mercredi 23 mars 2016

Bon diagnostic, mauvaise médecine





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par Christopher A. Ferrara
SOURCE : Fatima Network Perspectives
Le 22 mars 2016

Une interview de Benoît XVI par le Jésuite libéral Jacques Servais, publiée récemment dans Avvenire, le quotidien de la Conférence des Évêques d'Italie, a d'abord suscité des vagues d'optimisme des commentateurs Catholiques parce que Benoît a noté que, pendant des siècles, les Missionnaires Catholiques ont été poussés par la conviction que les âmes seraient perdues sans la Foi et le Baptême, puis il a admis candidement que « dans l'Église Catholique après le Concile Vatican II, cette croyance a été définitivement abandonnée ». En raison de cet « abandon », Benoît a de plus admis que l'Église a connu :

« Une crise profonde double. D'une part, ça semble enlever toute motivation pour un futur engagement missionnaire. Pourquoi devrait-on jamais essayer de convaincre les gens d'accepter la Foi Chrétienne quand ils peuvent se sauver sans elle ? Mais, même pour les Chrétiens, une question émerge : le caractère obligatoire de la Foi et de son mode de vie est devenu incertain et problématique ».


L'auteur de cet éditorial est Monsieur Christopher A. Ferrara. Monsieur Ferrara est avocat de profession. Il agissait aussi comme collaborateur principal de Feu Père Nicholas Gruner, fondateur du Centre de Fatima, Fort Érié, Canada et ayant aussi des installations à Rome. Il est chroniqueur dans plusieurs autres sites catholiques dont Le Remnant Newspaper.

« S’il y a ceux qui peuvent être sauvés par d'autres moyens, il n’est plus évident, à la fin, pourquoi le Chrétien devraient être lié par les exigences de la Foi Chrétienne et de sa morale. Mais si la Foi et le Salut ne sont plus interdépendants, la Foi ne suscite plus de motivation ».

Wow ! Mais pas wow. Les trompettes de jubilation sur ces admissions ne pouvaient cacher le son de la trombone riante alors que Benoît a ajouté immédiatement : « Ces derniers temps, il fut formulé différentes tentatives pour concilier le besoin universel de la Foi Chrétienne avec la possibilité de se sauver sans elle ».

Alors là, c’est reparti : la Foi en Christ est universellement nécessaire pour le salut, mais quelqu’un peut être sauvé sans le Baptême et la Foi en Christ. La proposition X doit donc être « réconciliée » avec la non X. Un exemple parfait de ce que certains appellent « la pensée post-conciliaire » sur ce que l'on croyait être réglé en termes de Dogme infaillible. Comme le Christ Lui-même l’a révélé : « Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé ; celui qui ne croit pas sera condamné ». Car « sans la foi, on ne peut pas plaire à Dieu ». (Hébreux 11 : 6).

Mais il n'y a pas besoin d'une conciliation de ces deux propositions inconciliables. L'Église n'a jamais enseigné qu'une seule âme solitaire peut être sauvée sans la Foi dans le Christ et le Baptême (ou de son désir comme le Concile de Trente l’enseigne). Qu'arrive-t-donc à cet ignorant invincible comme ceux vivant dans des régions éloignées qui n'ont jamais entendu parler de l'Évangile ? Nous savons ce sur quoi Pie IX a insisté dans son allocution Singulari quadam (1854) : ils sont laissés à la Merci impénétrable de Dieu et « c’est illégal d'aller plus loin dans l'enquête ».

En outre, si de telles âmes sont sauvées, personne n'a le droit de suggérer, comme Benoît le fait dans cette interview, qu'ils sont sauvés sans la Foi. Comme l'enseigne Saint Thomas, de telles âmes, si elles n’imposent aucun obstacle, pourraient recevoir un lumière intérieure qui les amène à la Foi Chrétienne et leur permet donc de se sauver. Ainsi, et même le Nouveau Catéchisme l’énonce : « Des voies connues de Dieu Lui-même peuvent conduire ceux qui, sans aucune faute de leur part, sont ignorants de l'Évangile, à la Foi sans laquelle il est impossible de Lui plaire... »

Dans une conversation avec moi sur ce sujet, mon collègue Catholique et paroissien Michael Hichborn, de l'Institut Lépante, a apporté un point crucial si évident que nous avons tendance à l'oublier: la Foi est un don et le Salut est un don. Un don doit être accepté par celui à qui il lui a été donné le choix d'accepter ou de rejeter le don qui lui est offert. Ainsi, aucune personne, pas même l'ignorant invincible, est sauvé sans accepter d'abord le don de la Foi.

