dimanche 2 juillet 2017

La destruction du Cardinal Pell



Par : Steve Skojec
Éditorialiste en chef de One Peter Five

Le 1er juillet 2017
SOURCE : One Peter Five





Il y a deux ans, quand cette histoire est sortie, j’ai demandai à quelques amis et collègues journalistes : « Est-ce la gâchette qui se déclenche sur Pell ? » À l'époque, bien sûr, son nom n'a même pas été mentionné. Mais les événements se sont développés dans ce qui seraient plus tard nommés « Vatileaks II », les médias rapportant de nouvelles allégations de mauvaise gestion financière au Vatican ont laissé la question ouverte de savoir si Pell, comme l'homme mis en place pour arranger les choses, serait dans la ligne de mire.

À l'époque, il y avait un sentiment rampant déjà que Pell, pendant la durée de son enquête sur la Banque du Vatican (également connu sous le nom de l'Institut pour les Oeuvres de Religion ou IOR), soit devenu rapidement persona non grata. Lorsqu’il a signé la Lettre des 13 Cardinaux exprimant son inquiétude sur le fonctionnement du Synode et comment il était mené — quelque chose qui fut rapporté à l’effet que François aurait pris plutôt personnellement — sa chute de la grâce s’est accélérée.

Les choses ont été calmes pendant un certain temps, plus particulièrement après que le Pape François ait mis un terme sur son propre audit de la Banque du Vatican en septembre de l'année dernière.

Et puis, cette semaine, les choses ont éclaté. Il y a eu des allégations selon lesquelles Pell s’est engagé dans des agressions sexuelles il y a des décennies à l'origine, ont refait surface il y a deux ans, mais maintenant ces allégations ont tourné en une enquête sur des accusations formelles. Selon des sources ayant une connaissance du Cardinal Australien, les médias dans son pays d'origine ont été hostiles envers lui depuis de nombreuses années et il n’est pas bien aimé par une partie importante du clergé là-bas. La réponse spécifique de Pell a été un vif désir d'avoir enfin sa journée à la Cour pour combattre les accusations qu’il dément catégoriquement. Cependant, dans un article de Nancy Flory sur le site The Stream, l'affaire entière est caractérisée comme une « chasse aux sorcières » destinée à détruire la réputation de Pell :

« Pell ne peut jamais recevoir un procès équitable » écrit la chroniqueuse Australienne Angela Shanahan. Elle décrit la « chasse aux sorcières des médias » qui s’est acharnée sur le Cardinal George Pell pendant des deux années. Des charges nouvelles et vagues — d’ « infractions historiques d'ordre sexuel » — ont été déposées contre le Cardinal Pell hier matin. Le Cardinal Pell a nié à plusieurs reprises des allégations d'abus sexuels portées contre lui. Pourtant, les médias en Australie ont répété ces allégations au sujet de la culpabilité du Cardinal. Ils ont publié des fuites d'informations sur l'enquête contre Pell et ont affirmé que les accusations étaient « imminentes ». Et un livre hostile sur le Cardinal Pell (Cardinal : L'ascension et la chute de George Pell) est sorti en mai.

La « chasse aux sorcières »

Quelques âmes courageuses ont contesté le procès du Cardinal par les insinuations des médias. Amanda Vanstone, chroniqueuse pour The Sydney Morning Herald et « pas une adepte de la religion organisée » décrie l’hystérie des médias sur le Cardinal Pell. « Ce que nous voyons n’est pas mieux qu'un lynchage au Moyen-Âge... c’est bien pire qu'une simple évaluation de la culpabilité. L'espace public est utilisé pour jeter à la poubelle une réputation et probablement prévenir un procès équitable » a écrit Vanstone. « N’est-il pas normal d'essayer d'assurer qu’une personne puisse obtenir un procès équitable » demande-t-elle « en gardant les preuves préliminaires, non vérifiées hors de la scène publique ? »

On ne peut que se demander si des allégations vieilles de plusieurs décennies — généralement impossibles à prouver — fera quoi que ce soit sauf laisser Pell comme un homme avec une réputation ruinée. Certes, un verdict de culpabilité dans de telles circonstances semble peu probable. Mais avec des titres de manchettes comme « Le pédophile du Pape ? » maintenant en circulation dans la presse grand public même un acquittement complet ne rétablira jamais son bon nom.

