Durée : 7 min 21 sec
SOURCE : Eucharistie Miséricorde
Question au Cardinal Sarah :
Qu'est-ce qui vous touche le plus chez ce Pape (Jean-Paul II)?
J'ai admiré son extrême courage face à toutes les tempêtes qui n'ont jamais manqué pendant sa vie. La dernière lutte face au mal qui le rongeait fut héroïque. En refusant de se cacher et de nier la destruction progressive de son corps, Jean-Paul II a voulu aider tous les malades qui pouvaient puiser en lui un modèle.
Pour le Pape, les personnes qui souffrent sont dignes d'être honorées. Je pense que ses derniers moments sur terre ont été une forme d'encyclique non écrite. Le Pape portait l'Évangile dans son corps brisé et plus lumineux que jamais. Alors que la maladie le conduisait aux portes de l'éternité, il a tenu à faire son dernier chemin de Croix, ce vendredi saint 2005, dans sa chapelle privée. Nous ne pouvions le voir que de dos.
Dépourvu de toutes forces physiques, il était littéralement accroché à la Croix, comme pour nous inviter à ne plus rester centrés sur lui, mais sur le « signe » qui révèle Dieu et son amour. Ce vendredi saint résumait toute la vie de Jean-Paul II, qui voulait être totalement configuré au Christ, et vivre en profonde communion avec ses souffrances, lui devenir conforme dans sa mort, afin de parvenir, si possible, à ressusciter avec lui d'entre les morts. Il réalisait ce que saint Paul écrit aux Corinthiens : « Et nous tous qui, le visage découvert, contemplons comme en un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en cette même image, allant de gloire en gloire, comme de par le Seigneur, qui est Esprit » (2 Co 3,18).
Le dimanche 27 mars 2005, il était déjà entré dans le silence du « passage » qui prépare le surgissement de la vie. Ce jour-là, il a voulu nous dire une dernière parole de sa fenêtre, mais aucun mot n'est sorti de sa bouche. Il était entré dans le silence de Dieu. Dans ce moment douloureux, nous avions l'impression d'entendre Jean-Paul II murmurer : « Je suis heureux d'être cloué sur la Croix avec le Christ, mon flanc contre son flanc, mes mains contre ses mains, mes pieds contre ses pieds, les mêmes clous le traversent et me traversent, nos sangs se mêlent en un seul sang. » Et malgré tant de souffrances, une longue et pénible agonie, le mystère de la ténacité apostolique de Jean-Paul II et de sa mort sereine nous rappelle cette parole de saint Bernard : « Le soldat fidèle ne ressent pas ses blessures quand il contemple amoureusement les blessures de son Roi. »
À l'instant des dernières heures de sa vie, lors de l'angélus du dimanche de Pâques, les paroles qu'il ne parvenait plus à exprimer ne doivent pas nous attrister. Dieu voulait que sa propre Parole se lise désormais sur le corps supplicié du Pape. Nous sommes parfois devenus une Eglise si livresque et académique qu'il ne nous est pas facile de comprendre la vérité de ce témoignage de la souffrance du corps. La Croix du Christ n'est pas une théorie mais une douleur épouvantable et un signe d'amour. La parole ne se donne pas seulement grâce à la Parole de Dieu, mais également à travers l'incarnation. Le corps de Jean-Paul II portait le message du Christ pour l'humanité. Le Pape qui avait tant écrit sur le corps de l'homme était désormais accroché au corps supplicié du Christ ».
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