« Allumez le phare » Le Christianisme est-il fini ?

Une homélie prononcée par le Père Armand de Malleray, Chapelain général de la Confraternité de Saint-Pierre, lors la Première Grand-messe Solennelle en Angleterre en l’honneur du Père Ian Verrier, nouvellement ordonné dans la FSSP à l'église St James à Londres le 20 Juin à 2015.

SOURCE : Rorate Caeli

Cher nouvellement ordonné Père Verrier,

Laissez juste tomber ! Tout est perdu. Allez-vous en et cachez-vous. Nous sommes vaincus. Le Christianisme est fini. Notre temps est passé. Toute personne ayant des yeux pour voir seront d'accord. Plus grandes que des vagues, ce sont plutôt présentement des tsunamis contre la vie, contre le sens commun, contre la liberté et contre l'innocence ! Voyez la marée pourpre des avortements ; la marée verte de l'islam ; la marée rose de l'inversion ; la marée noire de la pornographie ; et comme un mélange mortel de tous les précédentes, la marée fluorescente de la rectitude politique.


Venant rapidement sur nous, ces ondes maléfiques en descente sur nous comme de puissantes hordes de surfeurs, l'ennemi conquiert nos parlements ; nos tribunaux ; nos universités ; nos médias; nos hôpitaux ; nos casernes ; nos écoles ; nos lieux de travail ; nos boulangeries ; même nos maisons — et que dire de nos églises ? Personne n'est là pour nous protéger. Nos martyrs ont disparu depuis longtemps. Nos confesseurs et les docteurs sont muets. Nos vierges sont moquées. Nos dirigeants sont timides ou incertains. Et nous ... Nous sommes faibles. Nous sommes égoïstes. Nous sommes paresseux. Nous avons peur.

Cher Père Verrier, plus d’une fois vous traversé la Manche avec de nombreux pèlerins Anglais pour prendre part au Pèlerinage annuel de la Chrétienté. Vous admiriez la procession glorieuse de centaines de chapitres chacun portant sa bannière brodée avec son saint local et sa croix étincelante, chantant des cantiques le long du chemin de 112 kilomètres vers le sanctuaire sacré médiéval de Chartres !

Ce que vous avez manqué, cependant, c’est cette « Unité des nettoyeurs ». Ce petit groupe de bénévoles qui marchent à la fin de la colonne de 1,5 kilomètre de long. Après que les dix mille pèlerins aient marché à travers champs et bois, ce petit groupe humble suit. Quand les dix mille pèlerins ont passé. Nous nous souvenons de cette vue étonnante de ces milliers de pèlerins — maintenant disparus comme un rêve ! Et la petite unité de nettoyage ferme la colonne, ramassant consciencieusement le papier, les boîtes vides ou les emballages (ou parfois des grains de chapelet) tombés des mains des pèlerins. Quelle est l'ambition de l’Unité de nettoyage ? C’est de laisser l'endroit propre et bien rangé quand la petite silhouette du dernier Catholique aura été réduit à la taille d'un point dans l'horizon gris. L’Unité de nettoyage est fière de ne laisser aucune trace derrière : personne ne pourrait jamais deviner qu'une armée Catholique a hardiment foulé une fois cette route.

Les Catholiques à travers le monde en 2015, ceux qui ont des yeux pour voir, se sentent vraiment comme la section Nettoyage. Nous voyons nos paroisses fusionnées, nos églises fermées, nos séminaires, les couvents et les noviciats vendus à des promoteurs, nos écoles décatholicisées. Nous nous retirons tranquillement. Même si nous mourons, nous devrions veiller à ne pas trop faire basculer le bateau. Disparaissons d'une manière courtoise pendant que le monde nous sourit en pensant : « Adieu, misérable arrière-garde et bon débarras » Alors, ne devrions-nous pas abandonner ? Ne devrions-nous pas céder ?

Non, cette vision est horizontale, elle n’est pas transcendante. C’est ce que la chair nous dit — pas la Foi. Père Verrier, vous ne seriez pas assis au milieu de nous comme Célébrant ; vous vous ne tiendriez pas bientôt à l'autel pour offrir le Saint Sacrifice si vous partagiez cette vision trompeuse. Chers amis, si nous y avions adhéré nous-mêmes, nous aurions perdu nos lunettes surnaturelles. Quand nous les retrouverons — nos bonnes lunettes de Foi, alors nous nous concentrerons sur ce qui échappe à nos yeux de chair, mais pas à nos âmes — voici ce que nous allons voir. Que verrons-nous, en effet, demandez-vous ?

