Par : Juan Manuel de Prada
ABC (Madrid)
Le 3 juillet 2016
SOURCE : Rorate Caeli
Nombreux sont les lecteurs qui m’écrivent, troublés, certains très secoués dans leurs croyances, d'autres dans un état d'angoisse qui arrivent à la perte de la foi, me suppliant de prendre la parole sur telle ou telle folie ecclésiastique. Pendant de nombreuses années, j’ai offert mon visage nu pour que les ennemis de la foi puissent le frapper ; jusqu'à un certain jour où leurs supposés gardiens ont commencé à frapper aussi bien (et avec une telle férocité !). À l'heure actuelle, je passe par une nuit obscure de l'âme à l'issue incertaine ; ce qui cause — et je m’en excuse énormément — que je ne peux pas traiter les demandes de mes lecteurs angoissés, car moi-même, je m’ajoute à leur propre tribulation. Cependant, je vais leur rappeler un passage de l'Écriture qu’on devrait avoir présent à l’esprit dans les moments sombres afin que l'espoir ne puisse pas mourir. Toutes ces lignes seront les dernières que je vais consacrer à cette question déchirante.
Dans l'une des visions de l'Apocalypse, on nous mentionne la Grande Prostituée avec qui « les rois de la terre se sont livrés à l'immoralité et les habitants de la terre se sont enivrés du vin de son immoralité ». Cette Grande Prostituée, c’est la religion corrompue, falsifiée, prostituée, livrée aux puissances de ce monde ; et elle est l'antithèse de cette autre femme qui apparaît dans l'Apocalypse, la Femme promise revêtue du soleil et couronnée d'étoiles qui a dû fuir dans le désert persécutée par la Bête. Si la Grande Prostituée représente la religion agenouillée devant les « rois de la terre », la Femme promise représente les fidèles et la religion martyrisée. Ces deux côtés de la religion sont parfaitement distinguables pour Dieu mais ne le sont pas toujours pour nous, les hommes, qui souvent les confondent l’un avec l'autre (parfois par naïveté, parfois par tromperie). Et ils seront pleinement distinguables au jour de la récolte lorsque le blé et l'ivraie seront séparés.
En attendant, afin d'identifier cette religion prostituée, nous devons nous guider avec les signes que le Christ nous a donnés : c’est la religion qui est devenue le sel sans saveur, c’est la religion qui maintient le silence de sorte que les pierres crient, c’est la religion qui permet « l'abomination de la désolation » falsifiant, cachant, et même persécutant la vérité. « Ils vous excluront des synagogues » a prophétisé le Christ dans un dernier avertissement aux marins ; « Quiconque vous tuera, pensera rendre un service à Dieu ». Évidemment, Il ne parlait pas de la persécution décrétée par les rois de la terre, mais à une persécution beaucoup plus terrifiante — un grand mystère de l'iniquité — menée par la Grande Prostituée.
Comment la Grande Prostituée fornique-t-elle avec les rois de la terre ? En cédant à leurs lois, en faisant de la compromission avec leur dictature idéologique, en gardant le silence au sujet de leurs aberrations, en convoitant leurs richesses et leurs honneurs, en se cramponnant aux privilèges et à tout ce qui scintille par lesquels ils la soudoient afin de l'avoir à leurs pieds : bref, en plaçant les puissances de ce monde à l'endroit qui appartient à Dieu. Et comment fait-elle pour enivrer les peuples avec le vin de son immoralité ? En falsifiant l'Évangile, le réduisant en une bouillie méprisable de bonnes actions naïves, en brouillant la Doctrine millénaire de l'Église, en courtisant les ennemis de la Foi, en déguisant comme miséricorde la soumission à l’erreur, en répandant la confusion parmi les gens les plus simples, en condamnant à l'angoisse et au désarroi les fidèles qu’elle pointe même comme des ennemis devant les masses abruties et qui seront en mesure ensuite d’être plus facilement massacrés. En fin de compte, ces fidèles seront très peu nombreux ; mais, d'autre part, ils seront très visibles, provoquant la haine de la religion prostituée qui les persécutera tout le long du chemin vers le désert. « Et vous serez haïs de tous, à cause de Mon Nom, mais celui qui persévéra jusqu'à la fin, sera sauvé ».
Pendant ce temps, Dieu tiendra ses promesses sur la permanence et l'infaillibilité de Ses Paroles : « Le Ciel et la Terre passeront, mais Mes Paroles ne passeront pas ». Et cette dernière lumière sera notre seule consolation, alors que la nuit obscure de l'âme nous accable.
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