Le présent article de notre Tribune Libre a été écrit pour nous par un prêtre diocésain nouvellement ordonné, il écrit sous le nom de plume de Monsieur l'Abbé :
SOURCE : Rorate Caeli
Une conversion
En 2008, j’étais dans ma dernière année de collège. Mes vacances du printemps ont coïncidé avec la Semaine Sainte cette année-là me donnant l'occasion idéale pour passer mes vacances à Rome. À ce moment-là, j'avais envisagé sérieusement et j’étais en discernement pour une vocation à la prêtrise depuis trois ans ; j’espérais que cette visite à Rome me servirait à approfondir ma conviction que Dieu m’appelait à Le servir en tant que prêtre.
J'ai eu la chance d'assister durant cette semaine à toutes les liturgies du Triduum sacré et j'étais dans la Basilique Saint-Pierre, le soir de la fête de la Vigile de Pâques lorsque le Pape Benoît XVI a baptisé Magdi Allam, un journaliste italien d'origine égyptienne. Allam a été élevé comme musulman mais, à un âge précoce, il a été instruit dans les écoles Catholiques. À l'âge de 20 ans, il s’est déplacé en Italie et est devenu de plus en plus critique de l'islam.
Le baptême d’Allam était un rappel des attentes que l'Europe devrait avoir pour ceux qui ont le privilège d'appeler l'Europe leur maison. Vivre en Europe signifie une acceptation et un respect de ses origines Chrétiennes et de son histoire. Vivre en Europe signifie jeter à l’arrière la pensée culturelle d'une secte religieuse forgée dans un désert de sept siècles. Pour être Européen, c’est d'accepter ce qui est toujours ancien et toujours nouveau à la fois. Toutes ces considérations étaient implicites à cette Pâques-là lorsque Allam a rejeté publiquement ses anciennes croyances et a reconnu que le Christ et Son Église comme le seul et vrai véhicule pour le salut.
Le nouveau Mandatum
Contrastez le Triduum de 2008 avec celui qui a eu lieu la semaine dernière. Cette année, la cérémonie du lavement des pieds du Jeudi Saint (connu aussi sous le nom de Mandatum) a consisté pour François à laver les pieds d'un groupe de réfugiés Catholiques et non-Catholiques. En fait, avec un timing impeccable, le Pape a lavé les pieds de trois réfugiés musulmans seulement deux jours après que plus de trente personnes furent tuées et trois cents furent blessées dans les attentats-suicides de Bruxelles, une région municipale où le nom le plus populaire pour les garçons nouveau-nés est Mohammed. [1]
Avant le Carême de cette année, le Pape a promulgué un décret modifiant la pratique du Jeudi Saint qui admettait auparavant seulement des hommes pour le Mandatum. Maintenant, le décret explique que les pasteurs peuvent « choisir un petit groupe de personnes qui sont représentatives de l'ensemble du Peuple de Dieu ». [2] Depuis qu’il s’est assis sur la chaire de Pierre en 2013, le Pape a lavé les pieds des hommes et des femmes à chaque année, Catholiques comme non-Catholiques. Ceci est en contradiction directe avec la pratique de la Dernière Cène. Le Mandatum est un rappel du Christ lavant les pieds de douze hommes qui étaient intimement liés à Notre Seigneur, qui L’ont suivi et qui crurent en Lui. Même Judas, le traître, a eu ses pieds lavés puisqu’il était encore nominalement compté à ce moment-là comme l'un des Douze.
Alors que ce nouveau décret concernant le Mandatum permet au Pape, en bonne conscience, de continuer à laver les pieds des femmes, il parvient toujours à désobéir à son propre décret en lavant les pieds de ceux qui ne croient même pas en Christ. En fait, tout en utilisant le plus libéral des termes ( « Peuple de Dieu ») pour décrire ceux qui sont admissibles au Mandatum, même le Concile de Vatican II (Lumen Gentium 9) et le Catéchisme de l'Église Catholique expliquent clairement que les Musulmans ne peuvent pas prétendre à cette appellation : « On devient membre de ce Peuple non par la naissance physique, mais par la " naissance d’en haut ", " de l’eau et de l’Esprit ", qui est, par la foi en Christ et le baptême » [3].
