Entretien avec Mgr. Charles Pope à propos du Sacrement de la Réconciliation
Zoe Romanowsky
SOURCE : Aleteia
Le 11 mars 2016
On a beaucoup écrit à propos du Sacrement de la réconciliation — la théologie derrière elle, sa preuve scripturaire, son pouvoir et les avantages de celle-ci pour les pénitents. Mais ça fait quoi pratiquement pour un prêtre d'entendre les péchés des autres semaines après semaines et mois après mois ? Est-ce que ça peut être un fardeau ? Est-ce que ça affecte la vie spirituelle d'un prêtre ? L'éditrice de la section style de vie d’Aleteia, Zoe Romanowsky, a demandé à Mgr. Charles Pope ses impressions concernant le fait d'entendre les confessions pendant plus de 24 ans de prêtrise.
Mgr Charles Pope est le Berger de l’église St-Cyprien le Saint Consolateur, à Washington DC. Il est un diplômé du Séminaire Mont Sainte Marie où il a obtenu gagné une maîtrise en sciences religieuses et une maîtrise ès arts en théologie morale. Ordonné prêtre en 1989, il a servi dans l'Archidiocèse de Washington depuis. Mgr Pope a mené des études bibliques au Congrès américain ainsi qu’à la Maison Blanche et il est actuellement le doyen du Doyenné du Nord-Est ainsi que coordinateur archidiocésain pour la célébration de la messe en latin. Un enseignant, chef de retraite, directeur spirituel et écrivain qui est publié, il est un chroniqueur hebdomadaire pour Our Sunday Visitor et anime un blog quotidien pour l'Archidiocèse de Washington.
Mgr Pope, vous souvenez-vous de votre première confession que vous avez entendue ? Comment était-ce ?
Je me souviens. Dans le cadre de la paroisse, peu importe — quelqu'un a pu me demander d'entendre sa confession avant que je n’arrive dans la paroisse. Mais d’être assis dans le confessionnal pour la première fois a été mémorable parce qu'il y avait des problèmes avec le confessionnal. Je me sentais déjà un peu nerveux et quelqu'un est venu et s’est mis à genoux et ensuite la grille s’est effondrée ; soudain il y eut le visage d’une personne qui me regardait doit dans les yeux. Elle était gênée car elle désirait une confession anonyme, et j’étais tellement nerveux que j’ai tâtonné tout autour pour essayer de trouver la formule de l'absolution même si je l'avais mémorisée. Ainsi, ça a été certes mémorable dans ce sens !
J'avais à peine 27 ans quand c’est arrivé et il y avait quelques-unes de ces choses que j'entendais aux confessions du samedi qui étaient plutôt compliquées. Je veux dire par exemple quel sage conseil possible pouvais-je donner à un homme de 70 ans concernant ses problèmes conjugaux ? La confiance dans les prêtres est étonnante de la part des gens qui viennent à nous. Nous devons faire confiance que Dieu passera par nous.
Qu’est-ce qui a changé à la façon dont vous entendiez les confessions au début de votre sacerdoce et la façon dont vous les entendez maintenant ?
La chose principale est que j’ai appris à encourager les gens à aller plus loin dans leurs confessions. Ce qui tend à se produire, c’est que les gens ont tendance à dire ce qu’ils font et ce qu’ils ne font pas, et c'est bien ; mais la question plus profonde, c’est pourquoi ? Quelles sont les motivations plus profondes ? Je trouve que je suis plus habile maintenant à être capable d’écouter les choses que les gens me disent et comment elles sont reliées entre elles.
Il y a une longue liste de choses auxquelles j'encourage les gens à réfléchir quand ils se préparent à leur confession, ou après, comme les sept péchés capitaux, les attitudes, l'arrogance, la colère. Faire cela aide à rendre la confession vivante. Beaucoup de gens sont frustrés parce qu'ils confessent les mêmes choses tout le temps ... mais à regarder plus profondément, voilà la clé.
Qu’avez-vous appris sur la nature humaine à écouter les péchés des gens jour après jour ?
Ça m'a appris à avoir la patience avec la condition humaine. Nous avons tous nos faiblesses, nos luttes. C’est un appel à prendre le péché au sérieux, mais, dans la plupart des confessions, j’ai remarqué que les gens font face à leurs luttes et j'ai découvert que les luttes des gens et leurs forces sont étroitement liées. Peut-être qu’une personne est bien bonne pour s’entendre avec les autres, mais elle n’arrive pas à s’affirmer sur certaines choses, par exemple ; ou d’autres gens sont peut-être vraiment passionnés et se démarquent, mais ils luttent contre la chasteté. Nos luttes et nos forces sont souvent connexes.
Je me souviens qu’un confesseur m’ait dit : « De quelque manière vous résoudrez ça, ne détruisez pas Charlie Pope dans le processus ». J'ai pris cela à cœur. Souvent, nous pourrions donc résoudre nos péchés d'une manière qui nous ferait abandonner nos forces. Mais le Seigneur veut trouver une solution dans cette différence. Nous ne voulons pas nous détruire et nous devons respecter le processus.
Comment ces confessions entendues pendant tant d'années vous affectent émotionnellement et psychologiquement ?
Ma première réaction quand quelqu'un vient à la confession en est une de soulagement. Ils ont entendu l'Évangile et ça les amène à la repentance, mais aussi à l'espérance et à la grâce. Je suis tellement heureux qu'ils soient ici et c’est un moment pour être doux et pour les écouter.
