par L'Équipe Éditoriale du Centre de Fatima
SOURCE : Centre de Fatima
Le 1er février 2018
Les programmes pour perfectionner la société sont souvent appelés progressifs, un terme d'approbation. Ils sont parfois appelés utopiques, ce qui est plus proche de la marque. Le mot « utopie » vient du Grec pour dire « pas de place » ou « nulle part » et il est utilisé pour décrire des programmes ambitieux d'amélioration humaine ; il exprime aussi le doute que tout réaménagement de l'ordre social et politique peut avoir un effet réel et durable sur nos vies.
Tous les programmes utopiques sous-tendent la croyance que la plupart des maux dont nous souffrons sont dus à des causes externes. Nous sommes tous considérés comme des victimes des structures qui nous sont imposées imprudemment, soit par l'intermédiaire d'hommes mauvais ou insensés, soit par une coïncidence malheureuse de forces impersonnelles. Tout ce que nous devons faire pour corriger la situation est de prendre le contrôle des institutions qui façonnent la société et de les réformer de manière éclairée.
La rhétorique utopique nous exhorte à nous réveiller du rêve désagréable de notre vie présente et à voir clairement à la lumière du jour ce que nous devons faire pour rendre ce monde plus joyeux et plus heureux. Les politiciens et les idéologues aiment cette rhétorique. Nous l'entendons si souvent et de si nombreux côtés que cela devient le bruit de fond de nos vies. Chaque élection — locale, étatique ou nationale — devient un référendum sur qui le public croit être plus compétent pour nous amener vers le bonheur qui est universellement considéré comme possible pour nous tous, si seulement les choses étaient correctement mises en ordre.
L'effet des croyances utopiques conduit nécessairement à investir notre espoir dans l'État, car si l'organisation sociale est la clé du bonheur, elle doit être prise en main par le plus grand moteur de l'organisation sociale, le gouvernement. Plus notre croyance réside en la possibilité du bonheur dans l'ici et maintenant, plus nous serons sensibles aux mensonges et aux demi-vérités qui sont les éléments de base des politiciens. Le fait que nous ayons maintenant un cycle de nouvelles de 24 heures, comme on dit, est symptomatique de la centralité du gouvernement dans nos vies et de ce que nos dirigeants disent et font, comme si notre bien-être dépend de leurs paroles et de leurs actions.
L'Église Catholique, jusqu'à récemment, a toujours été l'ennemie des projets utopiques, car notre Foi situe notre malheur, non dans les structures sociales, mais en nous-mêmes. Nous sommes malheureux parce que nous commettons le péché et le péché est une offense contre notre nature, non pas dans sa condition déchue, mais comme elle est donnée par Dieu et faite à Son image. Et un grand motif pour le péché est l'illusion que nous pouvons devenir heureux grâce à un arrangement de nos vies qui assurera la satisfaction de nos appétits.
Le péché, dans son essence, est la notion que nous sommes faits pour ce monde ; que notre bonheur est proportionné à l'accomplissement de nos désirs terrestres. Si tel est le cas, l'acquisition de suffisamment d'argent, de biens et de pouvoir devrait être notre principale préoccupation. Tout programme gouvernemental que nous considérons comme bénéfique à cette acquisition fait appel à notre soutien ; tout programme que nous considérons comme préjudiciable suscite notre colère et notre opposition. Et ainsi, la vie sociale et politique devient une compétition pour les biens limités de ce monde. De cette façon, la vie devient la guerre de tous contre tous, et chaque programme utopique pour le bien commun, lorsqu'il est mis en œuvre, devient un plan pour l'auto-agrandissement des puissants.
Il y a, au cœur de l'Évangile, un pessimisme profond sur les possibilités du bonheur terrestre. Il est enraciné dans la nature de la réalité : rien ici ne dure longtemps et tout plaisir dont nous bénéficierons s'évanouira bientôt, laissant dans son sillage un vide qui ne manquera pas d'être comblé par un nouveau désir, et ainsi de suite. Et quelle que soit la beauté d'une société que nous réussissons à construire, ou à quel point notre vie devient grandiose, le temps fera valoir ses droits et tout sera réduit en décombres. L'histoire est étudiée au milieu de ses ruines.
Ce fut la charge de l'Église de nous rappeler tout ce qui précède ; diriger nos yeux vers le Ciel, vers ce qui est réel et durable. Mais nous avons vu, récemment, un changement radical dans la rhétorique papale. Ce changement a commencé au Concile Vatican II et semble avoir atteint son apogée sous le pontificat du Pape François.
