Le 14 février 2018
SOURCE : Rorate Caeli
Le 14 février 2018, le Mercredi des Cendres, marque le début de la saison du Carême. L'Église, dans la sagesse de l'ancien calendrier liturgique, nous a donné les derniers dimanches pour nous préparer à cette période de jeûne, de prière et de pénitence. Le Carême est le temps de l'année liturgique où nous faisons une pause et reconnaissons notre faible nature humaine, notre inclination au péché et notre mortalité. Certains vont regarder nos sacrifices rigoureux et le jeûne comme une folie, étant donné que notre société est habituée à rechercher une satisfaction immédiate. Qu'est-ce qui motive nos pénitences ? Peut-être que réfléchir à cette question nous aidera à choisir des pénitences qui approfondiront notre vie spirituelle et notre amour pour Dieu.
Dans la question 12 des Principales Parties de sa Summa Theologiae, Saint Thomas d'Aquin considère la connaissance de Dieu ; en d'autres termes, comment l'homme connaît-il Dieu, à la fois dans cette vie et dans la suivante, quand est-il capable de voir son essence divine ? Dans l'article 6, Thomas demande si certains verront l'Essence Divine plus parfaitement que d'autres. Il affirme par l'affirmative, affirmant que c’est basé sur la plus grande capacité de l'intellect qui permettra à certains de contempler la vision de Dieu plus parfaitement. L'objet — la vision de Dieu — restera le même puisque Dieu ne change pas, mais plus l'intellect partage parfaitement la lumière de la gloire, plus il sera parfaitement vu. Thomas explique :
« Il faut dire que, parmi ceux qui verront l’essence de Dieu, l’un la verra plus parfaitement que l’autre. Cela, certes, ne viendra pas d’une similitude, ainsi qu’on l’a montré. Cela proviendra de ce que l’intellect de l’un aura une plus grande efficacité, un plus grand pouvoir de voir Dieu. Cependant, la faculté de voir Dieu appartient à l’intellect créé non par nature, mais par la lumière de gloire, qui établit l’intellect dans une certaine déiformité, ainsi qu’on l’a exposé. Dès lors, un intellect participant davantage de cette lumière de gloire verra Dieu plus parfaitement. Or celui-là participera davantage de la lumière de gloire qui a le plus de charité ; car, plus grande est la charité, plus grand est le désir. Et le désir rend d’une certaine manière l’être qui désire apte et préparé à recevoir l’objet désiré. Par suite, celui qui aura plus de charité verra Dieu plus parfaitement, et il sera plus heureux. (ST, I, Q. 12, A.6, corpus).
La lumière de la gloire est la grâce de Dieu qui permet à l'intellect créé de voir Dieu tel qu'il est dans la vision béatifique. Bien que la Grâce soit toujours un don gratuit de Dieu, nous pouvons nous préparer à la recevoir par des actes de Foi, d'Espérance et de Charité. De plus, comme Thomas l'indique ici, nous serons plus capables de recevoir l'Essence Divine dans le Ciel si nous vivons dans la charité alors que nous sommes sur terre. En outre, plus notre charité est grande, plus nous désirons le Ciel et la vision de Dieu. Ce désir nous rendra plus capables de recevoir la vision de Dieu lorsque notre temps sur terre sera terminé.
Cette belle réflexion de Thomas ne devrait pas nous inquiéter ni nous angoisser. En effet, nous voyons les mêmes sentiments exprimés par Paul dans 1 Corinthiens 13, qui était l'Épître pour le Dimanche Quinquagésime : « Supposons que je parle les langues des hommes et même celles des anges : si je n'ai pas d'amour, je ne suis rien de plus qu'un métal qui résonne ou qu'une cymbale bruyante »( 1 Corinthiens 13 ).
Si nous n'avons pas la charité, nous ne sommes rien, parce que Christ Lui-même a exprimé la charité parfaite quand il a souffert, il est mort et est ressuscité — tout cela pendant que nous étions encore des pécheurs ( Rom 5 : 8 ). Et, comme nous sommes appelés à imiter le Christ dans tout ce que nous faisons, nous aussi sommes appelés à cette charité parfaite, bien que nous ne puissions pas l'atteindre sur la terre à cause de notre nature humaine déchue et de notre péché. Ainsi, nos actions sont d'un plus grand mérite aux yeux du Christ quand nous faisons des œuvres de charité, des œuvres telles que la pénitence et le jeûne.
