par le Père Richard G. Cipolla
Paroisse de Sainte Marie
Norwalk, Connecticut
SOURCE : Rorate Caeli
Le 29 août 2017
tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église.
Et les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre elle ».
Matthieu 16 :18
Pourquoi Pierre ? Pourquoi le Christ le fait-il la pierre sur laquelle l'Église est fondée ? Pourquoi pas Jean, le disciple que Jésus aimait d'une manière spéciale et qui a été choisi au pied de la Croix pour prendre soin de Marie, la Mère de Jésus ? Pourquoi Pierre ? Pierre, qui a essayé de bavarder sur le mont de la Transfiguration et qui ne comprenait pas que le silence est la seule réponse à la Présence de Dieu. Pierre, qui a failli en marchant sur l'eau et a dû être sauvé par Jésus.
Pierre qui a refusé de comprendre que Jésus devait aller à Jérusalem pour être moqué, craché dessus et mourir sur la Croix, Pierre qui a reçu les paroles dures de Jésus : « Arrière derrière moi Satan ! »
Pierre, dont l'impétuosité a coupé l'oreille du soldat à Gethsémané, Pierre qui — c'est la trahison profonde — a renié Jésus trois fois : « Je ne le connais pas ». Pourquoi Pierre ? La question peut ne pas avoir de réponse évidente. Car notre Seigneur a vu quelque chose dans Pierre qui n'est pas évident pour nous et c'est à lui que ces paroles ont été prononcés : « Tu es Pierre et sur cette pierre je construirai mon Église. Et les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre elle ». Et puis il lui donne les clés du Royaume des Cieux pouvant lier et délier ici sur terre.
Pourquoi poser même la question, pourquoi Pierre ? Même s'il n'y a pas de réponse définitive. Et pourtant, la question devrait être posée à ce moment particulier dans l'Église car il y a beaucoup en jeu dans la compréhension du Ministère Pétrinien aujourd'hui. La crise actuelle dans l'Église a de multiples aspects : la liturgie, l'assaut de la laïcité militante, la transition presque instantanée du Modernisme au post-Modernisme, l'incapacité de l'Église par ses théologiens à articuler le problème et la solution en termes de la Personne de Jésus Christ. L'effondrement de la virilité des Évêques, le ministère de la papauté dans le monde d'aujourd'hui. C'est ce dernier qui encapsule en quelque sorte la situation problématique de l'Église dans le monde d'aujourd'hui.
Hier, dans le calendrier Traditionnel, nous avons célébré la commémoration du Pape Zéphyrin, Pape et martyr. Il a été Pape pendant 11 ans au début du troisième siècle. Il a été victime des persécutions sous l'empereur Sévère. En tant qu'Évêque de Rome, il a combattu plusieurs hérésies dont une qui prétendait que le Christ n'est devenu Dieu qu'après la Résurrection. Il est compté parmi les martyrs, mais il n'a pas été directement tué par les persécutions. Zéphyrin savait-il qu'il était Pape au sens moderne ? Très probablement pas. Il savait qu'il était Évêque de Rome et successeur de Pierre et qu'il avait l'obligation de se conformer à la Tradition qui lui avait été transmise. Et ce qu'il savait est la base du Ministère Pétrinien, le merveilleux don de Dieu à l'Église. Il savait que le ministère du Pasteur Suprême de l'Église devait être le gardien de la Tradition de l'Église.
Maintenant, de parler de l'infaillibilité du Pape en termes de Zéphyrin est totalement anachronique. Zéphyrin était préoccupé à combattre les nombreuses incompréhensions anciennes de la Personne du Christ et de rester en vie sous les persécutions Romaines. Son maintien en vie avait peu à voir avec la compréhension de la chanson des Bee Gees de rester en vie : « Stayin’ Alive ». Il voulait rester vivant pour remplir son rôle d'Évêque de Rome : transmettre la Tradition des Apôtres et lutter contre les opinions et les enseignements qui étaient contraires à cette Tradition qui lui avait été transmise pour la garder et la confirmer.
L'histoire de la papauté est l'histoire de l'Occident. Ce n'est pas toujours une histoire glorieuse. Il y a eu de bons Papes, il y a eu des Papes glorieux et il y a eu de mauvais Papes, et le mot « mauvais » comme adjectif n'est pas utilisé simplement dans le sens moral, en se référant aux Papes avec des maîtresses et des enfants, aux Papes qui étaient plutôt bien sur un cheval menant une charge contre l'ennemi, l'ennemi qui pouvait être proche aussi bien qu'à une échelle plus globale. Les Papes vraiment mauvais ont oublié leur sens le plus profond dans leur mission principale de conserver et de transmettre la Tradition Apostolique à n'importe quel moment de l'histoire dans laquelle ils vivaient. Mais ils ont tous compris que l'un des principaux porteurs de la Tradition était la Messe Romaine dont les racines peuvent remonter à l'Église Apostolique elle-même. Ils ont compris la Messe Romaine comme la source liturgique et le sommet de l'acte de transmettre la Tradition qui leur a été confiée en termes du cœur du problème : le Sacrifice de la Croix. Alexandre VI qui ne sera sans doute jamais canonisé, a compris, lorsqu'il était au pied de l'autel, qu'il était alors le prêtre dont la fonction était d'offrir le Sacrifice de la Messe tel qu'il lui avait été transmis. Il ne lui est jamais arrivé de penser qu'il avait tout pouvoir de changer ou de modifier cette icône vivante de la Tradition de l'Église dans sa manifestation liturgique.
