NOUVELLES ANALYSE : Cette « théologie narrative » basée sur l'expérience vécue — et les conséquences de son adoption — est la vraie nouvelle de la rencontre à huis clos du 25 mai à Rome.
par Andrea Gagliarducci / CNA / EWTN
SOURCE : National Catholic Register
ROME - Un prêtre catholique qui a participé à la réunion à huis-clos de mai dernier dont le but était d’exhorter des « innovations pastorales » pour le prochain synode sur la famille en octobre a suggéré que les actes que l'Église considère intrinsèquement mauvais — la contraception et l'activité homosexuelle — ne peuvent plus être considérés comme tels compte tenu de l'expérience de l'individu.
Le Père Jésuite Alain Parmi Thomasset faisait partie des quelques 50 participants, y compris des Évêques, des théologiens et des représentants choisis des média qui ont pris part à la rencontre sur invitation seulement du 25 mai à la demande des Présidents des Conférences des Évêques de l'Allemagne, de la Suisse et de la France — Cardinal Reinhard Marx, l’Évêque Markus Büchel et Mgr Georges Pontier.
Seuls quelques journalistes ont été invités à participer à la réunion — à la condition qu'ils n’attribuent pas de nom ce qu'ils ont entendu. Un participant a dit au site Catholic News Agency qu’on leur interdisait de donner des entrevues parce que « la confidentialité a été demandée sur les discussions en jeu ».
Près de deux mois plus tard, la Conférence des Évêques Allemands a publié le texte des discussions de la réunion, en français, allemand et en italien. Il manquait, cependant, le discours de la fin du Cardinal Marx de Munich et Freising.
L'introduction du document explique que la rencontre a été divisée en trois parties : 1) une réflexion sur les Paroles du Christ sur le mariage et le divorce ; 2) sur la sexualité comme une expression de l'amour et d’« une théologie de l'amour » ; 3) et sur le don de la vie et « une théologie narrative » — théologie basée sur l'expérience personnelle.
Le Père Thomasset, un professeur de théologie morale au Centre Sèvres, une université jésuite à Paris, a présenté la « théologie narrative » dans son discours.
Son article était intitulé « Prenant en considération l'histoire et les développements biographiques de la vie morale et pastorale de la famille » et, dans son article, il rejeté l'idée qu’un acte peut être intrinsèquement mauvais.
Il a soutenu que « l'interprétation de la doctrine des actes connus comme « intrinsèquement mauvais » est apparemment l'une des principales sources de difficulté qui est rencontrée actuellement dans la pastorale de la famille, car elle détermine dans une large mesure la condamnation de la contraception artificielle, des actes sexuels par les couples homosexuels divorcés et remariés et ce, même quand ils sont stables ».
« Pastoralement contreproductif »
Concernant la compréhension de certains actes comme intrinsèquement mauvais, le Père Thomasset a dit : « Ça semble incompréhensible pour beaucoup et ça semble pastoralement contre-productif ». Il a ajouté que bien que « ça insiste à juste titre sur des points de référence comme objectifs de la vie morale, ça néglige précisément la dimension biographique de l'existence et les conditions spécifiques de chaque pèlerinage individuel ».
Il affirme qu’un « histoire et une perspective biographique oblige à croire qu’une évaluation morale ne couvre pas des actes isolés, mais plutôt des actes humains inclus dans une histoire » et que, par conséquent, « l'on ne devrait pas être trop rapide pour qualifier un acte sexuel ou la contraception comme intrinsèquement mauvais. »
Le Père Thomasset se basait sur une compréhension particulière de la primauté de la conscience, en disant que « les références éthiques objectives fournies par l'Église sont un seul élément (essentiel, certes, mais pas le seul utilisées au sein de la conscience personnelle ».
« Comment allons-nous prendre en compte la différence entre un acte adultère et les relations sexuelles au sein d'un couple de personnes remariées stables ? » demanda-t-il.
Il fit le commentaire que « ce serait un grand avantage pour l'élaboration des normes morales et des mesures pastorales s’il y avait une augmentation de l’écoute de l'expérience et du sensus fidei (sens de la foi) des couples qui cherchent à mieux vivre leur appel à la sainteté » ajoutant que « la communication divine et sa réception de la part de l’individu croyant sont co-originaires ».
