mercredi 29 novembre 2017

Gotti Tedeschi sur la Correction Filiale




Rédigé par : Lorenza Formicola

SOURCE : One Peter Five
Le 28 novembre 2017


Note de la rédaction : Voici une interview réalisée par la journaliste Italienne Lorenza Formicola avec Ettore Gotti Tedeschi. En tant qu'ancien chef de la Banque du Vatican, Tedeschi est l'un des signataires les plus connus de la récente Correction Filiale du Pape François.


Lorenza Formicola : Cela fait quelques mois que la « Correction Filiale » a été publiée et la confusion demeure. Quelle est cette lettre signée par 62 personnes et remise en août au Pape François ?

Ettore Gotti Tedeschi : C'est simplement le résultat naturel de tous les dubia. Elle a été soumise au Saint-Père comme un plaidoyer filial et pieux par des laïcs fidèles à la fois au Pape et au Magistère de l'Église mais qui, en même temps, s'inquiètent pour ces âmes qui ont besoin de certitudes doctrinales. Il y a beaucoup de fidèles et de prêtres — qui n'ont rien à voir avec la caricature qui les dépeint comme des Traditionalistes Pharisiens et sinistres — qui luttent pour faire face à la confusion qui vient des interprétations équivoques et multiples. Tout le monde ne possède pas la capacité de discernement nécessaire. Tout le monde n'a pas une conscience suffisamment formée et beaucoup se trouvent conseillés par des prêtres confus et confondants. Peut-être que ces prêtres sont aussi créatifs dans leur désir d'interpréter l'Évangile et les vérités éternelles d'une manière évolutionniste, pensant que c'est la bonne façon de le faire selon la volonté du Saint-Père.

Formicola : Vous êtes l'un des signataires les plus connus. Pourquoi vouliez-vous signer ?

Tedeschi : Parce que mon sens des responsabilités l'exigeait. Mon amour pour le Vicaire du Christ l'exigeait. Ma conscience de ce que devrait être la mission de l'Église l'exigeait aussi ainsi que mon témoignage — en tant que laïc — de l'applicabilité au monde moderne des Cinq Plaies de la Sainte Église ( par Rosmini ) et de la perception du besoin de valeurs fortes, claires et absolues parmi les gens, à tous les niveaux, dans toutes les conditions et à tous âges. La compréhension de ce qui se passe dans le monde l'exigeait aussi.

C'est une appréciation de la question que j'ai eu le privilège d'apprendre et de partager avec le Cardinal Ratzinger, qui sera plus tard Benoît XVI — une vision que j'ai partagée avec d'autres saints hommes tels que le Cardinal Caffarra et le Cardinal Sarah. Je ne laisse pas les stratégies illusoires me confondre — ni celles fondées sur une réalité supérieure aux idées, ni celles d'une politique de conversion différente à imposer après avoir attiré le monde vers le Catholicisme en ouvrant un dialogue. J'ai de forts doutes sur la possibilité d'une communication facile avec le « monde guidé par la gnose ». Qui est capable de faire cela ?

Formicola : Pendant longtemps, on a parlé d'« hérésie ». Mais en lisant la lettre de 25 pages, il ne semble pas que quelqu'un accuse le Pape d'hérésie. Ou bien est-ce que je me trompe ?

Tedeschi : Sur la page 13, il est possible de lire une note spécifique qui déclare le but de la lettre.

Si le Pape voulait comprendre qui sont les vrais ennemis dangereux de l'Église, il suffirait de lire quelques-unes des réactions à la lettre — des réactions écrites par des gens qui ne l'ont probablement même pas lue, et s'ils la lisent, ils n’ont pas voulu la comprendre. Une telle attitude en dit long sur la valeur de certains « interprètes » non officiels.

Formicola : Le Vatican n'a toujours pas répondu. Au contraire, en traitant de sa propre maison, il a élevé un mur ...

Tedeschi : Parfois, les non-réponses sont des réponses claires. Clairement, quelqu'un pense qu'il est bon d'avoir des doutes, de les fomenter, de les créer et de les propager. N'est-ce pas le moyen de préparer le terrain à la proposition de nouvelles certitudes ?

Formicola : Un an après la publication des dubia, le Cardinal Burke a récemment parlé d'une « confusion croissante au sujet des manières d'interpréter l'Exhortation Apostolique ». De votre point de vue, pourquoi un tel climat de désordre subsiste-t-il ? Même après que le Pape ait demandé à tout le monde d’« en parler avec un grand théologien, l'un des meilleurs aujourd'hui et un des plus matures, le Cardinal Schönborn » ?