J'ai eu des gens me demander si je pense qu'il est coupable. J’en sais que vraiment trop peu de choses sur les circonstances pour même faire une supposition. La poursuite vicieuse de sa destruction tend à me donner le réflexe d’être sympathique, mais la vérité importe beaucoup ici. À cause de lui, et dans l'intérêt des victimes présumées, j'espère un procès équitable et approfondi qui soit possible et que la vérité sortira.

Une considération possible en ce qui concerne la culpabilité potentielle de Pell a trait au style de gestion du Pape François. Comme je l'ai indiqué précédemment, le Pape semble avoir tendance à s'entourer avec des hommes compromis. De Mgr. Battista Ricca (également impliqué dans la réforme de la Banque du Vatican) à Mgr Vincenzo Paglia au Cardinal Francesco Coccopalmerio au Cardinal Reinhard Marx, quelques-uns des collaborateurs les plus remarquables de François sont des hommes avec des squelettes dans leurs placards qui pourraient facilement être retirés et affichés en public s'ils deviennent ... gênants. Si Pell était un homme avec des abus sexuels dans son passé, ils pourraient certainement être utilisés contre lui si nécessaire. Mais même s'il est aussi innocent que la neige, le simple fait que de telles allégations existent déjà peut peut-être fournir l'effet de levier nécessaire pour le mettre dans une telle position délicate. Après tout, Pell a été autorisé à regarder dans la boîte de Pandore des finances du Vatican. Et il est difficile de ne pas se demander s’il en a découvert trop.

Rappelons qu’en janvier 2015, le « président évincé de la banque du Vatican », Ettore Gotti Tedeschi, a écrit un article dans le Catholic Herald dans lequel il a mis en garde Pell qu’il pourrait très bien ne pas avoir été correctement informé de tout ce qui s’était passé dans l'histoire récente de la banque — et comment il croyait qu’il avait été lâché à cause d’une décision de présenter au Conseil d’administration un plan qui aurait totalement changé le rôle et la gouvernance de la banque ». Après avoir donné sa propre version de l'histoire, Tedeschi a fait un ensemble de recommandations à Pell :

Je pense sincèrement que le Cardinal Pell devrait aller au fond de quatre mystères :

  1. Qui a changé la loi de lutte contre le blanchiment d'argent du Vatican en décembre 2011 et pourquoi ?

  2. Qui a vraiment décidé que je devrais être renvoyé du Conseil d'administration laïc en tant que Président de la Banque du Vatican, le 24 mai 2012, et pourquoi ?

  3. Qui n'a pas tenu compte de la décision de Benoît XVI en faveur de ma réinsertion ?

  4. Qui a refusé de me poser des questions sur tous les faits ci-dessus ? Qui ne veut pas connaître ma version de la vérité et pourquoi ?

Il est impossible de lire cette liste et ne pas la voir comme un acte d'accusation des méfaits volontaires de la part d’acteurs inconnus mais puissants au sein de la structure du pouvoir du Vatican.

La question des mains invisibles apportant des changements à l'IOR est intrigante. Il semble ici pertinent de noter qu'une partie du sous-texte derrière le coup d'État qui a renversé l'Ordre Souverain Militaire de Malte (SMOM) a impliqué une allégation selon laquelle un legs énorme (30 millions de francs suisses) donnés à l'Ordre a été remis à la Banque du Vatican. Marc Odendall, l'un des principaux acteurs de la faction von Boeselager de l'histoire SMOM, a été nommé par le Pape François en 2014 au Conseil d'administration de l'Autorité d'Information Financière du Vatican — un organisme de surveillance créé par le Pape Benoît XVI pour aider à nettoyer la corruption et la mauvaise gestion à l'IOR. En décembre dernier, à la même époque Albrech von Boeselager était forcé de quitter son poste de Grand Chancelier de l'Ordre, son frère Georg a été nommé à un poste de supervision à la Banque du Vatican. Et au milieu de tout cela, le fiduciaire du legs de 30 millions de francs a allégué, dans un rapport écrit anonyme qui a été distribué dans les médias plus tôt cette année, d'avoir proféré des menaces à l’effet que si l'action en justice contre lui (déposée par le SMOM pour obtenir le contrôle de leur legs) ne tombe pas, il allait révéler de sales secrets des choses en cours au sein des institutions financières propres du Vatican :

« On savait donc quelques-unes des transactions financières internes et le fonctionnement du Vatican, y compris, nous devons le supposer, que certaines qui n‘étaient pas tout à fait droites ».

