mercredi 30 mars 2016

La lutte pour l'âme de l'Allemagne
Les voix d'opposition



par : Maike Hickson
SOURCE : One Peter Five

L'Église Allemande est dans un état désastreux. Menacée par l'apostasie et l'hérésie en pleine croissance dans ses propres rangs, les Catholiques Orthodoxes à travers le monde regardent avec un œil attentif la nation qui nous a donné Martin Luther et la « Réforme » Protestante. Le titre original du livre classique du Père Ralph Wiltgen portant sur la révolution ecclésiastique qui a eu lieu au Concile Vatican II nous indique d’où venaient les principales influences : « Le Rhin se jette dans le Tibre ».

Au 21e siècle, les Catholiques remarquent encore une fois les rôles prédominants joués par les Prélats Allemands controversés comme les Cardinaux Kasper et Marx — à la demande de pas moins de la personne du Pape François — au récent Synode sur la famille.

Au 21e siècle, les Catholiques remarquent encore une fois les rôles prédominants joués par les Prélats Allemands controversés comme les Cardinaux Kasper et Marx — à la demande de pas moins de la personne du Pape François — au récent Synode sur la famille.

Et pourtant, ce serait une fausse compréhension de croire que l'Église Allemande est homogène dans ses vues. Le Cardinal Walter Brandmüller a dit l’an dernier que toute personne qui souhaite changer l'enseignement de l'Église sur le mariage — « même si elle porte la pourpre romaine » — est un hérétique. Le célèbre professeur allemand Robert Spaemann a décrit la direction du Pape François comme « chaotique » et « irritante ». La revue allemande laïque Cicero a publié un rapport musclé du vaticaniste à Rome, Guiseppe Rusconi, décrivant les nombreux points de critique contre le Pape François circulant dans la Curie. En outre, la revue allemande FOCUS a récemment publié une lettre ouverte au Pape François — écrit par un ancien membre de haut rang de la Curie romaine — qui comprend une réprimande fraternelle des manières autoritaires du Pontife dans ses relations avec l'opposition ainsi que son dédain pour les traditions de l'Église.

Dans ce qui suit, je voudrais vous présenter trois voix supplémentaires de cette critique — celle d'un prêtre et de deux journalistes — en provenance de l'Allemagne, ma patrie bien-aimée. Je vais le faire en traduisant leurs grandes sections des textes sans ajouter de commentaire supplémentaire. De cette façon, j’espère que ces auteurs pourront parler d’eux-mêmes.

La première des trois sources est un prêtre remarquable : le Prélat Heinrich Wachter de Ratisbonne. Il connaît le Pape Benoît XVI depuis de nombreuses années et il a eu de nombreuses réunions privées avec lui. Il habite tout près et est personnellement proche du frère de Benoît XVI, le Père Georg Ratzinger. Il connaît aussi très bien le Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le Cardinal Gerhard Ludwig Müller, qui était autrefois l'Évêque de Ratisbonne. Le Père Wachter est un homme franc qui, quand il a appris la démission du Pape Benoît XVI, a déclaré publiquement : « On pourrait pleurer. Maintenant, tous ceux qui, depuis si longtemps ne lui voulaient pas de bien, ont gagné ! » À ses yeux, ce sont les diverses intrigues contre Benoît qui a conduit à sa démission.

Le 14 Janvier, 2016, le Père Wachter prit la parole contre François :

Question : Père Wachter, qu’est-ce qui fait la plus grande différence entre le Pape Benoît XVI et le Pape François ?

Wachter : Il existe de fortes différences. De manière générale, on peut dire que François agit différemment sous chaque aspect. Ceci n’est certainement pas son intention — on n’a pas à interpréter cela contre lui — mais dans beaucoup de choses, la façon dont il agit abrutit son prédécesseur. En ce qui concerne certains modes de conduite, il se positionne fondamentalement de façon différente de notre Benoît. Mais, par rapport à lui, François n’est pas du tout informé théologiquement. Il parle incroyablement beaucoup mais fait à peine une déclaration claire. Même le Cardinal [Joachim] Meisner a dit de lui que ses déclarations sont toujours très problématiques.

Question : D'où vient ceci ?