Nous allons voir que nous appartenons à Celui qui a gagné la bataille déjà en notre nom. C’était le Vendredi Saint, sur le mont Golgotha. Il est notre chef et nous sommes son Corps Mystique, l'Église. Il est notre chef, en latin c’est le mot « caput », d'où « capitaine ». Et notre Capitaine sera bientôt de retour, visiblement. La fin des temps est proche car, pour Lui, mille ans sont comme un jour.

Nous appartenons à Son Église, répartie à travers le temps avec encore plus de force que dans l'espace. Ici-bas, nous ne voyons que la frange Militante ou Pèlerine de son Église : avec un simple 1,2 milliard connu. Mais beaucoup plus nombreuses et utiles sont les âmes souffrantes du Purgatoire qui sont déjà saintes et qui intercèderont pour nous lorsque leur purification sera terminée. Dans le Ciel maintenant, des milliards de milliards de saints et d'anges saints intercèdent sans interruption en notre nom auprès de la Trinité adorable, conduites en intercession par la Très Sainte Mère de Dieu.

Avec eux, nous sommes la Sainte Armée du Christ. Nous sommes encore sur terre, oui. Mais nous ne sommes pas oubliés : nous sommes envoyés. Nous ne sommes pas en retard : nous sommes en mode de repérage. Nous ne sommes pas à la traîne : nous sommes à l'avant-garde ! Nous sommes les doux espions du Seigneur.

Espions ? En effet ! Rappelez-vous comment, dans l'Ancien Testament, après quarante ans d'errance dans le désert, Josué envoya des espions pour reconnaître la terre promise à l’avance au bénéfice de l'armée hébraïque, toujours campée à l'est du Jourdain : « Du camp de Chittim, Josué, fils de Noun, envoya secrètement deux hommes avec l'ordre d'explorer le pays et la ville de Jéricho. Arrivés à Jéricho, les deux espions allèrent passer la nuit dans la maison d'une prostituée nommée Rahab ». (Josué 1, 1-2).

Parce que les espions ont trouvé refuge dans la maison de la prostituée Rahab, elle a été épargnée à cause de sa foi quand Jéricho est tombé, nous répandons à notre tour la Bonne Nouvelle parmi le monde étranger. Nous marquons ceux qui sont de bonne volonté avec le Signe du Seigneur afin qu'ils puissent être sauvés quand l'armée prendra possession de la terre. Nous sommes les émissaires des forces de libération. Nous n’avons que peu de temps pour les inscrire dans un nombre proportionnel à notre volonté de faire confiance dans la Parole qui nous a envoyés et qui nous guide tous les jours.

Qui sommes-nous ? Nous ne sommes pas des agents de subversion parce que le mal est chaos et la paix que nous apportons est la tranquillité de l'ordre. Nous sommes les espions d’amour sous le nez de la haine. Nous sommes occupés à faire la contrebande de la miséricorde. Nous complotons la liberté. Nous injectons la grâce. Faibles et en si petit nombre que nous semblons, nous nous appuyons sur la protection apocalyptique du Ciel. Les anges et les saints nous écoutent, nous, les pauvres pèlerins dans notre vallée de larmes. Quand nos genoux touchent le sol, un million de mains se joignent en prière là-haut. Quand nos mains se joignent dans la prière ici-bas, un milliard d'ailes se déploient là-haut pour nous protéger. Telle est la Communion des Saints. Tous les baptisés ont part à ce merveilleux pouvoir. Nous sommes tous des espions du Grand Roi là-haut, préparant Son Peuple pour la libération à venir. Tel est, chers amis, notre mandat partagé par le Saint Baptême. Telle est notre fierté fraternelle.

Mais le Roi, notre Capitaine, a voulu imprégner des pouvoirs spéciaux chez ses agents sélectionnés. Il les a fait chef-espions, capitaines associés et précurseurs principaux de son Avent final. Qui sont ceux-là, demandez-vous ? Vous devriez le savoir. Ils sont ici. Ils vivent parmi nous. Ils sont les prêtres. Les prêtres de Dieu. Nos prêtres.

