Par : Benedict Constable
SOURCE : Rorate Caeli
Pas trop longtemps, comme je m’en souviens, l'Église Catholique à travers le monde chantait les louanges de Jean-Paul II.
N’est-ce pas consternant, pour ne pas dire hypocrite, que tant de gens puissent faire honneur du bout des lèvres à la vie d'un pape tout en oubliant commodément son enseignement sans équivoque sur les absolus de la loi morale et les besoins exigeants de l'Évangile ? Très probablement le plus grand héritage doctrinal de son pontificat est son encyclique fondamental Veritatis Splendor de 1993, la première description exhaustive des fondements de la théologie morale dans le Magistère pontifical.
Curieusement, il semble avoir échappé à l'attention de certains membres de la hiérarchie que l'enseignement magistral de cette encyclique condamne à l’avance les propositions « pastorales » scandaleuses du Cardinal Kasper qui violent la Doctrine Catholique sur l'indissolubilité du mariage — propositions répétées honteusement une fois de plus dans l’Instrumentum Laboris (voir un sommaire critique de ce document ici) du prochain Synode sur la famille en octobre à 2015.
Toute personne qui envisage de s’engager sur ces questions d'une manière publique ferait mieux de se réserver un week-end pour lire (ou relire) Veritatis Splendor car cette encyclique expose les racines profondes de toute la discussion et montre clairement ce qui est en jeu : la Mission de Notre- Seigneur Jésus-Christ, la crédibilité de la Nouvelle Alliance, la réalité de la Grâce de Dieu et l'infaillibilité de l'Église.
Alors que l'on pourrait utilement citer presque toute l'encyclique, ce qui suit sont quelques passages particulièrement pertinents pour notre temps.
Extraits de l'encyclique Veritatis Splendor (1993)
26. Dans la catéchèse morale des Apôtres, parallèlement aux exhortations et aux indications relatives au contexte historique et culturel, se trouve un enseignement éthique avec des normes précises de comportement. Cela apparaît aussi dans leurs Lettres, qui contiennent l'interprétation, guidée par l'Esprit Saint, des préceptes du Seigneur à vivre dans les différentes situations culturelles (cf. Rm 12-15 ; 1 Co 11-14 ; Ga 5-6 ; Ep 4-6 ; Col 3-4 ; 1 P ; Jc ). Aux débuts de l'Eglise, chargés de la prédication évangélique, les Apôtres ont veillé sur la rectitude de la conduite des chrétiens, en vertu de leur responsabilité pastorale, comme ils ont veillé également sur la pureté de la foi et sur la transmission des dons divins par les sacrements
Aucune déchirure ne doit briser l'harmonie entre la foi et la vie : l'unité de l'Église est blessée non seulement par les chrétiens qui refusent ou déforment la vérité de la foi, mais encore par ceux qui méconnaissent les obligations morales auxquelles l'Évangile les appelle (cf. 1 Co 5, 9-13). Avec fermeté, les Apôtres ont refusé toute dissociation entre l'engagement intérieur et les gestes qui l'expriment et le confirment (cf. 1 Jn 2, 3-6).