Wachter : François décide spontanément selon ses sentiments — et alors les gens qui réclament toujours des changements dans l'Église Catholique interprètent ses déclarations d'une manière favorable à leurs propres idées. Cela s’est beaucoup aggravé.

Question : Quel en sont les effets dans l'Église ?

Wachter : le Cardinal Brandmuller a déjà accusé son collègue, le Cardinal [Walter] Kasper, d'hérésie. Cela seulement dit déjà tout. Beaucoup de gens en Allemagne ont ce sentiment : enfin, quelque chose est en train de changer, par exemple, à l'égard des divorcés remariés.

Question : À vos yeux, y-a-t-il maintenant des lignes claires ?

Wachter : Absolument pas ! C’était déjà douteux pourquoi on a réalisé un questionnaire avant le Synode [sur la famille]. Comme si tout le monde entier ne savait pas quelle était l'attitude des gens en ce qui concerne ces questions. Pour cela, on n'a pas besoin d'un questionnaire ! Après tout, les Évêques étaient déjà en contact avec leurs gens.

Question : Est-ce du populisme ?

Wachter : Oui, voilà comment je le vois. Mais cela a conduit Rome à avoir un dialogue avec les Évêques. Mais, tranquillement, c’est parti en fumée. Ça a complètement échoué parce que ça n'a pas apporté ce qui était désiré par ceux qui veulent les changements. Cela a continué avec les deux synodes : deux fois, on n'a pas trouvé d’accord.

Question : Et maintenant, le Pape doit tirer une conclusion ?

Wachter : Oui, mais il la retarde ! Voilà le côté dangereux en lui qu’à la fin il ne prenne pas de décision. Même si c’est bien salué qu’il remette tout en question et qu’il parle de tout et, de là, qu’il soit très populaire, il laisse ouvert à trop de possibilités d'interprétation.

Question : En ce qui concerne Benoît, les gens ont dit qu’il s’est retiré parce qu’il avait échoué avec la Curie. François place ici deux pôles : d'une part, le nouveau Conseil des Cardinaux — dont le Cardinal [Reinhard] Marx de Munich est membre — d'autre part, le Cardinal [Gerhard] Müller qui devient sa contrepartie. Est-ce une compétition ?

Wachter : Ça a toujours existé. Lorsque Müller était Évêque de Ratisbonne, Marx était déjà son adversaire. Mais, on n’est pas sûr de quel côté penche le Pape vraiment. Il était en effet étrange que François ait invité le Cardinal [Walter] Kasper à nouveau pour une discussion. Et le Cardinal Marx est heureux avec la décentralisation de l'Église qui est en voie de venir de François. Il attire les Évêques du monde avec plus d'indépendance et, partant, il évite lui-même de prendre des décisions.

Question : Quelles décisions seraient-ce ?

Wachter : Il devrait dire quelle est vraiment sa position en ce qui concerne les divorcés remariés, les mariages gay et tous ces problèmes. Le grand risque avec lui, c’est que tout le monde l'instrumentalise à ses propres fins. Un exemple tout juste récent est l’oecuménisme. Le voilà parti à visiter la communauté Évangélique à Rome et il leur donne un calice comme cadeau. Mais c’est quoi le rapport ? Que doivent-ils faire avec un calice ? Bien sûr, Mme [Margot] Kässmann [l’ancienne Évêque Évangélique d'Allemagne] a interprété cela [cadeau] comme si [François] est en faveur de l'intercommunion. D'une manière négligente, il permet qu’en conséquence, par exemple, le Comité Central des Catholiques Allemands [ZdK, organisation laïque allemande] s’approprie de telles choses. C'est aussi le mal avec lequel nous avons à traiter. [...]

Question : Est-ce que l’influence de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi diminue sous [le Cardinal] Gerhard Ludwig [Müller] ?

Wachter : Une situation dangereuse s’est développée en raison du fait que certaines parties de l'épiscopat croient que François ne se tient pas derrière lui. Le Pape a limité toutes les positions [dans la Curie] à cinq ans et il faut craindre que Müller n’est dans sa fonction que pour encore trois ans. Et pourtant, il est le Préfet de la Foi dont le siège est au-dessus du Pape parce qu'il contrôle si le Pape est Catholique ou plus du tout.


