dimanche 5 février 2017

Le chaos dans l'Église Allemande
dans le sillage des nouvelles orientations pastorales




Rédigé par : Maike Hickson

SOURCE : One Peter Five
Le 3 février 2017


Juste deux jours après la publication officielle des nouvelles directives pastorales concernant le mariage, il semble y avoir en Allemagne un accroissement du désordre. Des voix contradictoires, confuses et alarmées sont maintenant entendues de tous les coins du pays. Mais, avant tout, le document lui-même s'avère être plus insidieusement dangereux que ce qui semblait être le cas à première vue. Nous venons même à nous demander dans quelle mesure les laïcs eux-mêmes auront maintenant juridiction dans l'Église Catholique.

Comme nous l'avons signalé il y a deux jours, les lignes directrices Allemandes concernant les divorcés « remariés » semblaient d'abord moins libérales que les lignes directrices Maltaises — dont le docteur Edward Peters (l'avocat en droit canon) a qualifié de « désastre Maltais ». Cependant, dans le même temps, comme je l'ai également dit, les Allemands se sont rapprochés de la norme Maltaise. C'est-à-dire l'expression Allemande selon laquelle « la décision [des divorcés] de recevoir les Sacrements doit être respectée » se rapproche de la déclaration Maltaise selon laquelle les « remariés » peuvent communier s'ils se sentent « en paix avec Dieu ». Dans les deux cas, la conscience subjective et plus sentimentale est soulignée et lui est donnée un poids beaucoup plus décisif.

Par exemple, voici ce que l'Archevêque Heiner Koch de Berlin vient de dire au sujet de la conscience : « Nous [les Évêques Allemands] écrivons que — dans des cas individuels justifiés et après un processus plus long — il peut y avoir une décision de conscience du côté des fidèles de recevoir les Sacrements, une décision qui doit être respectée ». Lorsqu'on lui a demandé pourquoi les Évêques Allemands — contrairement à d'autres lignes directrices plus prudentes et épiscopales — « choisissaient aujourd'hui la plus grande ouverture dans le monde [ concernant les divorcés « remariés » ] qui fait de la conscience personnelle la norme », Koch répond spontanément : « Parce que nous sommes fermement convaincus que telle est l'intention — selon la parole aussi bien que dans l'esprit — que le Pape François lui-même désire et endosse et nous la préconisons ainsi avec lui. » [mon soulignement]

Ainsi, il est déjà clair que les lignes pastorales Allemandes sont de plus en plus troublantes en raison de l'accent qui doit être mis sur la conscience individuelle — si ce n’est sur une conscience subjective encore non formée.

Ce que nous avons, en effet, un peu négligé jusqu'à présent, c'est que les Évêques Allemands ne parlent plus désormais explicitement de l'emploi des prêtres ordonnés relativement à ce « chemin du discernement » qui devrait maintenant être volontairement entrepris par les « remariés » eux-mêmes.

Par exemple, dans l'ensemble des directives pastorales, seuls les mots « pastoral » et « guide pastoral » (sans autre définition) sont utilisés ; les mots « pasteur » ou « prêtre » ne se trouvent nulle part. Les graves conséquences de ce phénomène linguistique sont à l’effet que, au moins en Allemagne, les laïcs (femmes et hommes) peuvent officiellement « accompagner » les « remariés » dans leur discernement quant à savoir s'ils ont ou non accès aux Sacrements. Cette question vient d'être portée à mon attention par une interview qui a été publiée hier par le site internet des Évêques Allemands, Katholisch.de. Dans cette interview, Ute Eberl, une laïque travaillant dans le domaine de la pastorale du diocèse de Berlin, commente les nouvelles directives pastorales Allemandes et exalte explicitement le fait que la personne accompagnatrice peut aussi être un profane. Eberl explique :

« Tout d'abord, je suis contente. Je pense qu'il est vraiment merveilleux que les Évêques aient inséré la note de bas de page « personnes remariées » dans le texte principal et aient dit : la décision de la conscience doit être respectée. J'espère que les controverses auront une fin. Le conseil pour entrer en contact avec un guide pastoral est excellent. En plus du prêtre, cela peut d'abord aussi être une personne à qui l'on est proche, qui accompagne quelqu'un dans sa séparation, mais qui se réjouit aussi de sa nouvelle relation. La lettre épiscopale [i.e. les nouvelles lignes directrices] n'est donc pas un moyen de restreindre les gens à un nouvel ordre de normes et de conduites, mais donne une grande liberté ». [mon soulignement]

Après avoir lu toute cette interview, je me suis adressée au Bureau de Presse de la Conférence Épiscopale Allemande pour demander des éclaircissements sur la personne qui accompagnera officiellement les « remariés ». Je cite également le passage suivant des nouvelles lignes directrices Allemandes : « Amoris Laetitia parle d'un processus pour aboutir à une décision [pour la réception du Sacrement de Pénitence et de l'Eucharistie] qui est accompagné par un guide pastoral. » [mon soulignement] À la question de savoir si cela signifie peut aussi être une personne autre qu'un prêtre qui accompagne avec autorité les divorcés « remariés », j'ai reçu aujourd'hui la réponse suivante du Dr. Michael Feil au nom de la Conférence Épiscopale Allemande — et voici tout le texte d'explication que j'ai reçu :

