Dans une nouvelle interview d’EWTN en Allemagne, Mgr Stanislaw Gadecki discute des forces et faiblesses des rencontres synodales, rejette les ouï-dire concernant une « guerre » Germano-Polonaise et rappelle que la plus grande expression de la miséricorde de l'Église est le Sacrement de la Pénitence.
par Edward Pentin
SOURCE : National Catholic Register
Köln / Posnan — Alors que plusieurs attendent avec impatience l’Exhortation Apostolique post-Synodale sur le Synode sur la famille du Pape François après un processus long et tumultueux, Robert Rauhut d’EWTN d’Allemagne s’est assis récemment avec l'Archevêque Stanislaw Gadecki, Président de la Conférence des Évêques Polonais pour discuter des forces et faiblesses du Synode, un « grand changement » dans le retour de l'enseignement de Saint Jean-Paul II lors de la session la plus récente et de la relation entre la Vérité et la Miséricorde. L'Archevêque parle aussi de « l'étonnement » des Pères Synodaux sur le peu de mentions du mot « péché » dans le document final du Synode, du battage médiatique entourant la Sainte Communion pour les divorcés remariés et pourquoi les Évêques doivent « corriger » des attentes exagérées et adhérer à l'enseignement de l’Église. Voici ci-dessous une version modifiée de l'interview ce qui sera diffusée prochainement sur EWTN Allemagne. |
EWTN : Je vous remercie de l'occasion de vous poser quelques questions à nouveau après ce Synode très intense et fructueux. Comment évaluez-vous ce Synode sur la Famille du point de vue des Évêques Polonais ? Stanislaw Gadecki :
Notre évaluation peut se résumer en trois points : d'abord, que l'enseignement de l'Église n'a pas changé parce qu'il a été abordé — et confirmé par le Pape, par les Cardinaux et les Évêques des deux côtés. Nous avons analysé le texte du Synode et nous ne voyons pas la preuve d'un changement de doctrine. Cependant, il y a un changement dans la pratique, certains, en ce qui concerne en particulier les points 84, 85 et 86 du Document Final [concernant la pastorale des divorcés remariés] qui parlent de « discernement » et « accompagnement », ce qui signifie le « discernement des esprits » et l’« accompagnement » ... Ici le Synode stipule expressément que les prêtres doivent intervenir et aider à une exploration plus profonde. Pratiquement, [la] manière la plus facile d'explorer votre conscience a lieu dans le confessionnal.
Deuxièmement, les récents enseignements de l'Église, qui diffèrent de la doctrine précédente, n’ont pas été soulignés beaucoup.
Troisièmement, la Sainte Communion pour les divorcés remariés n’est effectivement pas mentionnée nulle part. Bien sûr, le document parle d'une « intégration » plus forte, d’une plus grande « participation » et d’une plus grande introduction des divorcés remariés dans les différentes sphères de la vie ecclésiale [mais] rien de tout cela ne consiste à recevoir la Sainte Communion. Néanmoins, certaines choses ne sont pas réalisables dans tous les pays. Il y a des pays et des Évêques, par exemple, qui soulighttp://www.democracynow.org/nent que tous les divorcés remariés devraient être autorisés à être catéchistes. Mais en Pologne, ce n'est pas possible, parce qu’une personne dans une telle situation est réputée être un faible témoin puisqu’elle est infidèle à la Vérité.
Ce sont donc les trois questions dans le contexte des questions les plus fréquemment posées. Le Synode a essayé, dans les domaines des possibilités, d’intégrer les divorcés remariés dans l'Église, mais pas à un point tel que cela donnerait l'impression que la personne peut vivre en état d'adultère et continuer à recevoir la Sainte Communion. Ce serait contraire à l'enseignement de notre Seigneur Jésus Lui-même. Dans ce cas, nous retournerions à l'époque de Moïse.
EWTN : Quelles sont les forces du Synode et ses résultats ?
Les résultats sont forts là où ils sont le plus faciles, c’est-à-dire là où il y a la première partie [du document final]. Là, on traite d’une vision sociologique du mariage et de la famille ainsi que des difficultés actuelles rencontrées par le mariage et la famille. Ça comprend le grand nombre de divorces et de concubinages, la vie partagée sans engagements communs, les différents concepts erronés de la famille. Ce sont toutes des difficultés liées à la sécularisation d'aujourd'hui auxquelles nous nous exposons et que nous ne devons pas nous soumettre parce que l'Évangile est constamment à contrecourant de ces tendances majeures. En outre, nous ne pouvons pas prétendre vivre dans les temps les plus difficiles alors qu’il y a eu des moments évidents de persécution où vous deviez risquer votre vie afin de témoigner de votre fidélité au Christ. Ces temps-là étaient vraiment difficiles. Aujourd'hui, nous faisons souvent face à une confrontation avec un « politiquement correct » qui exige d'être comme disent les médias et d’en suivre leur voix. Ce n’est pas une difficulté insurmontable pour quelqu'un qui est fermement enraciné dans le Christ.Gadecki :
EWTN : Y a-t-il des points faibles dans le document final ?