La deuxième source de critique est Markus Günther, un journaliste allemand bien connu, qui écrit, parmi plusieurs journaux, dont le Frankfurter Allgemeine Zeitung. L'année dernière, il a écrit une forte critique de François. En janvier 2016, il a écrit une autre analyse du Pontificat de François, qui a été publié dans la revue allemande Catholique Vatikan Magazin :

« Le Pape Plein d’Énigmes
Celui qui croit comprendre François
se surestime — ou sous-estime Jorge Mario Bergoglio »


Souvent, il y a une forte différence entre les documents écrits et les déclarations orales du Pape François parce que, dans de rares cas seulement, il prononce les textes des discours qui ont été préparés pour lui par les bureaux de la Curie. Mais même alors, quand on entend François dans son ton original, quand il parle sans filtres et sans retenue, on peut trouver encore et encore des façons de les interpréter différemment et parfois de façon contraire. [...] Après trois ans presque dans la Chaire de Pierre, le Pape nous donne des énigmes encore et encore. Celui qui parle ainsi doit s’attendre une forte résistance. Parce que beaucoup de personnes — prêtres, Évêques, Cardinaux, mais aussi les simples fidèles et les téléspectateurs indifférents à travers le monde — sont fortement convaincus d'avoir compris le Pape correctement et présentent bien souvent ses citations originales comme applicables à leur propre interprétation. [...]

Tout d'abord, il y a cette observation que ce Pape veut surtout être un pasteur. [...] Le Pape [cependant] est également le Chef de la Curie Romaine ; il doit constamment prendre des décisions personnelles, présenter et expliquer — puisqu’il est dans la plus haute fonction magistrale — l'enseignement de l'Église ; étant une sorte de chef de État, il doit être diplomatique ; comme célébrant de la Liturgie Romaine, il doit être un modèle et une source d'inspiration ; étant la dernière instance de l'autorité, il doit résoudre les conflits dans l'Église et veiller à la discipline des employés. Jusqu'à aujourd'hui, François n'a pas encore assumé — ou assumé seulement involontairement — un grand nombre de ces rôles. Sa forte méfiance envers la Curie est un obstacle supplémentaire qui le fait fuir encore plus dans le rôle public et pastoral qui lui assure le succès et l'affirmation. [...]

Une seconde observation : François est proche d'être un prêtre évangélique. [...] Comme tous les prêtres qui ont été formés par des influences évangéliques [dans leur culture environnante, comme en Amérique du Sud], François doit faire face au défi de présenter les éléments uniques Catholiques et d'expliquer leur valeur particulière ; tout ce qui est évangélique court toujours le danger de chercher une relation avec Dieu en dehors de l'Église fondée par le Christ, comme si le salut avait la forme d'une course privée individuelle ; et tout ce qui est évangélique se trouve dans une relation de tension avec les sacrements qui, après tout, ne peuvent pas être compris d'une manière Catholique. François ne réussit pas toujours à faire l'équilibre entre une approche évangélique et une autre nettement Catholique. D'ailleurs à part de la [le sacrement de] Confession, il parle à peine des Sacrements et il semble manquer — surtout en ce qui concerne la Sainte Eucharistie — d’un attachement passionné aux Sacrements. L'action symbolique du lavement public des pieds semble être plus proche de son cœur que le Sacrifice Sacramentel à l'autel.

Une troisième observation : François veut réformer l'Église. Ce n’est pas toujours dû à un malentendu de ses citations que l'impression est donnée qu’il veut changer la Papauté et l'Église, l'enseignement Catholique et la pastorale dans des aspects décisifs. [...] Au contraire, les intentions de réforme de l'Argentin ne sont pas une invention des médias, mais, au contraire, la réalité. Et le fait qu’il s‘élève des incertitudes et des contradictions est dû au fait que François rencontre de la résistance, c’est alors qu’il avance de façon stratégique. La forte opposition du Cardinal Raymond Burke n’est certainement pas un hasard. Encore moins accidentelle est la déresponsabilisation de Burke par François. La lettre des 13 Cardinaux qui a averti François de ne pas s’adoucir en matière de théologie du mariage n’est pas un malentendu mais reflète la perspicacité de ces Cardinaux vis-à-vis les plans de François qui planifie en effet des changements profonds. Le fait que quelqu'un comme l'Archevêque de New York, Timothy Dolan (qui, contrairement au Cardinal Burke, ne fait pas du tout partie de l'aile conservatrice de l'Église) est de ceux qui montrent que cette préoccupation va direct au coeur de l'Église. Les Cardinaux savent jusqu’à quel point François prend ses intentions de réforme au sérieux. Lors de la visite de la communauté Luthérienne de Rome, François a effectivement ouvert la question de la réception de la Sainte Communion aux conjoints d'un mariage mixte même si alors, d'une manière timide, il regarda les Cardinaux qui étaient présents, leur a souri et a ajouté : « Je ne peux pas en dire plus ». À une femme qui est dans un second mariage et qui se plaint d’un prêtre qui lui a refusé la Sainte Communion, François dit sans hésitation, en parlant avec elle au téléphone, qu'elle devrait tout simplement essayer de voir un autre prêtre.