« Pour une définition plus précise de l'expression « guide pastoral » dans ce contexte, on peut voir le ch. 519 CIC [Code de droit canonique de l'Église Catholique — lien fourni par moi ]. En voici le descriptif :

« Le curé est le pasteur propre de la paroisse qui lui est remise en exerçant, sous l'autorité de l'Évêque diocésain dont il a été appelé à partager le ministère du Christ, la charge pastorale de la communauté qui lui est confiée, afin d'accomplir pour cette communauté les fonctions d'enseigner, de sanctifier et de gouverner avec la collaboration éventuelle d'autres prêtres ou de diacres, et avec l'aide apportée par des laïcs, selon le droit ». [mon soulignement]

Jusqu'à présent, je n'ai pas entendu parler du Dr Feil à nouveau, c'est-à-dire après que je lui ai réécrit une deuxième fois, lui demandant une confirmation si cela signifie maintenant effectivement que les laïcs peuvent également accompagner les « remariés » dans leur discernement quant à savoir s’ils peuvent recevoir les Sacrements ; et, autre question, si les Évêques Allemands disent maintenant que le prêtre local doit respecter dans tous les cas la décision de conscience de la personne « remariée » à l'égard de la réception de la Sainte Communion.

En outre, une autre question demeure encore quelque peu floue, à savoir : qu'est-ce que cela signifie en ce qui concerne la réception du Sacrement de Pénitence ? Y a-t-il donc un profane qui conseille une personne « remariée » et qui participe ainsi à la décision de savoir si cette autre personne peut maintenant aussi recevoir l'absolution au confessionnal ? Dans quelle mesure les laïcs auront-ils maintenant compétence dans l'Église ? Après tout, les Évêques Allemands parlent de « guide pastoral » en général lorsqu'ils mentionnent explicitement l'accès autorisé au Sacrement de Pénitence et au Sacrement de l'Eucharistie.

Le Dr Peters lui-même a soulevé hier dans son propre commentaire sur les lignes directrices Allemandes une question similaire et connexe, à savoir :

« D'ailleurs, d'autres passages dans les documents Allemands impliquent que la Confession pourrait aussi être recherchée dans ces cas [ des divorcés et « remariés » ], mais sans, semble-t-il, exiger des pénitents « un ferme propos de s’amender » ( même en ce qui concerne l'activité sexuelle volontaire avec un non-époux ). Comme je l'ai noté dans HPR [ site Homelic and Pastoral Review ] il y a quelques années, cette approche expose la célébration de la Pénitence à un risque de sacrilège et son ministre à une charge de sollicitation dans la confession.

Ici Peters souligne le danger que les prêtres soient poussés — en référence à la conscience subjective de la personne « remariée » — à donner l'absolution à un adultère impénitent, ce qui met sa propre prêtrise en danger — selon le droit canonique ! Une étude approfondie de l'analyse du canon 1387 canon 1387 a été faite par Dr Peters en 2011 qui dit qu'un prêtre qui « sollicite un pénitent à violer le Sixième Commandement du Décalogue » dans ou autour du confessionnal, doit être puni. Cette sollicitation, selon Peters, peut aussi signifier qu'un prêtre pourrait séduire et encourager indûment un pénitent à violer le Sixième Commandement avec n'importe quel autre tiers et pas seulement avec lui-même. Nous avons récemment — après avoir reçu nous-mêmes une référence à cette question d'un autre avocat conseil en droit canon — souligné cette situation dangereusement en développement à l'égard d'Amoris Laetitia, plus précisément.

Si ce même problème sacramentel en lui-même — tel qu'il est aujourd'hui causé par les Évêques Allemands — n'est pas déjà assez confus, les réactions aux nouvelles orientations pastorales Allemandes le sont encore plus. Par exemple, aujourd'hui, le site Web des Évêques Allemands, Katholisch.de, a publié une interview avec l'Évêque Allemand Konrad Zdarsa du diocèse d'Augsbourg. Cet Évêque est confus sans équivoque et ouvertement et il ne peut même pas répondre clairement publiquement à la question de savoir si les divorcés « remariés » peuvent maintenant recevoir la Sainte Communion en Allemagne. Il insiste pour que l'on puisse même avoir besoin d'une clarification supplémentaire de ce document Allemand ! « Nous voici de nouveau dans le besoin que quelqu'un d'autre vienne et interprète pour nous le document [épiscopal Allemand] » [mon soulignement] dit lui-même l'Évêque, après qu’on lui eut demandé spécifiquement sur la question des divorcés « remariés » et si « tout le monde peut maintenant faire les choses qu'il veut ».