Est-ce un accident que le développement important de la doctrine de la papauté ait eu lieu au XIXe siècle avec la Déclaration de l'Infaillibilité du Pape en matière de foi et de morale ? Ce n'est pas par hasard que ce développement de la compréhension du Ministère Pétrinien ait été défini vers la fin de la confluence des Lumières et la grande période du Romantisme qui a encouragé la ferveur révolutionnaire. Contre la notion dominante de la vérité perçue comme individualiste, relative et centrée sur l'homme, la promulgation de la Doctrine de l'Infaillibilité du Pape au premier Concile du Vatican était le « Non » de l'Église à la compréhension profondément imparfaite de la nature des choses qui était la marque du milieu et la fin du XIXe siècle. L'historien de l'église Anglicane, Charles Williams, a déclaré qu'avec la proclamation du Dogme de l'Infaillibilité au premier Concile du Vatican, l'Église a retrouvé sa virilité. Considérez cette phrase pendant un certain temps : « SA virilité ».
Et pourtant c'était des hommes comme le Bienheureux John Henry Newman, qui s'opposa à la définition de l'infaillibilité. Il ne s'est pas opposé à cela sur des bases personnelles mais parce qu'il croyait en la Doctrine comme un développement valide du Dogme. Mais il craignait que la définition de cette Doctrine aboutisse à des excès terribles dans la compréhension et la pratique du Ministère Pétrinien, le don de Dieu à l'Église. Et il avait raison. La définition de l'Infaillibilité du Pape au Concile de Vatican I était vraiment une définition minimaliste qui a déçu beaucoup d'Ultramontains de l'époque. Il était clair que le Pape pouvait définir un dogme comme infaillible seulement sur la base de ce que l'Église a toujours cru, aussi naissante que cette croyance pouvait être. Il est clair dans le Concile du Vatican I que le Pape n'a aucun pouvoir pour définir infailliblement tout ce que l'Église n'a pas toujours cru et le Pape n'a pas le pouvoir de définir une doctrine qui n'est pas conforme à l'enseignement de l'Église depuis deux mille ans. Quant au développement de la Doctrine — OUI. Quant à une nouveauté qui n'est pas conforme à la Tradition — NON.
Je doute que Newman ait pu voir le développement de la papauté dans un phénomène mondial qui, alimenté par l’instantanéité des multimédias omniprésents, a transformé un ministère dans l'Église en une partie de la culture d'information incessamment disponible dans laquelle nous vivons. Il y a cent ans, de nombreux Catholiques ne savaient pas qui était le Pape à l'époque. Ils savaient qu'il existait, qu'il vivait à Rome et faisait son travail pour protéger la vérité de la Tradition Catholique. Aujourd'hui, tout le monde sait qui est le Pape et chaque parole qu'il dit, que ce soit dans ses homélies quotidiennes à Santa Marta ou en avion avec la presse (dont la plupart ne comprennent pas la Foi Chrétienne ni l'Église Catholique) ou en Tweets, ou dans tout autre moyen. Le Pape instantanément reconnaissable a amené les gens à oublier l'humanité fragile du premier Pape. La non-compréhension de Pierre et le manque de fidélité ne furent surmontés que par la pure Grâce de Dieu. Pierre ne peut jamais être idolâtré ou fait une star du rock.
Mais ce n'est pas le plus grand problème auquel nous sommes confrontés en ce dimanche. Ce dont nous sommes confrontés, c'est la destruction de la Tradition Catholique par ceux qui ont été chargés de la transmission de cette Tradition. Transmettre la Tradition Catholique n'est pas un exercice insensé de garder les choses telles qu'elles sont. Il ne s'agit pas non plus d'une comptabilité doctrinale. Ce n'est pas conduit non plus par une crainte du monde tel qu'il est aujourd'hui. C'est une question d'amour. À transmettre la Tradition, l'enseignement de l'Église, basés uniquement sur l'enseignement de Jésus-Christ, c’est l'œuvre de tous les Catholiques, mais, de façon plus grave, c’est l'œuvre de tous les diacres, des prêtres et des Évêques et surtout du Pape. Les non-sens que nous entendons proférer aux plus hauts niveaux de l'Église à propos de la miséricorde qui détermine l'enseignement moral de l'Église témoignent de l'échec profond et du manque de courage à être fidèles à l'enseignement clair et difficile de Jésus-Christ Lui-Même.
Et oui, ce sermon se terminera par une référence à la Messe que nous célébrons ici aujourd'hui. Les adversaires l'ignoreront du revers de la main, l’expliquant par le réductionnisme dans son entier par le pasteur envers la Messe Traditionnelle. « C'est ainsi que le Père termine tous ses sermons » diront-ils. J'aimerais que cela soit vrai au niveau personnel. Mais ça ne l’est pas. Parce que l'antidote le plus puissant contre les sinistres dangereux et inutiles qui se déroulent aujourd'hui dans l'Église est la bonne célébration de cette Messe. Ce que nous faisons ici aujourd'hui vibre dans l'éternité. C'est beaucoup plus important qu'une éclipse du soleil. Ce que nous faisons ici ensemble, prêtre et peuple, est de rendre présent toute la Tradition de l'Église dans le seul culte acceptable de Dieu dans le Saint Sacrifice de la Messe, l'essence de Dieu : l'Amour infini.
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