Pour François cependant, ces considérations ne sont pas plus que sémantiques. « Nous tous ensemble : Musulmans, Hindous, Catholiques, Coptes, Évangéliques. Mais [nous sommes] frères, enfants du même Dieu » a–t-il dit ce Jeudi Saint. [4] Il a été rapporté que « un nombre de migrants dont les pieds ont été lavés par le Pape avait les larmes qui coulaient sur leurs visages ». [ 5] On peut se demander si un tel moment d'émotion ont conduit quelques non-Catholiques qui ont eu leurs pieds lavés au cours des trois dernières années à se convertir. Probablement pas. Même s’ils convertissaient, en se fiant aux déclarations passées du Pape, on peut se demander si cela est quelque chose qu’il aurait même approuvé. [6]
Une juxtaposition radicale
Au cœur de la juxtaposition de la Veillée Pascale de 2008 et du Jeudi Saint de cette année, il y a une différence radicale entre les deux approches possibles au problème de l'Islam en Europe. En 2008, Benoît XVI personnifiait une Église qui était confiante dans son identité. Pour lui, l'Église était la seule force qui pouvait offrir une transcendance à une Europe laïque : « [L'Église] doit d'abord faire de manière décisive ce qui lui est propre, elle doit remplir la tâche sur laquelle son identité est basée : faire connaître Dieu et proclamer Son Royaume »[7]. Elle est également la seule force forte et assez confiante pour éclairer l'irrationalité de l'Islam : « L'Islam doit clarifier deux questions en ce qui concerne le dialogue public, c’est-à-dire, les questions concernant son rapport à la violence et sa relation à la raison ». [8] Malheureusement, il semble que François ne possède pas cette même sagacité intellectuelle ou perspicacité quand il en vient à comprendre les défis auxquels font face les relations de l'Église avec l'Europe et l'Islam.
Même avant son élection à la Papauté, Joseph Ratzinger avait une compréhension exceptionnelle de l'Europe et de sa relation à l'Islam. Ayant fait l’expérience de l'extrémisme du national-socialisme et du communisme en Europe au cours de sa vie, Ratzinger savait ce qui était en jeu dans la lutte pour le cœur de l'Europe. L'invasion de l'Islamisme est la prochaine bataille contre laquelle l'Europe se bat et Ratzinger a offert une perspective unique sur la façon dont la bataille pourrait être gagnée.
Pour qu'elle survive, Ratzinger a soutenu que l'Europe doit reconnaître et apprécier ses origines Chrétiennes. C’est seulement dans le Christ et Son Église que l'Europe peut trouver son identité, et si cette identité est perdue, l'Europe restera vulnérable à l'assaut d'un certain nombre d'idéologies extrémistes. L'Europe ne peut être l'Europe que si elle embrasse l'histoire de son art, son histoire, sa musique et sa culture : « Le bannissement des racines Chrétiennes ne se révèle pas comme l'expression d'une plus grande tolérance. . . mais plutôt comme l'absolutisation d'un mode de pensée et de vie qui sont radicalement opposés, entre autres, aux autres cultures historiques de l'humanité. »[9] L'Europe ne pourra être elle-même que lorsqu’elle reviendra au culte traditionnel et à la religion qui l’ont sortie des ruines de l'Empire Romain et qui l’ont nourrie tout au long des siècles. Ceci est l'une des raisons pour lesquelles, en tant que Pape, il a tant fait pour favoriser et promouvoir la célébration de la Messe Traditionnelle Latine : « Il nous incombe à tous de préserver les richesses qui ont grandi dans la foi et la prière de l'Église et de leur donner leur propre place » . [10]
Contrairement à l'immersion de Ratzinger dans la culture Européenne, Jorge Borgoglio a grandi dans l’Argentine Péroniste dans un milieu qui se considérait comme indépendant des intérêts Européens et plus civilisé que le reste de l'Amérique latine. Depuis son élection en 2013, la préférence du Pape pour le ministère des « périphéries » et les marginalisés ont laissé l'Europe comme une pensée après coup sans défense. Si nous devions examiner les trois premières années de leurs pontificats respectifs, nous remarquerions même une différence dans le ton de leurs visites pastorales. Dans ses trois premières années en tant que Pape, Benoît XVI a fait cinq visites dans les pays Européens en dehors de l'Italie (deux visites en Allemagne et une visite chacune en Pologne, en Espagne et en Autriche). Dans le même laps de temps, François a visité Strasbourg (quatre heures) et a fait des excursions distinctes en Albanie et en Bosnie (lesquelles ne sont pas membres de l'Union Européenne).
À chaque fois que François s’aventure dans les périphéries, il laisse la porte ouverte au monde occidental qui devient vulnérable aux attaques. Bien que ça ne le rend pas différent des autres dirigeants et des classes dirigeantes de l'Union Européenne, le Pape devrait savoir mieux et il devrait rappeler les apparatchiks de l'Europe à leur devoir car ils dirigent leurs peuples comme des agneaux à l'abattage au nom de la rectitude politique et du multiculturalisme. Même en 2016, les paroles et les actions du Pape ont une grande valeur symbolique et réelle dans le monde entier. Une série bien enfilées de platitudes diffusées à chaque fois que la Tour Eiffel est éclairée dans un tricolore différent ne tempérera pas l'enthousiasme avec lequel François a fait écho à la politique Européenne d'apaisement, d’accommodement et de capitulation envers les migrants Musulmans.
