariage et ceux qui sont enseignés ou favorisé par le Pape François dans Amoris laetitia et ailleurs ».
À ce stade, il convient de rappeler que le Pape François, tout comme le Père Pani, appartiennent à la Compagnie de Jésus, dont le fondateur, Saint Ignace de Loyola, était le champion de la Foi que la Divine Providence a suscitée au XVIe siècle contre le Luthéranisme. En Allemagne, des apôtres comme Saint Pierre Canisio et le Bienheureux Peter Fabro se sont battus contre les hérétiques et, sur le terrain de la controverse anti-Protestante, personne ne peut surpasser Saint Robert Bellarmin.
La Civiltà Cattolica a été fondée en 1850, avec le soutien de Pie IX, et avait un rôle de défense doctrinale contre les erreurs du temps pendant un très long temps. Depuis sa première édition, le 6 Avril 1850 e, ce journal a consacré un vaste essai anonyme ( par le Père Matteo Liberatore ) sur le Rationalisme politique de la révolution Italienne, dans lequel il a vu le Protestantisme comme la cause de toutes les erreurs modernes. Ces thèses ont été développées, entre autres, par deux théologiens célèbres Jésuites : les Pères Giovanni Perrone (Le Protestantisme et la Règle de la Foi, La Civiltà Cattolica, Rome 1853, 2 voll), et Hartmann Grisar ( Luther, Herder, Freiburg im Breisgau, 1911/1912, vol. 3 ).
Mais la commémoration de la révolte Luthérienne faite par le journal Jésuite en octobre 1917, le quatrième centenaire marquant les 95 thèses de Wittenberg, prend une signification particulière. ( Luther et le Luthéranisme, dans La Civiltà Cattolica, IV (1917), pp 207-233 ;. 421-430). Le théologien de La Civiltà Cattolica a expliqué que « l'essence de l'esprit Luthérien, ou plutôt le Luthéranisme, est une rébellion dans toute son extension et toute la force de sa parole. La rébellion, personnifiée par Luther, était variée et profonde, complexe et très vaste ; elle paraissait bien apparemment mais elle était en fait violente, pleine de colère, insignifiante, obscène et diabolique ; au fond, elle a été étudiée et dirigée en fonction des circonstances, axée sur des fins opportunistes et des intérêts, intentionnelle et voulue avec une détermination mesurée et résolue » . ( p. 208-309 ).
« Luther », continue La Civiltà Cattolica « a initié cette parodie méprisable, avec laquelle le moine rebelle a attribué à Dieu ses idées, ses blasphèmes et les abominations de son esprit perverti : il outragé le Pape d'une manière indicible au nom du Christ, il a maudit César au nom du Christ, il a blasphémé contre l'Église, contre les Évêques, contre les moines avec une impétuosité infernale absolue, au nom du Christ ; il a jeté son habit religieux sur l'arbre de Judas, au nom du Christ et, au nom de Christ, il s'est marié de façon sacrilège » (p.209). « Sous le prétexte très commode de suivre l'Écriture, comme ce qui cela seul contient la Parole de Dieu, il mena une guerre contre la théologie scolastique, la Tradition, le Droit canon, toutes les institutions et les préceptes de l'Église et des conciles : à la place de ces augustes et vénérées choses, Martin Luther, moine parjure et médecin autoproclamé, s’est placé là avec son autorité ! Les Papes, les Docteurs et les Saints Pères ne valaient plus rien ; la parole de Martin Luther valait plus que toutes celles-ci ! ( p. 212 ). La théorie Luthérienne de la justification, à la fin, « est née de l'imagination de Luther, et non de l'Évangile ou de tout autre Parole de Dieu révélée aux écrivains du Nouveau Testament : pour nous, chaque nouveauté Luthérienne trouve ses origines dans la concupiscence qu’il a stimulée et dans son développement de la falsification de l’Écriture ou dans le mensonge formel » ( p. 214 )
Le Père Pani ne peut nier que l'opinion qu'il donne de Luther est un revirement à 360 degrés de celui que ses confrères ont donné dans le même journal, il y a un siècle. En 1917, il était censuré comme un apostat, un rebelle, un blasphémateur ; aujourd'hui on le loue comme un réformateur, un prophète, [ et même] un saint. Aucune dialectique Hégélienne ne peut harmoniser le jugement d'hier avec celui d'aujourd'hui. Luther était soit un hérétique qui a nié certains Dogmes de base du Christianisme, ou bien il était un « témoin de la Foi » qui a initié la Réforme de l'Église, achevée par le Concile Vatican II et le Pape François.
Bref, tout Catholique est appelé à choisir s'il veut se ranger du côté du Pape François et des Jésuites d'aujourd'hui, ou être aux côtés des Jésuites d'hier et des Papes de tous les temps.
Il est temps de faire des choix et de méditer précisément sur les deux standards de Saint Ignace ( Exercices Spirituels, n ° 137 ) * qui nous aideront à les faire en ces temps difficiles.
* Note du traducteur : « Ce sera ici que le Christ appelle et les veut tous sous Son étendard ; et Lucifer, au contraire, sous le sien ».( n ° 137, Exercices Spirituels ).
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