L'un des dangers pour les prêtres est que nous sommes un peu comme les médecins. Je me souviens, il y a des années, que je suis allé voir un médecin de famille qui avait été en pratique depuis des années. Je ne le savais pas mais je m’étais cassé les côtes et je pensais que quelque chose allait horriblement mal. L'attitude du docteur était très semblable à : « Vous devez vous être cassé les côtes, c’est tout un dommage ». Il avait vu des choses comme ça un million de fois mais, pour moi, c’était tout nouveau et effrayant.
En tant que prêtres, nous avons tout entendu et tout pourrait être considéré comme un fait banal de notre part ou encore nous pourrions nous mettre en mode de pilote automatique pour écouter les confessions. Nous devons lutter contre cela. C’est d'essayer d'être avec la personne à ce moment précis. Que ce soit la trentième personne que vous confessez ce jour-là, c’est à éviter de ne pas être avec la personne en face de vous. Essayer de rester dans le « ici et maintenant » est important. J'essaie de rester conscient de Saint Jean-Marie Vianney qui a dit d'être exigeant dans la chaire mais doux au confessionnal.
Comment vous préparez-vous spirituellement pour entendre les confessions? Y a-t-il quelque chose de particulier que vous faites quand vous avez terminé qui vous aide à oublier ce que vous avez entendu et pour aller de l’avant ?
Je vais moi-même à la confession hebdomadaire. Les prêtres devraient y aller souvent sinon nous ne serions pas des confesseurs efficaces. Je profite de cette importante préparation. Le reste est principalement ce que j'appelle la préparation « à distance ». Je suis un blogueur et un écrivain et une grande partie de mon travail touche au spirituel et à la vie morale si bien que je fais beaucoup de lecture spirituelle. Pour moi, cela est une condition sine qua non pour les prêtres et c’est certainement très important pour moi. Habituellement, je lis quelques livres à un certain moment. Et je fais une Heure Sainte tous les jours. Il y a des temps morts au confessionnal et je passe ce temps à me sentir reconnaissant pour la Miséricorde de Dieu. Quand les gens me demandent comment je suis, j’aime bien dire: « Je suis assez bien béni pour un pécheur ».
Je sais que le sceau de la confession est sacro-saint. N’avez-vous jamais souhaité pouvoir partager ce que vous avez entendu de quelqu'un d'autre ou de traiter de ce que vous avez entendu ?
L'interdiction n’est pas si absolue que vous ne pouvez jamais en parler ; vous ne pouvez jamais partager les détails ou toute information qui pourrait permettre à quelqu'un d'être identifié. Mais je peux aller voir un frère prêtre et lui soumettre quelque chose tant que rien ne soit spécifique. De temps à autre, je pourrais aussi utiliser quelque chose dans une homélie — mais encore une fois d'une manière très générale.
Je pense que tout prêtre expérimente cela mais, quand je fus ordonné, Dieu m'a béni d’une mauvaise mémoire. En tant que prêtre, vous en entendez tellement si bien qu'il est vraiment difficile de se rappeler ce que les gens vous disent. Et il y a tant de choses que vous devez garder confidentielles —le counseling que vous faites, l’aide aux gens en situation de crise, etc. En quelques années, en tant que prêtre, ce n’est n’est plus possible de se souvenir de ce que vous avez entendu en confession à la fin de votre journée. Une pauvre mémoire, c’est une grâce que Dieu nous donne.
Comment le fait d’être un confesseur spirituel a changé votre vie ?
Pour moi, c’est juste le don immense de l’exercer. Le mot qui me vient à l'esprit est l'humilité. C’est une chose remarquable d’être assis là pour faire ce que Saint Paul appelle le « ministère de la réconciliation ». Je ne le fais pas; c’est vraiment le Seigneur qui le fait. Et c’est une chose incroyablement humiliante. Jésus prend la place de la personne du prêtre ; l'humanité du prêtre est le pain substantif du Sacrement des Saints Ordres. Jésus nous prend et nous utilise. Alors ça me fait penser : « Wow, qui suis-je pour m’avoir choisi à ce faire ? ». C’est une leçon d'humilité presque d'une manière effrayante.
Est-ce que le fait d’entendre des confessions affecte la façon dont vous-même abordez le sacrement et vice versa ?
Bien sûr. Par exemple, si je suis vif à interrompre quelqu'un, j'essaie de me rappeler que je ne veux pas être moi-même interrompu en confession. Parfois, vous le devez, bien sûr, mais j'essaie de bien écouter. D'habitude, je vais à mon confesseur régulier mais parfois je peux être dans un contexte différent et je suis conscient de la beauté d’avoir quelqu'un qui puisse m’écouter. Il y a quelque chose de si puissant sur le fait d’écouter ; ça permet à quelqu'un de décharger son fardeau. Ce que je dis en tant que confesseur est une partie mineure — le fait que quelqu'un puisse parler tout haut de sa situation est puissant. J’ai appris cela aussi en tant que directeur spirituel. En laissant la personne sortir tout son lot, elle s’aide elle-même ; il y a une guérison continue. En fin de compte, j’espère que je transmets l’impression que je suis bien heureux qu’ils soient là. Je veux qu'ils se sentent à l'aise de parler.
Qu’est-ce ce qui fait un grand confesseur ?
La bonne écoute. Je dis à certains des plus jeunes prêtres avec qui je travaille que 90 pour cent de la confession, c’est de l'écoute — vous n’avez pas à prodiguer de sages conseils à chaque instant ; ce n’est pas le but de la confession. À la fin de la journée, le don de l'écoute avec la compassion est suffisant.
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