Je vois des points plus faibles dans la deuxième partie. Là, le document parle de la Vision Divine de la famille qui est présentée en conformité avec la vision de la Bible [mais], après cela, on constate un écart étonnant : il n'y a pas un seul mot sur ce qui concerne le divorce et quelles en sont les conséquences. Il n'y a aucune référence à ce que Jésus a dit : « Mais au commencement, il n'en était pas ainsi ». Bien sûr, c’est encore confirmé que l'homme et la femme constituent un mariage et qu'ils ont ce projet dans le Cantique des Cantiques, dans Osée ; mais quand il en vient au Nouveau Testament, nous ne voyons rien non plus sur Jean-Baptiste ni de la « conversion », de l'absolution du péché, de la confession des péchés.Gadecki :
Beaucoup de Pères Synodaux s’en retournèrent avec étonnement, affirmant qu'ils ont essayé de souligner que le document ne parlait pas très ouvertement du péché — comme si nous avions honte. Afin de ne pas blesser le pécheur, nous devons faire usage d'euphémismes, de ce langage délicat qui explique un certain comportement non conforme aux règles, aux normes. Cependant, aucune véritable Doctrine de l'Amour de Dieu [n’a été offerte] qui est le point de départ du péché et de la grâce pratiquement, et aussi du salut. Il y a ce thème dans un langage voilé, mais même après en avoir parlé, je ne pense pas que ce soit aussi clair et aussi évident que cela aurait dû l’être dans le document.
En ce sens, le document montre certaines lacunes que le Saint-Père lui-même a soulignées et il y avait beaucoup d'autres questions qui auraient pu être abordées à cette occasion mais que nous n’avons pas traitées. Par exemple, au lieu de publier un recueil unique — compréhensible, simple et clair pour chaque famille — ils parlent de la « miséricorde » dans son ensemble. L'Église a été miséricordieuse dès ses débuts. Plus important encore, c’est ce que Dieu pense de lui ou d’elle, pas ce que les autres pensent ou encore ce que lui ou elle — dans un certain sens — pensent d’eux-mêmes. La plus grande expression de la miséricorde de l'Église, à commencer par Jésus-Christ, est le Sacrement de la Pénitence et de la Réconciliation. Il n'y a pas de plus grand Sacrement de la Miséricorde.
EWTN : Les Évêques Polonais ont mené par l’exemple en publiant un communiqué portant sur les numéros 84-86 du document final afin de souligner que cela ne signifie pas que vous pouvez fondamentalement recevoir la Sainte Communion, si vous êtes entrés dans une deuxième relation civile. Est-ce votre initiative d’être compris de cette manière en tant qu’exemple à suivre pour les autres Évêques et Conférences Épiscopales? Gadecki :
Ayant prévu la confusion qui pourrait survenir en Pologne en réponse aux commentaires, nous avons décidé de publier ce communiqué. Voilà pourquoi nous avons, à cet égard, porter attention à maintenir l'enseignement traditionnel de l'Église. Cependant, ce n’est pas de notre devoir d'enseigner aux autres Conférences Épiscopales. Elles ont leurs propres façons de faire et ferons certainement ce qui est le mieux en leur pouvoir.
EWTN : Juste après le Synode, les médias ont donné leur propre interprétation affirmant que le Synode avait permis la Sainte Communion pour les divorcés remariés civilement même si cela n'a pas été le cas. Comment évaluez-vous ce phénomène sociologiquement reconnaissable ? Gadecki :
Je pense que l'explication est simple. Depuis la conclusion du Synode extraordinaire des Évêques en 2014, un narratif a été adopté dans le monde entier, entretenu par les médias, à savoir que « la communion pour les divorcés remariés civilement viendra, elle doit venir puisque c’est impossible qu’elle ne le soit pas ». Ainsi, les gens s’y étaient déjà habitués et ont commencé à se demander si le Synode se réunissait afin d'examiner la Sainte Communion pour les divorcés remariés et maintenant se demandaient pourquoi cela n'avait pas encore été annoncé clairement. Voilà pourquoi, je pense, il appartient aux Évêques de remédier maintenant à ces attentes surfaites et de coller à l'enseignement de l'Église.