Et depuis les temps apostoliques, les Pasteurs de l'Eglise ont dénoncé clairement les manières d'agir de ceux qui étaient des fauteurs de division par leurs enseignements et par leurs comportements. |
49. Une doctrine qui dissocie l'acte moral des dimensions corporelles de son exercice est contraire aux enseignements de la Sainte Écriture et de la Tradition : une telle doctrine fait revivre, sous des formes nouvelles, certaines erreurs anciennes que l'Église a toujours combattues, car elles réduisent la personne humaine à une liberté « spirituelle » purement formelle. Cette réduction méconnaît la signification morale du corps et des comportements qui s'y rattachent (cf. 1 Co 6, 19). L'Apôtre Paul déclare que n'hériteront du Royaume de Dieu « ni impudiques, ni idolâtres, ni adultères, ni dépravés, ni gens de mœurs infâmes, ni voleurs, ni cupides, pas plus qu'ivrognes, insulteurs ou rapaces » (1 Co 6, 9-10). Cette condamnation — formellement exprimée par le Concile de Trente — met au nombre des « péchés mortels », ou des « pratiques infâmes », certains comportements spécifiques dont l'acceptation volontaire empêche les croyants d'avoir part à l'héritage promis. En effet, le corps et l'âme sont indissociables : dans la personne, dans l'agent volontaire et dans l'acte délibéré, ils demeurent ou se perdent ensemble. |
52. ... Les préceptes négatifs de la loi naturelle sont universellement valables : ils obligent tous et chacun, toujours et en toute circonstance. En effet, ils interdisent une action déterminée semper et pro semper, sans exception, parce que le choix d'un tel comportement n'est en aucun cas compatible avec la bonté de la volonté de la personne qui agit, avec sa vocation à la vie avec Dieu et à la communion avec le prochain. Il est défendu à tous et toujours de transgresser des préceptes qui interdisent, à tous et à tout prix, d'offenser en quiconque et, avant tout, en soi-même la dignité personnelle commune à tous.
D'autre part, le fait que seuls les commandements négatifs obligent toujours et en toutes circonstances ne veut pas dire que les prohibitions soient plus importantes dans la vie morale que le devoir de faire le bien, exprimé par les comportements positifs. La raison en est plutôt la suivante : le commandement de l'amour de Dieu et de l'amour du prochain ne comporte dans sa dynamique positive aucune limite supérieure, mais il a une limite inférieure en dessous de laquelle il est violé. En outre, ce que l'on doit faire dans une situation déterminée dépend des circonstances, qui ne sont pas toutes prévisibles à l'avance ; au contraire, il y a des comportements qui ne peuvent jamais, et dans aucune situation, être la réponse juste, c'est-à-dire conforme à la dignité de la personne. Enfin, il est toujours possible que l'homme, sous la contrainte ou en d'autres circonstances, soit empêché d'accomplir certaines bonnes actions ; mais il ne peut jamais être empêché de ne pas faire certaines actions, surtout s'il est prêt à mourir plutôt que de faire le mal.
L'Église a toujours enseigné que l'on ne doit jamais choisir des comportements prohibés par les commandements moraux, exprimés sous forme négative par l'Ancien et le Nouveau Testament. Comme on l'a vu, Jésus lui-même redit qu'on ne peut déroger à ces interdictions : « Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements ». « Tu ne tueras pas, tu ne commettras pas d'adultère, tu ne voleras pas, tu ne porteras pas de faux témoignage » (Mt 19, 17-18). |
56. Pour justifier de telles positions, certains ont proposé une sorte de double statut de la vérité morale. En plus du niveau doctrinal et abstrait, il faudrait reconnaître l'originalité d'une certaine considération existentielle plus concrète. Celle-ci, compte tenu des circonstances et de la situation, pourrait légitimement fonder des exceptions à la règle générale et permettre ainsi d'accomplir pratiquement, avec une bonne conscience, ce que la loi morale qualifie d'intrinsèquement mauvais. Ainsi s'instaure dans certains cas une séparation, voire une opposition, entre la doctrine du précepte valable en général et la norme de la conscience de chacun, qui déciderait effectivement, en dernière instance, du bien et du mal. Sur ce fondement, on prétend établir la légitimité de solutions prétendument « pastorales », contraires aux enseignements du Magistère, et justifier une herméneutique « créatrice », d'après laquelle la conscience morale ne serait nullement obligée, dans tous les cas, par un précepte négatif particulier.