Puis le Père Thomasset a proposé une interprétation des actes moraux humains « en restant dans le cadre de la Tradition Catholique, qui porteraient diverses conséquences ».
La première de ces conséquences, a-t-il dit, est que : « dans certains cas, en particulier en raison des circonstances, les actes sexuels des couples remariés ne seraient plus être considérés comme moralement coupables. Cela leur ouvrirait l’accès aux Sacrements de la Réconciliation et de l'Eucharistie ». A l'appui de cela, il a cité un essai de 1972 par Père Joseph Ratzinger, qui a depuis longtemps été répudié et retiré par son auteur.
Les autres conséquences : l'utilisation de contraceptifs ne serait pas moralement répréhensible aussi longtemps que le couple soit marié et « reste ouvert » à accueillir la vie ; et la « responsabilité morale subjective » des actes sexuels entre homosexuels dans une relation stable et fidèle serait « réduite ou éliminée ».
« C’est d'aider les gens à vivre de la meilleure façon humainement possible dans la voie de la croissance vers le désirable, » écrit le Père Thomasset.
Indissolubilité du mariage
La première partie du «Concile Fantôme » comportait des entretiens par les théologiens Anne-Marie Pellettier et Thomas Soeding, qui ont tous deux préconisé le « développement » de la compréhension de l'Église du mariage en tant qu’indissoluble.
Pellettier a souligné que les Paroles du Christ sur le divorce dans Matthieu 19 (« au début, ce n’était pas ainsi ») doivent être contextualisées dans le monde juif à qui Il parlait et doivent être lues à travers la lentille de l'anthropologie plutôt que comme une déclaration juridique .
« La Tradition Catholique sur l'indissolubilité est basée sur une interprétation disciplinaire de ce texte, en dépit de son contenu kérygmatique [qui concerne l'étude du message évangélique.] », a-t-elle avancé avec force, c’est-à-dire : « le lien conjugal, dans les termes dans lesquels Jésus l'exprime, est strictement lié à la vocation de ceux qui, par le baptême, seront immergés dans la mort et la résurrection du Christ ».
La théologienne française a souligné que les défis d'aujourd'hui « sont une prolongation de l'expérience de l'Église Catholique dans le cours d'une histoire dans laquelle elle n'a pas cessé de veiller fermement sur l’indissolubilité tandis que les coutumes ont largement rejeté ce principe accepté par les sociétés chrétiennes ».
Elle a suggéré que la situation anthropologique actuelle de la sécularisation est « totalement nouvelle » et « nécessite probablement » un « développement » théologique.
Pellettier en a référé au fruit du Synode de 1980 des Évêques sur la famille, Familiaris consortio de Saint John-Paul II (La famille chrétienne dans le monde moderne), qui a noté que « les conjoints rappellent donc en permanence à l'Église ce qui est arrivé sur la Croix. »
Elle a ajouté, cependant, que « le Mystère Pascal ne doit pas apparaître comme ayant échoué lorsque les couples chrétiens vivent une lacération » et qu'un nouveau défi est présenté à ceux qui sont baptisés d’« entreprendre — pour des raisons inséparables de leurs histoires et toujours uniques — une deuxième union ».
« La vérité est que la vie conjugale est pleine de pierres d'achoppement, beaucoup plus que ceux qui sont admis par la théologie du mariage » a-t-elle maintenu.
Soeding a ensuite souligné qu’alors que le mariage est indissoluble, le Synode se tenant en octobre prochain devrait « développer, dans la fidélité à la Volonté de Jésus, la doctrine, la morale et le droit du mariage. La clé réside dans une théologie du mariage et de la famille qui renouvelle le lien entre la foi et l'amour, la grâce et la liberté, l'éthique et le droit. Plus clair et plus attrayant deviendra le modèle chrétien du mariage, plus tôt sera-t-il possible de trouver des moyens pour ces personnes qui ne peuvent pas célébrer d'un tel mariage d’être en mesure de vivre dans l'Église comme un couple heureux ».