Zdarsa voit d'ailleurs qu'il y a encore plus que jamais besoin d'une « pastorale attentive » pour ceux qui ont des problèmes conjugaux. Il voit que « nous [les Évêques] avons maintenant donné une telle responsabilité immense [aux pasteurs locaux] que ce n’est pas tout le monde qui peut l’assumer et la supporter dans la même mesure ». Le prélat Allemand pose alors une question perçante : « Si un pasteur n’a même pas le temps de préparer minutieusement la jeunesse et les futurs couples mariés, « combien moins de temps, de force et de patience » ce même prêtre aura-t-il pour entrer dans ce processus de discernement souhaité tant approfondi comme le Pape le demande maintenant ? » Dans ce contexte, Mgr Zdarsa craint qu'il n'y ait des « décisions prématurées » (« Schnellschüsse »), « ou qu'il y aura d'autres causes [graves] de conflit qui ne peuvent pas encore être adéquatement prévues ». [mon soulignement]

Zdarsa met aussi en question la question de savoir si, en général, les divorcés Allemands « remariés » vont même demander conseil aux prêtres dans la mesure où « la fréquentation du confessionnal est ici parmi nous pas si élevée ». En ce qui concerne la conscience individuelle, l'Évêque Zdarsa, avec un regard douloureux au visage, dit qu'il faut d'abord commencer par « la formation de la conscience » ; et il admet ensuite qu’en Allemagne, beaucoup a été négligé à cet égard. « Nous discutons à peine de cette question de la formation de la conscience » ajoute l'Évêque. Après avoir souligné l'importance d'orienter la vie humaine selon les Lois de Dieu, cet Évêque — qui a grandi lui-même en Allemagne de l'Est Communiste et qui a souffert sous le Communisme — répond à la question rhétorique : « Alors, ça restera difficile ? Avec le cœur lourd, il répond: « Oui ». C’est presque palpable combien ce prélat assailli souffre sous la confusion actuelle et le désordre.

Cependant, l'Évêque Zdarsa n'est pas le seul ecclésiastique qui exprime sincèrement ses réserves au sujet des directives pastorales nouvellement promulguées (qui n'ont pas été approuvées individuellement par tous les Évêques Allemands, mais uniquement par le Conseil Général de la Conférence Épiscopale Allemande sur lequel siègent les délégués choisis de tous les diocèses Allemands, un par diocèse). Par exemple, le journal progressiste Allemand Der Spiegel a publié aujourd'hui un article intitulé : « Les prêtres conservateurs rejettent l'initiative de la Conférence Épiscopale Allemande ». L'article rapporte les faits ainsi :

« Les représentants du Réseau des prêtres Catholiques (« Netzwerk katholischer Priester »), de l'Opus Dei Allemand, les légionnaires du Christ et d'autres groupes Orthodoxes parlent maintenant de « schismes dans les paroisses » et d'un « obscurcissement du Sacrement de Mariage. »

Il est également important de noter dans ce contexte qu'un avocat Allemand en droit canon, le Père Gero P. Weishaupt, vient de publier aujourd'hui un commentaire sur le Facebook de Mathias von Gersdorff, décrivant l'augmentation du chaos en Allemagne : « Le chaos règne maintenant, plus spécialement chez les Évêques. Le Cardinal de Cologne [Cardinal Rainer Maria Woelki] a déclaré hier [...] qu'il n'exclut pas un schisme. Le Pape ne sera pas en mesure d'éviter d'avoir à clarifier la question. »

Il est également utile d'examiner ici les commentaires publiés par le commentateur Catholique Allemand Mathias von Gersdorff lui-même. Il rapporte un article du 2 février publié par le célèbre journal Allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ), qui prétend même — en ce qui concerne les nouvelles règles pour les divorcés « remariés » — que « toutes les autres Conférences Épiscopales dans le monde devront maintenant se demander avec quels arguments ils vont maintenant nier leur loyauté au Pape dans cette question ». [mon soulignement] Von Gersdorff commente cette citation subtile avec les mots suivants assez gaiement : « Ce sont de nouveaux temps : de tous les gens, les Évêques Allemands sont maintenant le nouveau modèle de fidélité papale ! » [mon soulignement]

Comme le dit aussi von Gersdorff, la FAZ Allemande décrit et présente ces trois Évêques, Walter Kasper, Karl Lehmann et Oskar Saier — qui, d'abord en 1993, ont fortement poussé leurs propres diocèses à permettre la Communion Sacramentelle pour les « remariés » — être des victimes vaillantes qui ont finalement été justifiées.

« Au cours de l'année écoulée, avec son document Amoris Laetitia, le Pape François embrasse maintenant les idées de ces trois Évêques [qui ont précédemment été dissidents] », souligne la FAZ. Avec ces mots, von Gersdorff commente alors ironiquement : « Après une longue période de souffrance — près de 25 ans — ce qui suit devient évident : les vrais partisans loyaux du Pape sont les Allemands, après tout ! Dès le décès du Cardinal Kasper, Daniel Deckers [le journaliste de la FAZ] proposera très probablement sa canonisation.

Le monde semble assez souvent maintenant avoir culbuté. Les premiers dissidents sont maintenant les papistes loyaux et les Catholiques orthodoxes sont les nouveaux réfractaires et dissidents récalcitrants.

Le chaos en Allemagne est maintenant incontestablement en augmentation — comme c'est également le cas aujourd'hui dans la plus grande Église.

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