Il n'est personne qui ne comprenne qu'avec ces positions on se trouve devant une mise en question de l'identité même de la conscience morale face à la liberté de l'homme et à la Loi de Dieu. Seuls les éclaircissements apportés plus haut sur le lien entre liberté et loi, lien fondé sur la vérité, rendent possible le discernement à faire sur cette interprétation « créative » de la conscience. |
84. Le problème fondamental que les théories morales évoquées plus haut posent avec une particulière insistance est celui du rapport entre la liberté de l'homme et la Loi de Dieu ; en dernier ressort, c'est le problème du rapport entre la liberté et la vérité. Selon la foi chrétienne et la doctrine de l'Église, « seule la liberté qui se soumet à la Vérité conduit la personne humaine à son vrai bien. Le bien de la personne est d'être dans la Vérité et de faire la Vérité »
La confrontation de la position de l'Église avec la situation sociale et culturelle actuelle met immédiatement en évidence l'urgence qu'il y a, pour l'Église elle-même, de mener un intense travail pastoral précisément sur cette question fondamentale : « Ce lien essentiel entre vérité-bien-liberté a été perdu en grande partie par la culture contemporaine ; aussi, amener l'homme à le redécouvrir est aujourd'hui une des exigences propres de la mission de l'Église, pour le salut du monde. La question de Pilate " qu'est-ce que la vérité ? ", jaillit aujourd'hui aussi de la perplexité désolée d'un homme qui ne sait plus qui il est, d'où il vient et où il va. Et alors nous assistons souvent à la chute effrayante de la personne humaine dans des situations d'autodestruction progressive. A vouloir écouter certaines voix, il semblerait que l'on ne doive plus reconnaître le caractère absolu et indestructible d'aucune valeur morale. Tous ont sous les yeux le mépris pour la vie humaine déjà conçue et non encore née ; la violation permanente de droits fondamentaux de la personne ; l'injuste destruction des biens nécessaires à une vie simplement humaine. Et même, il est arrivé quelque chose de plus grave : l'homme n'est plus convaincu que c'est seulement dans la vérité qu'il peut trouver le salut. La force salvifique du vrai est contestée et l'on confie à la seule liberté, déracinée de toute objectivité, la tâche de décider de manière autonome de ce qui est bien et de ce qui est mal. Ce relativisme devient, dans le domaine théologique, un manque de confiance dans la sagesse de Dieu qui guide l'homme par la loi morale. A ce que la loi morale prescrit, on oppose ce que l'on appelle des situations concrètes, en ne croyant plus, au fond, que la Loi de Dieu soit toujours l'unique vrai bien de l'homme ». |
88. L'opposition et même la séparation radicale entre la liberté et la vérité sont la conséquence, la manifestation et le résultat d'une dichotomie plus grave et plus néfaste, celle qui dissocie la foi de la morale.
Cette dissociation constitue l'une des préoccupations pastorales les plus vives de l'Église devant le processus actuel de sécularisation, selon lequel des hommes nombreux, trop nombreux, pensent et vivent « comme si Dieu n'existait pas ». Nous nous trouvons en présence d'une mentalité qui affecte, souvent de manière profonde, ample et très répandue, les attitudes et les comportements des chrétiens eux-mêmes, dont la foi est affaiblie et perd son originalité de critère nouveau d'interprétation et d'action pour l'existence personnelle, familiale et sociale. En réalité, dans le contexte d'une culture largement déchristianisée, les critères de jugement et de choix retenus par les croyants eux-mêmes se présentent souvent comme étrangers ou même opposés à ceux de l'Évangile.