Différents points de vue du mariage catholique
Le Père Eberhard Schockenhoff, professeur de théologie morale à l'Université de Fribourg, a parlé de la « théologie de l'amour » et a proposé un point de vue sociologique en citant le psychanalyste Erich Fromm et le sociologue marxiste Theodor Adorno.
Dans son discours, il s’est concentré sur la difficulté de vivre une vie chrétienne dans la société d'aujourd'hui. « En premier lieu, il faut admettre que l'amour peut en effet finir » dit-il. « Si deux personnes prennent la décision définitive d'un projet commun de vie, cela ne signifie pas qu'ils ne peuvent pas revoir leur choix ».
L'irrévocabilité du choix de se marier est, d’après le Père Schockenhoff, « fondée sur ce qu’en fait veut l'amour » et « l'indissolubilité du mariage n’est pas un aspect normatif qui est amené de l'extérieur ; c’est plutôt une demande que les conjoints se font à eux-mêmes quand ils ont confiance dans leur amour. »
François-Xavier Amherdt, professeur de Fribourg, a souligné qu'un acte sexuel qui se passe en dehors du contexte du mariage « reste incomplet » et que « la fécondité est nécessaire pour exercer pleinement la sexualité ». Alors, que faire avec « les relations sexuelles qui tombent en dehors de l’alliance du mariage ? »
Amherdt répondit : Il faut discerner « selon la situation. ... Nous devons sonner un appel plutôt que de condamner compte tenu d’une pastorale d'accompagnement ». Il a exhorté à ne pas considérer toutes les situations de cohabitation comme étant pareilles et que « d’un point de vue moral et pastoral » ces relations ne peuvent pas être « complètement discréditées » comme étant « des carences et qui, en outre dans certains cas, sont dues à des pressions de contexte et à l'absence de références dans l'éducation des sentiments ».
La « théologie de la biographie » a été développée par le théologien Eva-Maria Faber. Elle a écrit que l'Église a toujours mis l'accent sur le mariage comme une vie de communion « qui mène les conjoints à être parfois considérés seulement comme un couple. La personne seule, avec sa biographie personnelle respective, est susceptible de rester exclue ».
Au lieu de cela, Faber axe sur les individus et leurs ambitions personnelles au-delà du mariage et souligne qu’« il est déplorable que même la théologie du mariage de l'Église ne permet pas souvent une attention suffisante accordée à l'individualité des conjoints dans le mariage ».
Elle a suggéré un « point de vue biographique du mariage adaptée aux situations réelles et menant vers une spiritualité correspondant à l'état matrimonial, ce qui pourrait également donner l’opportunité de dispenser le langage de l'Église ».
Une telle vue biographique signifierait que « le cadre doctrinal et normative ne peut pas s’insérer dans le cas par cas de toutes les situations individuelles ; plutôt, il doit rester ouvert à la dignité et au caractère unique des personnes et de leur situation unique » a affirmé Faber. Elle a également demandé que soit instituée « une pratique reconnaissant également les couples » qui « ne répondent pas à la norme » de l'indissolubilité du mariage.
Réconciliation
Dans la discussion qui a suivi les présentations, il a été souligné que « c’est incorrect » d’appeler le remariage « un péché permanent » et que la réconciliation est « sans y renoncer, un chemin pour tous les hommes et à toutes les situations de la vie ».
« Le fait que, pour les divorcés/remariés ... qui sont aussi sexuellement actifs, il n'y a aucune possibilité de réconciliation, est une impasse » a conclu le groupe. « Cette situation doit être surmontée afin de ne pas compromettre davantage la crédibilité de l'Église quand elle parle de l'importance de la réconciliation ».
Les participants à la réunion ont souligné également que le rôle de l'Eucharistie comme « thérapie et consolation » ne devrait pas être éclipsée et entravée par son « symbolisme de l'unité de l'Église ».
En fin de compte, la proposition des Évêques Allemands et ceux qui les appuient est une théologie centrée sur l'humain : elle change selon l'esprit et l'évolution des temps et elle affirme toutes les situations et les choix qui se généralisent.
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