Nous faisons l’objet presqu’à tous les jours des exhortations de la Casa Santa Marta, où François vit et livre ses homélies pour diriger notre regard vers le monde. On nous parle de l'impératif moral d'accueillir le flux continu des Musulmans en Europe et en Amérique du Nord et de s'opposer aux gouvernements laïcs qui restreindraient cette immigration pour préserver le caractère Chrétien de leur culture et de leur nation. On nous parle de l'impératif moral de protéger l'environnement, peu importe ce que cela peut vouloir dire, et de l'inquiétude suscitée par le sort des marécages de mangrove et l'utilisation effrénée de la climatisation qui sont évoqués dans les Encycliques. On nous parle des maux de la fabrication des armes, du capitalisme, des bas salaires et des logements insalubres, des inégalités sociales et économiques de toutes sortes.
Et bien que ce barrage constant de remontrances papales, de dénonciations et de remèdes proposés soit rédigé dans un langage moral et que des passages de l'Écriture soient invoqués ( parfois à tort ), ces exhortations sont essentiellement axées sur le monde : il s'agit d'une supposée demande Évangélique à faire de nos sociétés des modèles d'égalitarisme. Tout repose sur la présomption que l'Évangile vise à faire de ce monde notre maison.
Nous sommes ensuite invités à mesurer notre fidélité à l'Évangile par nos efforts pour promouvoir la justice sociale, comme le définit le Pape. Nous sommes même réprimandés pour avoir reçu l'idée que la sainteté est personnelle. Selon François, un tel souci de la sainteté individuelle est un détournement de notre plus grande obligation de faire de ce monde un monde meilleur.
Mais peu importe comment nous pouvons nous démener dans ce que le Pape considère comme des causes progressistes, tout ce que nous accomplirons sera de courte durée. Aucune société, aussi éclairée ou misérable, ne peut prétendre à un long bail sur la vie. Aucun bien terrestre, aussi noble soit-il, ne peut remplacer le bien spirituel. Et lier le premier au second, c'est déformer le cœur de l'Évangile.
Nous oublions facilement que nous ne sommes pas d’ici. Notre maison est le paradis, pas ce monde déchu. Et tout ce que nous pouvons accomplir dans cette courte vie qui nous a été donnée ne peut avoir aucune valeur durable à moins de nous rapprocher de Dieu. Cela signifie, bien sûr, que tout ce qui se passe ici est relatif à notre destination finale. Le « ici » est toujours un moyen, pas une fin. Dans la Divine Providence, tout peut être utilisé pour accomplir notre salut, même la pauvreté et l'injustice.
Quand Job a finalement succombé à son désir de savoir pourquoi il avait souffert et l’a demandé au Seigneur, il a été répondu à partir d’un tourbillon : « Où étais-tu quand j'ai posé les fondations de la Terre ? » En d'autres termes, comment pouvez-vous présumer comprendre la Conception Divine de la Création et votre place dans ce Plan ? Comment pouvez-vous jamais savoir, avec l'esprit humain limité, ce qui transcende l'espace et le temps ?
Connaissant nos limites, nous ne devrions jamais penser que nous pouvons refaire le monde ; que nous pouvons corriger le Plan Divin et faire de cette vallée de larmes un jardin d'Eden de notre propre conception. Nous ne devrions jamais non plus encourager en nous le désir de le faire. Bientôt, beaucoup plus tôt que nous pourrions l'imaginer, nous serons appelés à sortir de ce monde. Ensuite, tous nos grands projets et nos réalisations, aussi merveilleux soient-ils, disparaîtront. Alors, ce qui est réel restera : notre âme aux yeux de Dieu. Nous ferions bien de vivre dans cette réalité maintenant, autant que nous le pouvons.
Quand Notre-Dame est apparue à Fatima, elle a parlé du salut des âmes, de la prière et de la pénitence, de la nécessité de consacrer la Russie à Son Coeur Immaculé, et non de la réforme sociale ni de l'égalité économique ni de l'immigration. Il est vrai qu'elle a promis une période de paix à l'Humanité après la Consécration de la Russie, mais cette paix nous sera donnée d'en haut à la suite de la Grâce miraculeuse de la conversion que Notre-Dame accomplit alors dans les âmes. Le fondement de ce don de paix sera que les hommes sont en paix avec Notre-Seigneur. En attendant, alors que nous attendons et prions pour le Triomphe de Notre-Dame, nous avons encore la consolation de la paix intérieure que le Christ a laissée à ses disciples. Celui qui est en paix avec Dieu peut vivre dans cette paix, quelles que soient les circonstances, car le monde est alors vu pour ce qu'il est : la Création de Dieu, pas la nôtre. Et notre responsabilité n'est pas de faire de ce monde un monde meilleur, mais de faire du Paradis notre patrie.
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