Il est alors urgent que les chrétiens redécouvrent la nouveauté de leur foi et la force qu'elle donne au jugement par rapport à la culture dominante et envahissante : « Jadis vous étiez ténèbres — nous avertit l'Apôtre Paul —, mais à présent vous êtes lumière dans le Seigneur ; conduisez-vous en enfants de lumière ; car le fruit de la lumière consiste en toute bonté, justice et vérité. Discernez ce qui plaît au Seigneur, et ne prenez aucune part aux œuvres stériles des ténèbres ; dénoncez-les plutôt... Ainsi, prenez bien garde à votre conduite ; qu'elle soit celle non d'insensés, mais de sages, qui tirent bon parti de la période présente ; car nos temps sont mauvais » (Ep 5, 8-11.15-16 ; cf. 1 Th 5, 4-8). |
89. La foi a aussi un contenu moral : elle est source et exigence d'un engagement cohérent de la vie ; elle comporte et perfectionne l'accueil et l'observance des commandements divins. Comme l'écrit l'évangéliste Jean, « Dieu est Lumière, en lui point de ténèbres. Si nous disons que nous sommes en communion avec lui alors que nous marchons dans les ténèbres, nous mentons, nous ne faisons pas la vérité... A ceci nous savons que nous le connaissons : si nous gardons ses commandements. Qui dit : " Je le connais ", alors qu'il ne garde pas ses commandements, est un menteur, et la vérité n'est pas en lui. Mais celui qui garde sa parole, c'est en lui vraiment que l'amour de Dieu est accompli. A cela nous savons que nous sommes en lui. Celui qui prétend demeurer en lui doit se conduire à son tour comme celui-là s'est conduit » (1 Jn 1, 5-6 ; 2, 3-6). |
91. ...L'Église propose l'exemple de nombreux saints et saintes qui ont rendu témoignage à la vérité morale et l'ont défendue jusqu'au martyre, préférant la mort à un seul péché mortel. En les élevant aux honneurs des autels, l'Église a canonisé leur témoignage et déclaré vrai leur jugement, selon lequel l'amour de Dieu implique obligatoirement le respect de ses commandements, même dans les circonstances les plus graves, et le refus de les transgresser, même dans l'intention de sauver sa propre vie. |
93. Le martyre est enfin signe éclatant de la sainteté de l'Eglise : la fidélité à la Loi sainte de Dieu, à laquelle il est rendu témoignage au prix de la mort, est une proclamation solennelle et un engagement missionnaire usque ad sanguinem pour que la splendeur de la vérité morale ne soit pas obscurcie dans les mœurs et les mentalités des personnes et de la société. Un tel témoignage a une valeur extraordinaire en ce qu'il contribue, non seulement dans la société civile, mais aussi à l'intérieur des communautés ecclésiales elles-mêmes, à éviter que l'on ne sombre dans la crise la plus dangereuse qui puisse affecter l'homme : la confusion du bien et du mal qui rend impossible d'établir et de maintenir l'ordre moral des individus et des communautés. Les martyrs et, plus généralement, tous les saints de l'Église, par l'exemple éloquent et attirant d'une vie totalement transfigurée par la splendeur de la vérité morale, éclairent toutes les époques de l'histoire en y réveillant le sens moral. Rendant un témoignage sans réserve au bien, ils sont un vivant reproche pour ceux qui transgressent la loi (cf. Sg 2, 12) et ils donnent une constante actualité aux paroles du prophète : « Malheur à ceux qui appellent le mal bien et le bien mal, qui font des ténèbres la lumière et de la lumière les ténèbres, qui font de l'amer le doux et du doux l'amer » (Is 5, 20).
Si le martyre représente le sommet du témoignage rendu à la vérité morale, auquel relativement peu de personnes sont appelées, il n'en existe pas moins un témoignage cohérent que tous les chrétiens doivent être prêts à rendre chaque jour, même au prix de souffrances et de durs sacrifices. En effet, face aux nombreuses difficultés que la fidélité à l'ordre moral peut faire affronter même dans les circonstances les plus ordinaires, le chrétien est appelé, avec la grâce de Dieu implorée dans la prière, à un engagement parfois héroïque, soutenu par la vertu de force par laquelle — ainsi que l'enseigne saint Grégoire le Grand — il peut aller jusqu'à « aimer les difficultés de ce monde en vue des récompenses éternelles » |
95. La doctrine de l'Église et, en particulier, sa fermeté à défendre la validité universelle et permanente des préceptes qui interdisent les actes intrinsèquement mauvais est maintes fois comprise comme le signe d'une intolérable intransigeance, surtout dans les situations extrêmement complexes et conflictuelles de la vie morale de l'homme et de la société aujourd'hui, intransigeance qui contrasterait avec le caractère maternel de l'Église. Cette dernière, dit-on, manque de compréhension et de compassion. Mais, en réalité, le caractère maternel de l'Église ne peut jamais être séparé de la mission d'enseignement qu'elle doit toujours remplir en Épouse fidèle du Christ qui est la Vérité en personne : « Éducatrice, elle ne se lasse pas de proclamer la norme morale... L'Église n'est ni l'auteur ni l'arbitre d'une telle norme. Par obéissance à la Vérité qui est le Christ, dont l'image se reflète dans la nature et dans la dignité de la personne humaine, l'Église interprète la norme morale et la propose à tous les hommes de bonne volonté, sans en cacher les exigences de radicalisme et de perfection ».