Laissant le séminaire comme le Père Verrier, il y a une quinzaine de jours, le jour de leur ordination, ils sautent dans l'obscurité, à travers la nuit de monde pécheur. Ils atterrissent derrière les lignes ennemies : non pas au hasard, mais selon des objectifs assignés par le Commandant en Chef (à savoir le Saint-Siège et nos bergers les Évêques). Ils sont bien formés dans les arts de la grâce de Dieu. Et que pensez-vous qu’est leur première action une fois débarqués et leur dernière ? Ils allument les phares ! Ils activent un signal de grandeur infinie : le Saint Sacrifice de la Messe. Telle est l’ordre reçu du Christ Lui-même Ils : «« Je suis venu apporter un feu sur la terre et combien je voudrais qu'il soit déjà allumé !» (Luc 12 : 49-53) !.

À chaque Sainte Messe, le prêtre agit in persona Christi. ( en la personne du Christ). Il laisse le Divin Capitaine communiquer Ses propres mérites infinis pour nous tous pécheurs. Les âmes blessées sont attirées dans la Lumière Eucharistique hors de tyrannie du diable, le prince de ce monde. Les âmes tremblantes sont amenées à la chaleur du Feu Eucharistique. De là-haut, l'armée de libération observe l'éclat rayonnant de tous les sanctuaires sur terre. Tout comme une nuit claire d'été où nous regardons les étoiles et nous souhaiterions être là — réciproquement d'en-haut les saints et les anges s’abaissent pour regarder la constellation des Messes dans notre monde sombre et bientôt ils seront ici de façon visible.

Quand les armées du Roi envahiront la terre aux jours de colère, ceux qui seront trouvés dans les abris eucharistiques seront épargnés. Comme la prostituée Rahab, ils auront la vie à cause de leur foi et de leurs bonnes œuvres. Mais comme nous examinons notre conscience, nous admettons que même les amoureux de l'Eucharistie ont besoin de conseils et d'encouragement ! Et ceux qui sont encore étrangers à l'Eucharistie ont besoin de témoins et d’enseignants. Alors Je vous demande : où allons-nous trouver de tels hommes ?

C’est la Volonté de Dieu que tous soient sauvés. À cette fin, notre Divin Capitaine demande des prêtres. Avec tremblement certes mais avec joie, aujourd'hui j’en appelle en Son Nom. Je demande pour des prêtres. J'en appelle à de saints sacrificateurs pour offrir in persona Christi non pas « le sang des boucs et des veaux » (Hébreux 9 :12), mais celui de l'Agneau Immaculé. J'en appelle à des hommes. J'en appelle pour des capitaines associés. J'en appelle pour des commandos de Dieu. Mais notez que je n’appelle pas des surhommes. Je ne demande pas des génies ni des héros comme si les compétences naturelles pouvaient suffire à une telle entreprise sacrée. Avant de désirer quelques compétences particulières, je fais appel à ceux que le Christ destine à être configuré à Lui : « doux et humble de cœur ».

Écoute-moi alors, les hommes ; futurs hommes de Dieu. Votre formation sera progressive, fraternelle, profonde et enrichissante. Vos armes seront l'humilité ; la prière ; la joie ; la connaissance ; la pureté ; la confiance en Dieu ; la bonne humeur ; la discipline ; l'endurance et la fraternité. Bientôt, vous prendrez votre envol. Après le décollage et un vol de sept ans, vous sauterez dans l'obscurité du monde comme le père Verrier a fait il y a juste une quinzaine de jours. Vous allez voler avec le parachute de la grâce et, en atterrissant selon le plan, vous allumerez les phares. Vous offrirez la Sainte Messe : « Introibo ad altare Dei ! » ( « J'irai vers l'autel de Dieu ». Les toutes premières paroles du Célébrant de la Messe Tridentine en latin. )

À l'occasion de cette Première Messe Solennelle de notre nouveau prêtre de retour en Angleterre, je dis à vous, chers jeunes gens : Venez clandestinement ! Venez de façon souterraine comme des émissaires secrets de Dieu ! Venez et exfiltrez les âmes des enchevêtrements du péché ! Venez et augmentez le nombre des élus à travers la fécondité de la grâce de Dieu. Souhaiteriez-vous répondre « oui » que vous vous sentez encore faibles ? Alors, écoutez le grand apôtre saint Paul, le Docteur des Nations, écoutez ce que Dieu lui dit : « Ma grâce te suffit. Ma puissance se manifeste précisément quand tu es faible. » Je préfère donc bien plutôt me vanter de mes faiblesses, afin que la puissance du Christ étende sa protection sur moi ».(2 Cor 12 : 9). Hommes, venez : rejoignez l'avant-garde.

