Par : Roberto de Mattei, vaticaniste
Le 18 juillet 2017
SOURCE : Rorate Caeli
Traduction de l'Italien vers l'Anglais :
Contributrice : Francesca Romana
Parmi les nombreux « groupes de travail » créés par le Pape François, il y a la « Commission mixte des experts Croates Catholiques et Orthodoxes Serbes pour une relecture conjointe de la personne du Cardinal Alojzije Stepinac, Archevêque de Zagabria ; ils se sont rencontrés les 12 et 13 juillet 2017 et ont tenu leur dernière rencontre à la Domus Sanctae Marthae au Vatican, sous la présidence du Père Bernard Ardura, président du comité pontifical des sciences historiques. Le communiqué commun de la Commission, publié par le Bureau de Presse du Saint-Siège le 13 juillet, stipule que « L'étude de la vie du Cardinal Stepinac nous a enseignés que, dans l'histoire, toutes les Églises ont subi des persécutions diverses et ont leurs martyrs et leurs confesseurs pour la Foi. À cet égard, les membres de la Commission se sont mis d'accord sur l'éventualité d'une collaboration future en vue d'une œuvre en commun, afin de partager la mémoire des martyrs et des confesseurs des deux Églises ».
Cette déclaration, qui synthétise six réunions de travail tenues par la Commission, retourne la conception Catholique du martyr à l'envers. Le martyr, en effet, selon l'Église Catholique, est la mort qui fait face et témoigne de la Vérité. Pas une vieille vérité, mais la Vérité de la Foi ou de la morale Catholique. Dans l'Église, par exemple, le martyr de Saint Jean-Baptiste est célébré parce qu'il a subi la mort pour avoir reproché publiquement l'adultère d'Hérode. Le prononcé de Saint Augustin s'applique ici : non facit poena, sed causa (Enarrationes in Psalmos, 34, 13, col. 331). Ce n'est pas la mort qui fait un martyr, mais la raison de la mort, infligée par la haine de la foi Catholique ou de la morale.
Pour la commission présidée par le Père Ardura, en revanche, « martyres non facit causa, sed poena » : cela ne signifie rien d'autre que l'égalisation « des martyrs et des confesseurs des deux Églises », la Catholique et l’Orthodoxe. Ce principe, selon le communiqué, peut être étendu à « toutes les Églises », qui ont eu des « martyrs » et des « confesseurs » en vertu de leurs propres croyances respectives. Pourtant, si un martyr est celui qui souffre de la mort pour défendre sa propre vérité, pourquoi ne pas considérer un martyr comme un Chrétien sui generis tel que Giordano Bruno qui a été brûlé au bûcher par l'Église Catholique de Campo de Fiori le 17 février 1600 ?
La Franc-Maçonnerie profonde l’a toujours considéré comme « martyr » pour la religion de la liberté et, en tant que tel, l'apostat Dominicain a été honoré le 17 février dernier par la Loge du Grand Orient à leurs quartiers généraux de l'Italie. C'était un prêtre Don Francesco Pontoriero du diocèse de Mileto qui, au siège de la Franc-Maçonnerie Italienne, a reconstitué les choix de Giordano Bruno : « Jusqu'au bout, ce qui le fit revenir à Venise, où une peine de mort l’attendait et donc une étreinte de martyr, était sa prise de conscience que ce n'était que de cette façon que son message traverserait les âges ».
La rencontre à Santa Marta a été précédée deux jours auparavant par le Motu proprio Maiorem hac dilectionem du 11 juillet du Pape François, qui a échappé à l'attention du public et qui introduit l'« offrande de la vie » comme un nouveau paradigme pour la procédure de béatification ou de canonisation, distincte du modèle traditionnel du martyr et de la vertu héroïque. Dans un article publié le 11 juillet dans l’Osservatore Romano, l'Archevêque Marcello Bartolucci, secrétaire de la Congrégation pour les Causes des Saints, explique que, jusqu'à présent, les trois moyens préétablis d'arriver à la béatification étaient le martyr, la vertu héroïque et la soi-disant « béatification équivalente ».