En réalité, la vraie compréhension et la compassion naturelle doivent signifier l'amour de la personne, de son bien véritable et de sa liberté authentique. Et l'on ne peut certes pas vivre un tel amour en dissimulant ou en affaiblissant la vérité morale, mais en la proposant avec son sens profond de rayonnement de la Sagesse éternelle de Dieu, venue à nous dans le Christ, et avec sa portée de service de l'homme, de la croissance de sa liberté et de la recherche de son bonheur.
En même temps, la présentation claire et vigoureuse de la vérité morale ne peut jamais faire abstraction du respect profond et sincère, inspiré par un amour patient et confiant, dont l'homme a toujours besoin au long de son cheminement moral rendu souvent pénible par des difficultés, des faiblesses et des situations douloureuses. L'Église, qui ne peut jamais renoncer au principe « de la vérité et de la cohérence, en vertu duquel Elle n'accepte pas d'appeler bien ce qui est mal et mal ce qui est bien », doit toujours être attentive à ne pas briser le roseau froissé et à ne pas éteindre la mèche qui fume encore (cf. Is 42, 3). Paul VI a écrit : « Ne diminuer en rien la salutaire doctrine du Christ est une forme éminente de charité envers les âmes. Mais cela doit toujours être accompagné de la patience et de la bonté dont le Seigneur lui-même a donné l'exemple en traitant avec les hommes. Venu non pour juger, mais pour sauver (cf. Jn 3, 17), il fut certes intransigeant avec le mal, mais miséricordieux envers les personnes ». |
102. Même dans les situations les plus difficiles, l'homme doit observer les normes morales par obéissance aux saints commandements de Dieu et en conformité avec sa dignité personnelle. Assurément l'harmonie entre la liberté et la vérité demande parfois des sacrifices hors du commun et elle se conquiert à grand prix, ce qui peut aller jusqu'au martyre. Mais, comme l'atteste l'expérience universelle et quotidienne, l'homme est tenté de rompre cette harmonie : « Je ne fais pas ce que je veux, mais je fais ce que je hais... Je ne fais pas le bien que je veux et commets le mal que je ne veux pas » (Rm 7, 15.19).
D'où provient, en fin de compte, cette division intérieure de l'homme ? Celui-ci commence son histoire de pécheur lorsqu'il ne reconnaît plus le Seigneur comme son Créateur, et lorsqu'il veut décider par lui-même ce qui est bien et ce qui est mal, dans une indépendance totale. « Vous serez comme Dieu, connaissant le bien et le mal » (Gn 3, 5), c'est là la première tentation, à laquelle font écho toutes les autres, alors que l'homme est plus aisément enclin à y céder à cause des blessures de la chute originelle.