Ça se poursuit : « Il indiquait, on peut maintenant le croire, que s’il continuait à être poursuivi en justice ou a être poursuivi, il dirait au monde ce dont il était au courant de ces transactions financières internes du Vatican et n’hésiterait pas à faire connaître les noms de certains des fonctionnaires de haut rang du Vatican et leurs liens avec les transactions et les affaires ».

De retour au propre rôle de Pell pour redresser les finances du Vatican, rappelez-vous aussi qu’il a découvert plus d'un milliard d'euros « cachés » des livres de l'IOR en 2015 :

Les énormes sommes d'argent non déclarées ont été cachées dans divers comptes bancaires par des organisations et des groupes au sein du Saint-Siège à Rome.

Les fonds ont pas été mal utilisés et ne font pas partie de la corruption et des scandales qui ont déjà fait honte au Vatican, mais l'argent n'a pas été divulgué avec transparence ou disponible pour l'utilisation complète par le Vatican parce qu'il a été caché dans une pratique Italienne de garder de côté des trouvailles non déclarées.

« Dans une pratique Italienne de garder de côté des fonds non déclarés. »

Vraiment ? Donc, ce qui serait illégal pour quiconque est simplement « une pratique Italienne » ?

Il y a une autre histoire récente qui peut sembler d'un impact minimal en soi, mais qui prend une importance plus grande à la lumière des grandes questions entourant la corruption à l'IOR. Libero Milone, le nouveau vérificateur général nommé par le Pape François en 2015 pour creuser dans la situation financière du Vatican, a soudainement et de façon inattendue démissionné le mois dernier. Aucun détail n'a été donné, mais il est clair que Milone a fait face à la résistance de la bureaucratie à l’intérieur du Vatican envers les réformes financières dès le début. Au début de son mandat, par exemple, son ordinateur a été piraté. Et selon Edward Pentin, « la divulgation de cette histoire a cédé la place au scandale Vatileaks II ».

De plus Pentin a remarqué un point de résistance particulier auquel ont fait face les Milone et Pell :

Plus récemment, il [Milone] a signé une lettre avec le Cardinal George Pell, préfet du Secrétariat de l'Économie, réprimandant l'Administration du Patrimoine du Siège Apostolique (APSA), l’organisme du Vatican responsable de la gestion du patrimoine immobilier du Vatican, après qu’APSA ait informé les départements du Vatican de fournir leur information financière non pas au vérificateur général [Milone], mais à un vérificateur externe.

Milone et le Cardinal Pell ont écrit une lettre en mai à tous les dicastères pour leur dire « avec un profond regret » qu’ils doivent intervenir pour réfuter les instructions de l'APSA. L'action arbitraire et unilatérale de l'APSA a été considérée comme non seulement une atteinte extraordinaire à l'autorité du Secrétariat de l'Économie et du vérificateur général, mais aussi du Secrétariat d'État. Et contrairement à la fin de l'audit de PwC [ Price Waterhouse Coopers) l'an dernier, les sources internes du Vatican ont dit que ça ne venait pas d'une autorité supérieure et que c’était donc considéré comme provocateur par l’APSA comme un geste pour « récupérer » une partie de ses pouvoirs.

L’APSA a été sans doute le plus résistant à des réformes plus importantes impliquant les examens financiers.

Selon un rapport du site Web américain Newsmax.com, ce fut cette situation de l'APSA qui peut avoir conduit le Pape François à se retourner contre Pell et son travail :

Pell a trouvé une nouvelle source potentielle de revenus dans les espaces commerciaux et résidentiels à Rome d'une valeur de 1 milliard d'euros et gérée par l'Administration du Patrimoine du Saint-Siège, ou APSA. D'après le Cardinal, la direction n'a pas été à la hauteur et, en juillet 2014, le Pape François a donné le contrôle des propriétés à Pell.