Tedeschi : Je peux dire que je partage l'opinion du Cardinal Burke par expérience directe, pas en lisant à ce sujet dans les journaux. Je ne peux rien dire sur le Cardinal Schönborn. Je ne suis pas capable d'interpréter ses pensées.

Formicola : On dirait presque que les médias ont hâte de vous pilonner de nouveau. Pouvez-vous expliquer pourquoi votre signature a été vue — et est toujours vue — comme une « coïncidence ironique » ?


Tedeschi : D'autres choses se sont passées après ma signature et après l'attaque médiatique, qui a presque considéré mon nom comme étant le promoteur de la Correction. Un très bon Évêque, avec qui une conférence avait déjà été prévue depuis deux mois, a annulé la rencontre à cause de son caractère inapproprié ; un autre Évêque a immédiatement « découragé » ( et annulé ) une autre conférence déjà prévue dans ses diocèses ; et un troisième Évêque a demandé aux organisateurs d'une table ronde de la reporter à cause de ma présence. J'ai également reçu une Correction publique ( qui m'a beaucoup blessé ) par un autre prélat, qui ne me connaît pas, qui ne connaît pas les faits et les circonstances et qui ne s'en est jamais soucié.

D'un autre côté, j'ai reçu de multiples expressions d'estime, de consensus et de sympathie, non seulement dans la communauté Catholique, mais aussi dans un environnement plus laïc ( et c'est vraiment remarquable ). Il y a même des gens qui s'inquiètent de l'effondrement de l'éducation Catholique fondée sur les valeurs de l'Évangile dont ils ont bénéficié et ils craignent que cela ne disparaisse. ...

N'oubliez jamais que les valeurs des traditions Chrétiennes ne sont pas vécues, mais elles sont grandement appréciées si elles sont vécues par les gens qui nous entourent. Rappelez-vous toujours que Voltaire a prétendu qu'il voulait que son serviteur, son médecin et sa femme soient Catholiques pour éviter d'être volés, tués et trompés. Et encore là, il méprisait la religion Catholique.

Formicola : Un fils qui demande des explications à son père peut-il attendre le soutien de ses frères et soeurs ? Ou mérite-t-il le dédain ?

Tedeschi : Ça a été pire pour Abel ...

Formicola : Il y a un an, vous écriviez : « Après une méditation sur l'Exhortation du Pape François, Amoris Laetitia, je me demande si ce document n'est pas fondé sur la certitude que la civilisation Chrétienne a fini de s'effondrer. Si cela est vrai, cela explique pourquoi l'Exhortation suggère indirectement que les lois morales et les Sacrements devraient être adaptés à la réalité pratique selon les différentes cultures et non selon les idéaux autoritaires auxquels nous étions habitués ». Pensez-vous que cela reste vrai ?


Tedeschi : Je ne crois pas que ce soit encore vrai — je crois que ça « doit » être vrai. Parce que maintenant tout cela doit être imposé puisque ce n'est pas accepté par ceux à qui ça a été adressé.

Tout au long de cette année, j'ai davantage perçu un refus du relativisme doctrinal que le souhait de s'ouvrir à la modernité. Les personnes ayant une bonne conscience ont compris la grandeur du risque. Tous les Sacrements finissent par s'effondrer si nous commençons à questionner le Sacrement de Mariage ( non pas en le niant, mais en le relativisant ) et, par conséquent, celui de la Pénitence et surtout celui de l'Eucharistie.

Ici, il y a une contradiction claire entre Lumen Fidei et Amoris Laetitia, et je vous la confierai. Le Pape Benoît a terminé Caritas in Veritate en expliquant essentiellement que pour résoudre les problèmes du monde, c'est le cœur des hommes qui doit être changé ( pas les instruments ) ; dans Lumen Fidei ( signé par le Pape François ), on dit que changer le cœur des hommes est un devoir de l'Église, qui a trois instruments pour réussir : la prière, le Magistère et les Sacrements. Pour voir si l'Église s'occupe de sa mission, il suffit de voir si elle accomplit ces trois actions et comment elle le fait. Surtout, il suffit de voir si l'Église renforce ou affaiblit la valeur absolue des Sacrements voulus par le Christ Lui-Même.

Formicola : Le professeur Josef Seifert a récemment affirmé qu'Amoris Laetitia est vraiment une « bombe atomique théologique qui menace d'abattre tout l'édifice moral des Dix Commandements et de l'enseignement moral Catholique ». Seriez-vous d'accord avec cette déclaration ?

Tedeschi : Je réponds en disant que cela « pourrait être » et que cela pourrait miner trois Sacrements, et tous en conséquence. Nous espérons, cependant, une intervention par le Pape François pour empêcher tout cela — peut-être en répondant aux dubia, même indirectement.

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