Mais on peut vaincre les tentations et l'on peut éviter les péchés, parce que, avec les commandements, le Seigneur nous donne la possibilité de les observer : « Ses regards sont tournés vers ceux qui le craignent, il connaît lui-même toutes les œuvres des hommes. Il n'a commandé à personne d'être impie, il n'a donné à personne licence de pécher » (Si 15, 19-20). Dans certaines situations, l'observation de la Loi de Dieu peut être difficile, très difficile, elle n'est cependant jamais impossible. C'est là un enseignement constant de la tradition de l'Église que le Concile de Trente exprime ainsi : « Personne, même justifié, ne doit se croire affranchi de l'observation des commandements. Personne ne doit user de cette formule téméraire et interdite sous peine d'anathème par les saints Pères que l'observation des commandements divins est impossible à l'homme justifié. " Car Dieu ne commande pas de choses impossibles, mais en commandant il t'invite à faire ce que tu peux et à demander ce que tu ne peux pas " et il t'aide à pouvoir. " Ses commandements ne sont pas pesants M M1 Jn 5, 3), " son joug est doux et son fardeau léger " (cf. Mt 11, 30) » |
103. L'espace spirituel de l'espérance est toujours ouvert pour l'homme, avec l' aide de la grâce divine et avec la coopération de la liberté humaine.
C'est dans la Croix salvifique de Jésus, dans le don de l'Esprit Saint, dans les sacrements qui naissent du côté transpercé du Rédempteur (cf. Jn 19, 34) que le croyant trouve la grâce et la force de toujours observer la Loi sainte de Dieu, même au milieu des plus graves difficultés. Comme le dit saint André de Crète : « En vivifiant la Loi par la grâce, Dieu a mis la loi au service de la grâce, dans un accord harmonieux et fécond, sans mêler à l'une ce qui appartient à l'autre, mais en transformant de manière vraiment divine ce qui était pénible, asservissant et insupportable, pour le rendre léger et libérateur ».
Les possibilités « concrètes » de l'homme ne se trouvent que dans le mystère de la Rédemption du Christ. « Ce serait une très grave erreur que d'en conclure que la règle enseignée par l'Église est en elle même seulement un " idéal " qui doit ensuite être adapté, proportionné, gradué, en fonction, dit-on, des possibilités concrètes de l'homme, selon un " équilibrage des divers biens en question ". Mais quelles sont les " possibilités concrètes de l'homme " ? Et de quel homme parle-t-on ? De l'homme dominé par la concupiscence ou bien de l'homme racheté par le Christ ? Car c'est de cela qu'il s'agit : de la réalité de la Rédemption par le Christ. Le Christ nous a rachetés ! Cela signifie : il nous a donné la possibilité de réaliser l' entière vérité de notre être ; il a libéré notre liberté de la domination de la concupiscence. Et si l'homme racheté pèche encore, cela est dû non pas à l'imperfection de l'acte rédempteur du Christ, mais à la volonté de l'homme de se soustraire à la grâce qui vient de cet acte. Le commandement de Dieu est certainement proportionné aux capacités de l'homme, mais aux capacités de l'homme auquel est donné l'Esprit Saint, de l'homme qui, s'il est tombé dans le péché, peut toujours obtenir le pardon et jouir de la présence de l'Esprit » |
104. Dans ce contexte se situe une juste ouverture à la miséricorde de Dieu pour le péché de l'homme qui se convertit et à la compréhension envers la faiblesse humaine. Cette compréhension ne signifie jamais que l'on compromet ou que l'on fausse la mesure du bien et du mal pour l'adapter aux circonstances. Tandis qu'est humaine l'attitude de l'homme qui, ayant péché, reconnaît sa faiblesse et demande miséricorde pour sa faute, inacceptable est au contraire l'attitude de celui qui fait de sa faiblesse le critère de la vérité sur le bien, de manière à pouvoir se sentir justifié par lui seul, sans même avoir besoin de recourir à Dieu et à sa miséricorde. Cette dernière attitude corrompt la moralité de toute la société, parce qu'elle enseigne le doute sur l'objectivité de la loi morale en général et le refus du caractère absolu des interdits moraux portant sur des actes humains déterminés, et elle finit par confondre tous les jugements de valeur. |
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