Cependant, le président de l'APSA, le Cardinal Domenico Calcagno, est devenu récemment proche du Pape François et est souvent vu manger avec lui à la résidence du Pape. Au cours des 18 mois, François a supprimé le contrôle de Pell sur les actifs immobiliers de l'APSA. Certains accusent la croyance de Pell dans le marché libre, ce dont le Pape François est un critique bien connu.

François a tué sa propre vérification en septembre dernier.

Donc, ici, encore une fois, nous sommes confrontés à un mystère : pourquoi Milone a démissionné un peu plus d'une semaine avant que Pell a été officiellement inculpé ? Est-ce qu'il savait ce qui allait arriver ? A-t-il réalisé que les obstacles empilés contre leurs travaux étaient tout simplement trop élevés, que la corruption au sein du système financier du Vatican était trop profond ?

Rappelez-vous, aussi, comment le Professeur Germano Dottori de l'Institut d'Études Stratégiques à l'Université LUISS Guido Carli—à Rome a écrit un article plus tôt cette année indiquant qu’il estime l'effet de levier financier qui a été exercé par les forces internationales a conduit à la démission du Pape Benoît XVI :

Les gouvernements Italien et du Pape ont-ils été simultanément frappés par un scandale, coordonné, et une campagne particulièrement violente et sans précédent, impliquant même des manœuvres plus ou moins opaques dans le domaine financier avec l'effet final à venir en novembre 2011 avec le départ de Berlusconi du Palazzo Chigi et, le 10 février [sic — 11], 2013, l'abdication de Joseph Ratzinger. Au plus fort de la crise, l'Italie a vu progressivement l'accès à ses marchés financiers internationaux fermés alors que l'Institut des Oeuvres religieuses (IOR) [la Banque du Vatican] a été temporairement coupé du circuit financier Swift [ Swift : système de paiements inter-bancaires internationaux ]hasse . [Je souligne]

L'un des facteurs moins connus dans l'abdication du Pape Benoît XVI est que dans les jours avant sa déclaration de démission, les transactions bancaires au sein du Vatican étaient devenues tout à fait impossibles. La situation était le résultat de la pression intentionnelle exercée contre le Vatican — pression que certains disent qui a été utilisée pour forcer le Vatican à nettoyer sa corruption financière et se conformer aux normes bancaires internationales, et d'autres ont cru que c’était l’équivalent d’une forme de chantage contre la personne le Pape.

Imaginez ce que ça doit avoir été de faire l’audit de ce fouillis, de peler couche après couche la corruption et les faux-fuyants, de découvrir un milliard d'euros cachés où il ne faut pas, d’essayer d'identifier les hommes dans les coulisses, de tirer les ficelles et d’identifier cette attention mal dirigée.

Cette année, nous avons même vu des rumeurs que le Vatican est devenu financièrement insolvable. Des rumeurs disent que c’est pour cette raison que l'Église Allemande, financée à hauteur de plusieurs milliards d'euros annuellement par taxe d’Église obligatoire, est devenue une puissante influence à Rome. Est-il possible que le flux actuel du Rhin dans le Tibre soit porté par un torrent de liquidités ?

Je me demande si nous ne le saurons jamais.

Il ne faut pas trop s’étirer pour conclure que le Cardinal Pell s’est fait des ennemis puissants au sein du Vatican alors qu’il a rogné ce système sclérosé de gestion alambiquée et financière dans une quête de transparence et de respect des normes bancaires. Une personne qui m’a contacté cette semaine m’a dit qu’on pense même qu'il y en a certains qui, après avoir abusé des privilèges des bureaux du Vatican pour un gain financier personnel, contribuent à financer la campagne contre Pell.

Les rumeurs ne sont que des allégations jusqu'à ce que la vérité soit portée à la lumière. Si Pell est coupable d'abus sexuels, il devra être tenu responsable. Mais si cela est une campagne pour le détruire orchestrée par ceux qui ont le plus à perdre si le Vatican doit nettoyer ses activités financières, les personnes ayant une connaissance de ce qui se passe devraient faire un pas en avant pour disculper l'homme.

De toute façon, la destruction du Cardinal Pell apparaît, à ce stade, être un fait accompli.

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