Maintenant à ces trois, un quatrième critère a été ajouté : « l'offrande de la vie » qui « a l'intention de valoriser le témoin Chrétien héroïque, jusqu'à présent sans procédure spécifique, car il n'entre pas entièrement dans le paradigme du martyr ni celui de la vertu héroïque ».
Le Motu proprio, précise que l'offrande de la vie, afin d'être valable et efficace pour la béatification d'un Serviteur de Dieu, doit répondre aux critères suivants :
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offrande libre et volontaire de la vie et acceptation héroïque propter caritatem d’une mort certaine et à court terme ;
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lien entre l’offrande de la vie et la mort prématurée ;
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exercice, au moins de manière ordinaire, des vertus chrétiennes avant l’offrande de la vie et, ensuite, jusqu’à la mort ;
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existence de la réputation de sainteté et de signes, au moins après la mort ;
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nécessité du miracle pour la béatification, survenu après la mort du serviteur de Dieu et par son intercession.
Mais qu'est-ce que signifie propter caritatem ? La charité, définie par Saint Thomas comme l'amitié de l'homme avec Dieu et Dieu avec l'homme (Summa Theologiae, II-IIae, q, 23, a. 1) est la plus excellente de toutes les vertus. Il consiste à aimer Dieu et, en Dieu, notre prochain. La charité n'est donc pas cette vertu qui nous amène à aimer nos autres êtres humains, dans la mesure où ils sont des hommes, mais c’est un acte surnaturel qui a Dieu comme essence et but final. La charité, en outre, est ordonnée : tout d'abord, les intérêts spirituels de notre prochain doivent prévaloir sur ses intérêts matériels. Deuxièmement, nous devons d'abord aimer ceux qui sont près de nous avant ceux qui sont loin de nous (Summa Theologiae, II-IIae, II-IIae, q. 26, a. 7), et si jamais il y avait un contraste entre les intérêts de ceux qui sont près de nous et ceux qui sont loin de nous, ceux qui sont près de nous devraient prévaloir sur ces derniers. Est-ce la nouvelle vision du Motu proprio papal? Nous avons des doutes à ce sujet.
Interrogé par l'hebdomadaire de l'archidiocèse de Gorizia, Voce Isontina, Monseigneur Vincenzo Paglia, le nouveau président de l'Académie Pontificale pour la Vie, a aussi exprimé sa joie pour le document du Pape François parce qu’il souligne : « J'étais impliqué en quelque sorte comme postulateur pour la cause de la béatification d'Oscar Arnulfo Romero ». « L'Archevêque d'El Salvador, en effet, poursuit-il, n'a pas été tué par des persécuteurs athées parce qu’ils voulaient qu'il nie sa Foi en la Trinité : il a été assassiné par des Chrétiens parce qu'il voulait que l'Évangile soit vécu dans sa compréhension profonde en tant que don de la vie ».
Monseigneur Romeo offre alors le modèle d'une « offrande de la vie » sur le même pied que le martyr. La « quatrième voie » qui, selon le Motu proprio du Pape François, apportera la canonisation, si la mort n’est pas soufferte à cause de la haine de la Foi, mais comme conséquence des choix politiques au service des pauvres, des immigrés et des « périphéries » de la terre. Seront-ils capables d'exclure de la béatification les prêtres guerriers qui sont morts propter caritatem, dans les révolutions politiques des dernières décennies ? Pourquoi ne pas placer sur le même pied des martyrs tous les Chrétiens aussi qui ont offert leur vie dans une guerre juste et commencer leur procédure de béatification ? En mourant pour leur pays, ils ont joué un excellent acte de charité puisque le « bien de la nation est supérieur au bien de l'individu » (Aristote, Etica, I, cap. II, n ° 8). L'Église Catholique ne les a jamais considérés comme des martyrs, précisément parce que la motivation religieuse manque, mais il semble injuste de les priver d'un espace dans le nouveau Panthéon des martyrs du Pape François.
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