Il existe de nombreuses façons de former les capitaines de Dieu. La Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre est un petit et imparfait outil. Nous ordonnons à peine douze prêtres en une simple année dans le monde entier. Cette année, nous en avons ordonné quinze. En Angleterre, jusqu'à la semaine dernière, nous n’étions que deux prêtres dans une seule maison. Pas assez pour faire trembler l'enfer ! Mais grâce à la Miséricorde de Dieu et grâce à vos prières, dans les douze dernières années, nous avons ordonné sept prêtres dans ce pays : Père Konrad Loewenstein en 2002 ; Père Brendan Gerard en 2006 ; Père Matthew Goddard et Père William Barker en 2009 ; Père Simon Harkins en 2010 ; Père Matthew McCarthy en 2011 et le Père Ian Verrier ce mois-ci.

En outre, nous avons dix Séminaristes de l'Angleterre et du Pays de Galles qui poursuivent leurs études dans nos deux séminaires internationaux de Bavière et du Nebraska. Cela donne des espoirs raisonnables pour un nouveau diacre et un nouveau prêtre qui sera ordonné en Angleterre et au Pays de Galles chaque année dans les années à venir. Et à chaque année ensuite, un autre prêtre de ce pays et un autre diacre. Quelle grâce ! Quel signe ! Quelle récompense ! Déjà, deux d'entre eux servent maintenant en Angleterre. Nous vous en enverrons plus s'ils sont demandés ici.

S'il vous plaît, envisagez de rendre votre prière encore plus fructueuse pour les vocations grâce à notre réseau de prière, la Confraternité Saint-Pierre. Il vous suffit de prier chaque jour une dizaine de chapelet, réciter une prière pour les vocations et offrir le Saint Sacrifice de la Messe pour les vocations une fois par année. En retour, vous pouvez gagner des indulgences spéciales et être soutenus par les prières récitées par nos 160 Séminaristes et nos 250 prêtres. Chaque jour, treize Saintes Messes sont offertes spécifiquement pour les intentions des 4 900 membres de la Confraternité et pour nos vocations.

En conclusion, chers amis, renouvelons notre engagement comme de doux espions du Christ. Mettons nos lunettes surnaturelles et concentrons-nous sur ce qui échappe à nos yeux de chair mais pas à ceux de notre âme ! Marchons courageusement, même au milieu des flammes du vice, en étant des témoins de la Sainteté de Dieu. Allumons et faisons connaître les phares Eucharistiques, chassant les ombres du désespoir. Ne comptons pas sur nos compétences car nous ne sommes que des serviteurs inutiles, mal ou richement dotés ; faisons de notre mieux et Dieu donnera la victoire ! Bien que nous ne sommes que quelques émissaires dispersés ... — à travers la rivière du Jourdain, de l'autre côté du temps, les énormes armées de Dieu sont en mouvement !

Regardez ! Voyez les légions célestes de l'Angleterre et du Pays de Galles ! Voyez comment ils regardent notre humble repérage, avec nos faibles mains pendant que nous marquons des élus de Dieu. Voyez les officiers puissants en-haut, prêts à mettre le pied à l'eau et à conduire leurs bataillons jusqu'à nos rivages terrestres. Voyez Alban et Augustin ! Voyez Bède et Cuthbert ! Voyez Tchad, Hugh et Thomas ! La fin est proche. Ils arrivent ! Voyez Winifred et Ethelreda ! Voyez le grâcieux carmélite Simon Stock ! Tenez le front, ils sont sur leur chemin ! Voyez la Perle de York, Margaret Clitherow ; et Margaret Pole, deux saintes mères de prêtres ! Tenez bon, Ils sont là ! Voyez John Fisher et Thomas More, les colonnes de fidèles l'Angleterre ! Voyez Campion et Mayne, les missionnaires vaillants ! Voyez John Henry Newman et Dominic Barberi !

Mais par-dessus tout, regardez la Belle, en attendant le retour de Sa Dot à Elle, pour la Gloire de Son Fils : regardez la Mère de Dieu, notre Très Pure et Chaste Mère par la grâce.

«Tu es belle, ma tendre amie,
comme la cité de Tirsa-la-Jolie,
ravissante comme Jérusalem,
troublante comme un mirage » (Cantique 6 : 4).

En notre nom, Elle supplie le Tout-Puissant. Peinons volontiers sous Sa Royauté, et préparons la venue de Son Fils, Jésus, le Prince de la Paix. Il est en mouvement avec Ses armées. Il vient pour nous sauver. Il est ici : Ecce Agnus Dei, ecce Qui peccata mundi tollit ! ( Voici l’Agneau de Dieu, Celui qui efface le péché du monde ! )