À travers nos pénitences du Carême, nous pouvons approfondir notre charité pour le Christ et pour les autres en nous unissant avec Sa Souffrance sur la Croix. De cette manière, nous pouvons reconnaître notre faiblesse, sachant qu'Il a souffert et est mort pour nous, mais nous pouvons aussi demander Sa Grâce pour persévérer dans nos pénitences et sacrifices tout au long du Carême. C'est pourquoi il est essentiel de choisir de bonnes pénitences qui nous permettront d'augmenter en sainteté ; nous devons prier avec soin et choisir avec sagesse, peut-être sous la direction d'un directeur spirituel.
Comme indiqué ci-dessus, le monde considérera nos pénitences comme une folie. Pourquoi devrions-nous abandonner volontairement le café pendant 40 jours ? Pourquoi choisirions-nous de faire des prières supplémentaires ou de lire une œuvre spirituelle d'un grand saint plutôt que de regarder un film ? Mais, comme le rappelle Saint Paul :
« Les Juifs demandent comme preuves des miracles et les Grecs recherchent la sagesse. Quant à nous, nous prêchons le Christ crucifié : c'est un message scandaleux pour les Juifs et une folie pour les non-Juifs ; mais pour ceux que Dieu a appelés, aussi bien Juifs que non-Juifs, le Christ est la puissance et la sagesse de Dieu. Car la folie apparente de Dieu est plus sage que la sagesse des hommes, et la faiblesse apparente de Dieu est plus forte que la force des hommes ». (1 Cor 1 : 22-25).
Dans cette lettre, Paul s'adresse aux Corinthiens, qui sont tombés dans un péché profond et ont oublié le Message de l'Évangile. Il est ici à leur rappeler qu'en tant que Chrétiens, nous appartenons au Christ crucifié, qui est fou selon les Gentils. Les Gentils ne peuvent pas comprendre pourquoi quelqu'un suivrait une religion dans laquelle le Guide était crucifié, car c'était la pire punition possible donnée par les Romains. Pour le monde, une telle mort est une folie. Mais, parce que les Chrétiens savent qu'Il est ressuscité des morts, et qu'ils entreront aussi dans Sa Résurrection, Sa Mort est plus sage que tout ce que le monde peut offrir. En d'autres termes, à travers la Mort du Christ, nous pouvons obtenir la Vie Éternelle, même si cela semble stupide au monde. En entrant dans Sa Souffrance pendant ce Carême, nous pouvons nous préparer à la joie de la Vision Béatifique et à la Résurrection.
En tant que tel, il est bon de rappeler les paroles de Saint Jean Chrysostome : « Ubi caritas gaudet, ibi est festivitas » — « Là où l'amour se réjouit, il y a la fête ». Citer cette phrase n'est pas destiné à nier la pénitence. Au contraire, c'est pour nous rappeler le but de notre jeûne, la raison de notre Foi. Nous n'entrons pas dans la souffrance du Carême simplement parce que nous aimons la souffrance pour la souffrance, ou même pour que les gens puissent voir nos actes de piété comme les Pharisiens. La raison pour laquelle nous assumons des pénitences pendant le Carême est pour la Gloire du Ciel.
Si nous nous réjouissons de nos souffrances, que nous assumons dans la charité, alors nous nous réjouirons lors de la fête du ciel, le Banquet Éternel. Notre charité sera plus grande, ce qui signifie que nous aurons une plus grande capacité à apprécier la vision béatifique. Tout cela vient par la grâce de Dieu ; nous devons simplement demander Sa Grâce pour faire nos pénitences avec joie et charité.
Laissons-nous nous inspirer à choisir les pénitences sages de ce Carême, celles qui nous défieront mais ne nous décourageront pas, celles qui nous permettront d'entrer dans la Souffrance du Christ et approfondiront notre charité pour Lui et pour les autres. Et un jour, si Dieu le veut, nous verrons Dieu face à face dans la vision béatifique, et nous nous réjouirons avec tous les Anges et les Saints, s'émerveillant devant la Gloire et la Puissance vraiment impressionnante de Dieu.
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