Moins d'une semaine après l'inauguration de François le 19 Mars, 2013, Magdi Allam a annoncé qu’il quittait l'Église pour « pour protester contre la position indulgente de l’Église contre l'Islam ». [11] Ça n'a pas été un hasard que cet acte ait coïncidé avec l'élection de François ». Le 'papolatrie' qui a enflammé l'euphorie pour François Ier et qui a rapidement relégué aux archives Benoît XVI a été la dernière goutte d’eau qui a fait déborder le vase dans un cadre général d'incertitude et de doutes sur l'Église » a-t-il écrit. [12] C’est toujours triste de voir quelqu'un, surtout un converti, abandonner l'Église, mais la fragilité de sa foi nouvellement découverte est compréhensible, particulièrement avec l'élection choquante d'un Pape qui ne sème rien d’autre que le chaos, la confusion et le désordre semé dans ses trois années en tant que Pape.
Marchant à la maison
Au moment où la Veillée Pascale a pris fin le Samedi Saint en 2008, le métro souterrain romain était fermé. Cela ne me dérangeait pas et j’étais heureux de marcher le long de la Via Aurelia à mon hôtel en cette soirée fraîche de mars. Ça m'a donné beaucoup de temps pour réfléchir à tout ce que j'avais vécu pendant la Semaine Sainte culminant avec la Veillée Pascale et la conversion d'un journaliste musulman né à la foi du Christ. Six mois plus tard, j’étais au séminaire, enthousiaste et encouragé par la Papauté de Benoît XVI, confiant que c’était encore possible pour l'Église de revivifier un monde Occidental fatigué et insipide.
Huit ans après cette Semaine Sainte et, maintenant trois ans après mon ordination, je me demande si ça aurait été aussi facile pour moi de reconnaître ma vocation à la prêtrise si ça avait été le Pape François pendant les jours de mon discernement durant mes années de jeunesse. Heureusement, ce n'est jamais quelque chose sur lequel on doit s’asseoir trop longtemps. Je suis convaincu que Dieu nous a donné le Pape Benoît XVI pour cette raison et pour tant d'autres : non seulement il a jeté une lumière de vérité, de clarté et de certitude pour beaucoup de jeunes gens, moi y compris, à suivre pendant notre temps de discernement, mais il a aussi fait la lumière sur une société qui est devenue anémique et stagnante.
Dans Sa Bonté, Dieu nous a donné sept années d'abondance pour que nous puissions renforcer et nous fortifier dans la préparation pour les années de famine qui ont suivi. Nous ne savons pas combien de temps ces années de famine vont durer mais il nous a été donné de la force pour le voyage. Cette force existe dans le patrimoine que l'Europe et l'Église nous ont légués au fil des siècles. Cette force existe dans les Messes que Mozart a écrites et dans la poésie de Dante. Elle existe dans les pièces de Shakespeare et les peintures de Bruegel. Elle se trouve à Saint Jacques de Compostelle à l'ouest de la Basilique de San Marco à l'est. Mais par-dessus tout, elle se trouve partout à chaque fois que la Messe Traditionnelle est offerte. C’est cette Messe qui nous unit avec tous ceux qui ont fait face à plusieurs des mêmes défis et obstacles auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui. C’est cette Messe qui sauvera et sanctifiera un monde mourant ; et chaque fois que les Paroles de l'Institution sont chuchotées et que l'Hostie est élevée, alors que les cloches du sanctuaire sont sonnées et que nous contemplons avec l'émerveillement des innombrables générations, prions et faisons de ces anciennes paroles les nôtres propres : In hoc signo vinces (Dans ce signe, tu vaincras).
[1] http://www.yenisafak.com/en/life/mohammad-most-popular-name-for-babies-in-london-for-fourth-time-2229871
[2]http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/ccdds/documents/rc_con_ccdds_doc_20160106_commento-decreto-lavanda-piedi_en.html
[3] http://www.vatican.va/archive/ccc_css/archive/catechism/p123a9p2.htm
[4] http://www.nytimes.com/aponline/2016/03/24/world/europe/ap-eu-rel-vatican-holy-thursday.html?_r=0
[5] https://www.washingtonpost.com/news/worldviews/wp/2016/03/25/children-of-the-same-god-pope-francis-washes-the-feet-of-muslim-migrants/
[6] http://www.christianpost.com/news/pope-francis-asks-renowned-italian-atheist-eugenio-scalfari-not-convert-catholicism-155453/ ; http://time.com/4145056/vactican-catholics-jews-convert/
[7] Ratzinger, Joseph. A Turning Point for Europe?: The Church in the Modern World: Assessment and Forecast. (San Francisco: Ignatius, 2010), 178.
[8] Benedict XVI. Light of the World: The Pope, the Church, and the Signs of the times. Comp. Peter Seewald. Trans. Michael J. Miller and Adrian J. Walker. (San Francisco: Ignatius, 2010), 98.
[9] http://www.catholiceducation.org/en/culture/catholic-contributions/cardinal-ratzinger-on-europe-s-crisis-of-culture.html
[10] http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/en/letters/2007/documents/hf_ben-xvi_let_20070707_lettera-vescovi.html
[11] http://www.huffingtonpost.com/2013/03/25/magdi-allam-muslim-convert-leaves-catholic-church_n_2950937.html
[12] Ibid.
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