Il y a beaucoup de côtés problématiques aux plans de réforme du Pape : il ne rend pas assez clair ce qu’il veut exactement, mais en laisse beaucoup dans l'obscurité — comme dans le cas du Synode sur la famille. C’est aussi problématique à savoir qu’on a l’impression encore et encore que le Pape n’est pas très attentif à l'enseignement Catholique et qu’il aime fermer les yeux sur les choses. Ceux qui, cependant, prennent toujours au sérieux la Doctrine et le Catéchisme, se révèlent maintenant être plus Catholiques que le Pape littéralement. Telle est la raison pour laquelle l'énorme popularité du Pape a si peu de résonance au sein de l'Église. Au contraire : souvent, le Pape et l'Église semblent maintenant être des forces opposées.




La troisième source est Julius Müller-Meiningen, un correspondant allemand à Rome qui écrit pour de nombreux journaux allemands dont le Die Zeit et le Frankfurter Allgemeine Zeitung. Même s’il démontre clairement ses sympathies envers les Progressistes de l'Église, Müller-Meiningen est un journaliste bien informé et juste ; il n'y a pas longtemps, il a écrit un bel article à propos de livre du Cardinal Robert Sarah : « Dieu ou rien ». Je vais citer ici deux de ses récents articles traitant de la récente visite de François au Mexique:



Un Pape avec des positions (Papst mit Position) ; 19 février 2016 :

[...] François n’a jamais pris des positions aussi fortes que lors de son voyage au Mexique, où il a accordé plus d'attention qu'auparavant aux faibles, aux exclus et aux oubliés. Ceci est d'une importance particulière à cause la campagne électorale des États-Unis [...] François a agi au Mexique, à quelques jets de pierre à peine des États-Unis, comme une sorte de Bernie Sanders de l'Église Catholique.

Les gestes et les paroles du Pape étaient clairement d'une orientation politique de gauche. Avec son voyage à la frontière apparemment insurmontable entre le Mexique et les U.S.A., François a appelé à un traitement plus humain des migrants. Sa critique du capitalisme et son appel à un traitement harmonieux de la nature selon le modèle de la population indigène, exprimé dans l'État du Sud-Américain du Chiapas, ont rendu à nouveau ouvertement clair où François se positionne : à l'extrême gauche du centre politique. Qu'on le veuille ou non — François prend des positions.

Jugements et jugements erronés (urteile und Fehlurteile) ; 20 février 2016 :

[...] Rarement la perception du public d'un Pontificat a été autant en contradiction avec l'essence même de ce Pontificat spécifique comme dans le cas de François. Ce Pape qui a mis au centre de sa mission la miséricorde rend des jugements sévères et, parmi ceux-ci et pas rarement, des erreurs de jugement. Mémorable dans ce contexte est son interférence avec la campagne électorale américaine. Il a dit mot pour mot qu’il n’interférait pas en politique pour ensuite se contredire dans la prochaine demi-phrase en condamnant Donald Trump — le candidat de droite populiste des Républicains : voici cette phrase « Je dis seulement que cet homme n’est pas un Chrétien ». Cette phrase bien emballée avec des clauses pour la qualifier qui sonnent doux, était de par sa nature anormalement agressive quoi que l'on puisse penser de Trump lui-même. [...]



Quelle que soit l'impression qui est laissée du Catholicisme Allemand — une partie de l'Église clairement en difficulté — ces voix opposées démontrent que tout n’est pas perdu, et que la lutte pour l'âme de l'Église en Allemagne continue.

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