samedi 4 novembre 2017

Placé devant une inextricable contradiction,
le Chrétien est perdu





Écrit par Thomas Clavel

Le 3 novembre2017
SOURCE : Boulevard Voltaire


Après avoir massacré ses prêtres, rasé ses monastères et confisqué ses biens pendant la Révolution française, les hommes des Lumières et du Progrès n’avaient toujours pas digéré que l’Église fût relevée et rebâtie. Ils rongeaient leur frein, attendaient leur heure, patiemment. Ils firent plusieurs tentatives pour donner le coup de grâce. Il y eut l’arme politique : séparation des Églises et de l’État, puis un siècle de laïcardisme acharné. Mais l’Église a tenu bon. Il y eut l’arme militaire : la Grande Guerre, qui ne fut rien d’autre, au fond, que le génocide des paysans catholiques de France – la grande saignée des campagnes et du pays réel. Mais l’Église a tenu bon. Puis il y eut l’arme économique : consumérisme, assaut des écrans, progrès des mœurs. Mais l’Église, quoique très affaiblie, a tenu bon – encore et toujours. Ses murs ont tremblé mais ils ne sont pas tombés. Il fallait donc trouver autre chose, porter l’estocade définitive, déshériter une bonne fois pour toutes la fille aînée de l’Église, souiller et étioler son blanc manteau de clochers et de chapelles.

Avec la crise des migrants, les mêmes hommes de Raison et de Progrès ont compris qu’ils tenaient enfin leur revanche. La partie devait se jouer en deux temps.

Tout d’abord, utiliser les Chrétiens – notamment ceux du milieu associatif – comme cheval de Troie du sans-frontiérisme. Manipuler les foules par de grands sentiments, et par la sidération des images au journal télévisé. Encourager la solidarité des humbles des villages et des faubourgs. Culpabiliser les âmes charitables, du sud de l’Italie au nord de la France, de Lampedusa à Calais. Mais les bonnes âmes sont aussi pleines de bon sens : quelque chose cloche, se disent-elles, avant de rentrer dans le rang et de tenter de retrouver le chemin de leur impossible vertu, en écoutant, désarmées, les recommandations du pape François.

Alors, une fois tombés les murs de la vieille Europe et matraquée l’injonction de solidarité, la seconde étape du grand projet pouvait commencer. Couper les têtes des Chrétiens en 1792 s’étant révélé contre-productif, il s’agissait de porter l’attaque ailleurs. En somme, à leur seul talon d’Achille : le cœur ! Quelle vertu les Chrétiens placent-ils au sommet de la hiérarchie théologale ? Celle que saint Paul apôtre, dans l’épître aux Corinthiens, met au-dessus des deux autres que sont la foi et l’espérance : la charité, par laquelle on aime Dieu par-dessus toute chose pour lui-même, et son prochain comme soi-même pour l’amour de Dieu.

Partant, comment anéantir l’essence du christianisme ? En rendant caduque et impraticable cette vertu suprême, tout simplement. Idée lumineuse, trouvaille génialement diabolique ! Agressé moralement à chaque coin de rue, à chaque information entendue ici ou là – par une mendicité culpabilisante, une pauvreté exhibée, des déplacements de populations programmés -, le croyant ne peut plus mettre en œuvre sa charité. Le Bon Samaritain ne saurait relever mille hommes à lui seul. Parce qu’il lui est impossible d’être le prochain d’un continent en marche, le Chrétien paniqué sent sa vertu se dissoudre et sa foi s’abîmer. Telle est cette idée simple et lumineuse, comme le flambeau de Lucifer : faire croire aux hommes de foi qu’ils sont mauvais car ils n’arrivent plus à mettre leur religion en pratique.

Placé devant une inextricable contradiction, le Chrétien est perdu. Sa charité lui semble lourde, faillible et fautive. On le charge d’une morale impossible qui le fait ployer sous son poids. Comble de l’ironie satanique, le Chrétien est sommé par des non-Chrétiens d’être moralement impeccable ; puis – parce que cette vertu fallacieuse est irréalisable – ces derniers le blâment et l’accusent. Il est coupable. Alors, les hommes de Raison et de Progrès lancent leur offensive finale. « Tu es incapable d’aimer la terre entière, méchant Chrétien ! Tourne donc les talons des autels. Déleste-toi du pesant fardeau de cette charité dont tu es indigne. Il te restera toujours la consommation de masse. Même le dimanche, même le jour du Seigneur, nos temples à nous te seront ouverts ! Ils sont bien plus accueillants, terriblement moins exigeants. Moins farouches, cent fois, et mille fois plus doux ! »

Cette fois-ci, l’Église résistera-t-elle à cette nouvelle attaque, plus perfide encore – à ce génocide spirituel, en plein cœur ?

Quand on ouvre un centre commercial on ferme une église.

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