Pas plus que quelqu'un peut affirmer que le Salut sans la Foi Chrétienne est « possible » car les spéculations sur la « Foi implicite » ou un autre substitut à ce que le Christ a révélé comme nécessaire pour le Salut sont ce que Pie IX interdit précisément. Pourquoi ? Parce que de telles spéculations détruisent ultimement l'adhésion au Dogme « Nulla Salus » (note : Extra ecclesiam nulla salus = « Hors de l’Église, point de Salut »), le rendant lettre morte dans la pratique. Le Dogme meurt à cause d'un millier d’« exceptions » dans le but de fournir à « l'homme contemporain » ce qu’il pense être un enseignement plus acceptable, fondé sur un rejet émotionnel de l'idée qu'un « Dieu d’amour » pourrait envoyer tant d'âmes en enfer. Et voilà exactement ce que Benoît lui-même suggère :

« Il ne fait aucun doute que sur ce point nous sommes confrontés à une profonde évolution du Dogme. Alors que les Pères et les théologiens médiévaux pouvaient encore être d'avis qu’en substance, la totalité de la race humaine était devenue Catholique et que le paganisme n’existait maintenant seulement qu’à la marge, la découverte du Nouveau Monde au début de l'ère moderne a changé cette perspective d'une manière radicale.

Dans la seconde moitié du siècle dernier, il a été entièrement accepté la compréhension que Dieu ne peut pas laisser aller à la perdition tous les non baptisés et que même un bonheur purement naturel pour eux ne représente pas de vraie réponse à la question de l'existence humaine.

Maintenant, la trombone riante devient une sirène de raid aérien car ici le premier Pape Émérite dans l'histoire de l'Église accepte allègrement l'essence même du Modernisme condamné comme tel par Saint Pie X dans Pascendi : que les Dogmes de la Foi peuvent « évoluer » en fonction de l'évolution des circonstances — une notion que Pie X a appelé un « sophisme » qui « détruit toute la religion ».

Après avoir posé un problème qui n'existe pas — comment concilier la nécessité universelle de la Foi avec la « possibilité » du Salut sans la Foi — Benoît procède à prendre en considération et juge « inacceptable » à la fois la théorie du « Chrétien anonyme » de Karl Rahner selon laquelle tous les hommes sont plus ou moins Chrétiens en vertu de leur humanité et la vue pluraliste que toutes les religions sont des voies de salut, mais des voies différentes.

Mais alors Benoît suggère que nul autre que Henri de Lubac, la « lumière » chef de file de la « nouvelle théologie » néo-moderniste, a la réponse à ce « problème » non-existant. Cela implique ce que Benoît appelle « le concept de substitution du fait d'autrui », concept selon lequel le Corps Mystique du Christ, qui est l'Église, sauverait en quelque sorte les âmes en dehors de l'Église par le fait même de son existence [de l’Église]. Mais cela est juste une autre façon de dire que les âmes peuvent être sauvées sans la Foi ce qui est impossible.

Benoît conclut son allocution en déclarant : « Il est clair que nous devons réfléchir à toute cette question ». En fait, non, il ne faut pas réfléchir. Car il ne nous a pas été donné de savoir comment les âmes sont sauvées à court d'une adhésion formelle à l'Église. Encore une fois, voilà pourquoi Pie IX a interdit ces « réflexions » inutiles : elles ne peuvent se terminer que par des « exceptions » qui feraient avaler la règle et le Dogme défini deviendrait lettre morte, comme d'ailleurs Benoît suggère qu'il est devenu depuis « la deuxième moitié du siècle dernier ».

Benoît a fait un grand bien à l'Église quand il a libéré la Messe en Latin de son faux emprisonnement, quand il a corrigé des erreurs flagrantes dans les traductions de la Nouvelle Messe en langue vernaculaire et quand il a levé les excommunications toujours controversées des Évêques de la Fraternité Saint-Pie X. Pour cela, l’Église lui doit grandement.

Mais nous ne pouvons ignorer que, sur cette question théologique et d'autres, Benoît a été entièrement engagé dans une « herméneutique de continuité » sans fin invoquée mais jamais réalisée entre les nouveautés de ces cinquante dernières années — y compris la « possibilité » de Salut sans la Foi — et l'enseignement constant de l'Église du contraire. Trop souvent le résultat a été, comme nous le voyons ici, un diagnostic correct suivi d’un mauvais médicament, menant seulement à plus de confusion dans une Église qui est déjà affligée par ce que Sœur Lucie a si justement appelé « désorientation diabolique ».

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