EWTN : Comment qualifiez-vous la présence de la figure de Saint Jean-Paul II ? Gadecki :
Je pense qu'un grand changement a eu lieu. Lors du Synode extraordinaire [ de 2014 ], Jean-Paul II n’a presque pas été présent du tout ... alors que sa personnalité et ses enseignements ont été fortement présents au dernier Synode [ de 2015 ], sur la Famille. Les Pères du Synode se sont référés beaucoup plus souvent qu'avant à « Familiaris Consortio ». Ça a été nommé et on en a parlé. En fait, considérant les déclarations sur le mariage et sur la famille faites par les Papes Paul VI, Jean-Paul II, Benoît XVI et François, il y a déjà eu une amélioration. Donc, la tâche n’était pas seulement de résoudre les problèmes directement ici et là mais de se souvenir et de se rappeler de la façon dont l'Église avait avancé pendant les dernières décennies, chose qui ne doit pas être simplement effacée. Un enseignement du Pape contre un autre Pape est inacceptable.
EWTN : Néanmoins, en tenant compte par exemple de l'utilisation partielle du numéro 84 de Familiaris Consortio, qui traite du stress de la subjectivité et de l'objectivité, on a l'impression que, dans la méthodologie du document final, il s’est produit un peu d’« exégèse de cuisine » [ extraire sélectivement des traditions individuelles à partir d'un certain travail et ensuite les assembler et les combiner à dessein en dehors de leur contexte actuel ] ? Gadecki :
Oui, absolument. Cela a été rapidement exposé comme étant une incohérence parce que lorsqu'on se réfère à « Familiaris Consortio » de Jean-Paul II nous devons être honnêtes.
EWTN : La partie subjective du Sacrement perd son sens si la partie objective est manquante, non ?
Gadecki : Oui, c’est exact. Semblable à la question de la subjectivité et de l'objectivité, il y a eu la question des jugements de conscience : certains ont parlé de « conscience comme étant la Voix de Dieu », non pas comme une pièce dans laquelle on entend la Voix de Dieu. D'autres ont vu la conscience comme étant la Voix de Dieu — une catégorie très subjective parce que tous un chacun peut affirmer que « Je vois cette question dans ma conscience de telle ou telle façon et je ne me soucie pas de ce que l'Église ou les gens disent. Je vois cela d’une façon subjective et je considère cela comme étant la Voix de Dieu ». Ce fut une erreur. C’est similaire à un point de vue où les normes morales sont perçues comme un fardeau trop lourd à porter ou comme quelque chose qui est en parallèle à la conscience, qui est compris comme la « Voix de Dieu ».
EWTN : Quels sont les autres aspects qui ont joué un rôle central dans les discussions tels que la relation entre l'Église et le monde, la corrélation entre l'enseignement et la pratique ou entre la Vérité et la Miséricorde ? Gadecki :
La relation « Église — Monde » fut assez secondaire ; les discussions sur la relation entre la Vérité et la Miséricorde, l'amour et la compassion, la fidélité et la miséricorde ont été importantes. C’est un problème crucial car c’est difficile de parvenir à une solution satisfaisante lorsque l’on confronte la Vérité avec la Miséricorde. Dans mon esprit, le Saint-Père, ainsi que les citoyens de l'Argentine, ont un point de vue différent sur les contacts interpersonnels que nous avons, ici, en Europe. Peut-être, ce n’est pas tant que ça une différente façon de penser, mais les contacts sont plus sincères, plus chaleureux et plus méridionaux. Vous pouvez difficilement trouver quelque chose de comparable en Europe, peut-être en Italie. Cependant, en Europe du Nord, une telle chose est sans aucun doute inexistante. Peut-être que nous ne comprenons pas le Pape jusqu'à la fin, mais nous devrions.
EWTN : Une dernière question : un Cardinal a parlé d'une guerre Germano-Polonaise, d’une bataille au Synode. Comment voyez-vous cela ? Gadecki :
Beaucoup de Pères Synodaux, y compris le Saint-Père, ont dit de ne pas considérer le Synode sur la Famille comme un « parlement » et de transférer les règles et les procédures démocratiques des différents États dans la vie de l'Église. Lorsque les Pères Synodaux parlent, nous n’imitons pas un parlement, il n'y a pas de partis. Nous sommes conscients que nous agissons d'abord dans le cadre de la synodalité alors et seulement là dans le cadre d'une plus grande collégialité. Même à cela, le Synode n’est pas la fin de la Voix de l'Église. Le Synode est seulement un mouvement vers la collégialité entre le Pape et les Évêques qui se produit avec et sous le Pape. Le Synode n’est utile que dans la mesure où il sert à cette collégialité. Le droit canon encadre l'essence du Synode. Conséquemment, parlant d'une guerre Germano-Polonaise au Synode, par exemple, c’est une énorme exagération. Les problèmes représentés par les Allemands viennent non seulement de l'Allemagne, mais aussi de la Nouvelle-Zélande, de la partie de langue française du Canada, de la Suisse. Ainsi, ce n’est pas seulement du côté Allemand. Les différences liées au contenu ne sont pas en relation avec les langues, mais un Évêque est de cette opinion et un autre Évêque soutient une autre opinion. D’avoir évoqué des images d'une Troisième Guerre Mondiale au Synode est un peu drôle.
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