Par: Phil Lawler
Phil Lawler a été journaliste Catholique depuis plus de 30 ans. Il a édité plusieurs revues Catholiques et écrit huit livres. Fondateur de World Catholic News, il est le directeur des nouvelles et analyste en chef à CatholicCulture.org.
SOURCE : Catholic Culture
Le 22 mars 2017
Trois semaines se sont écoulées depuis que Marie Collins a démissionné de la Commission Pontificale pour la Protection des Mineurs (CPPM), se plaignant que le travail du groupe a été contrarié par la résistance à l'intérieur de la Curie Romaine. Quelques jours après son annonce publique, le Cardinal Gerhard Müller, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (CDF) —qui était la cible principale des critiques de Collins — a défendu sa congrégation et a nié se traîner les pieds sur les questions des abus sexuels . Collins a rapidement riposté, réfutant les arguments du Cardinal. Depuis lors, c’est le silence.
Où en sommes-nous ? Est-ce que la Commission spéciale du Pape agit vraiment sous la contrainte ? Ou bien ses membres ont-ils des attentes irréalistes ? Y a-t-il des preuves que le Vatican a adopté une nouvelle attitude dure concernant les abus, ou est-ce que ce sont seulement des paroles mais sans aucune action ? Revoyons les faits disponibles.
Gardez à l'esprit que l'annonce de la démission de Collins n’était pas totalement inattendue. Elle avait souvent montré des signes d'impatience concernant les travaux du CPPM. Ni non plus a-t-elle été le premier membre de la commission à la quitter. Peter Saunders — qui, comme Collins, est une victime d’abus — avait démissionné l'an dernier, après avoir émis une série de commentaires en colère ; il a refusé de démissionner, mais il a été placé involontairement en « congé » pour une durée indéterminée. Puis un autre membre, Claudio Papale, a démissionné en septembre dernier sans aucune explication publique.
En février un membre Australien de la Commission papale, Kathleen McCormack, a témoigné devant une enquête royale Australienne à l’effet que la CPPM était surchargée de travail et sous-financée. Un membre britannique, la Baronne Sheila Hollins, était d’accord. Il y avait des plaintes que les réunions étaient peu fréquentes, que les initiatives étaient ignorées.
Puis une histoire de l'Associated Press a fourni une preuve claire de l'impuissance de la Commission papale :
François mis au rebut le tribunal proposé par la Commission pour les Évêques qui bâclent les cas d'abus suite aux objections juridiques de la congrégation. L’autre importante initiative de la Commission — un guide des lignes directrices pour aider les diocèses à élaborer des politiques de lutte contre les abus et à protéger les enfants — ramasse la poussière. Le Vatican n'a jamais envoyé le guide aux Conférences Épiscopales, comme la Commission l'avait demandé ni ne l’a même affiché sur son site principal Internet touchant aux ressources relatives aux abus.
Collins a cité ces deux sources de frustration — le sabordage du tribunal pour les Évêques négligents et l'absence de mise en œuvre de lignes directrices dans le monde entier — dans son annonce de démission. Pourtant, elle a dit que la « goutte d'eau » avait été le refus CDF à mettre en œuvre une recommandation du CPPM que toutes les victimes de la violence qui ont contacté le Vatican devraient recevoir une réponse personnelle de Rome.
Dans sa réponse à la critique de Collins, le Cardinal Müller a présenté l'argument très raisonnable que le contact personnel avec les victimes d'abus devrait être la responsabilité des Évêques diocésains locaux et non pas des officiels à Rome. Le CDF entend des centaines de cas d'abus originaires de diocèses dans le monde entier. Il semble irréaliste de penser que le CDF deviendrait personnellement familier avec toutes les personnes concernées. Par exemple, un Américain qui fait appel d'une affaire judiciaire devant la Cour Suprême des USA s’attend un procès équitable, mais pas à une note personnelle de l'un des Juges.
Dans sa réponse aux autres critiques toutefois, le Cardinal Müller était moins convaincant. Il a dit que le Tribunal du Vatican que le CPPM avait recommandé — une institution qui pourrait discipliner les Évêques s’ils ne répriment pas les abus — avait été une proposition plutôt qu'un fait établi. Ce n'est pas ce que le Vatican avait indiqué en juin 2015 lorsque le tribunal a été annoncé. « Le Pape François a créé une nouvelle section du tribunal du Vatican pour entendre les cas des Évêques qui ne parviennent pas à protéger les enfants des prêtres sexuellement abusifs » comme Radio Vatican l’avait rapporté. Le Bureau de Presse du Vatican a détaillé les propositions de CPPM pour le tribunal et a conclu : « Le Conseil des Cardinaux a accepté à l'unanimité ces propositions et a décidé de les soumettre au Saint-Père, le Pape François, qui a approuvé les propositions et a autorisé la fourniture des ressources suffisantes à cette fin ».
Ainsi, le tribunal a été créé en juin 2015. Puis, curieusement, rien ne s’est passé. Les semaines passèrent, les mois ont passé, et en dépit de la directive papale indiquant que le nouvel organisme devrait avoir « ressources suffisantes », il n'y avait pas de nominations affectées au tribunal, pas d'espace de bureau désigné et aucune disposition que ce soit n’a non plus été annoncée pour ce qui avait été présenté comme une priorité du Vatican. Puis presque un an plus tard, le Pape François a publié un motu proprio « Come una Madre Amorevole » ( « Comme une Mère aimante »), stipulant qu'un Évêque pourrait être démis de ses fonctions pour négligence si celle-ci entraîne de graves dommages aux fidèles. Le nouveau document ne fait aucune référence du tout au tribunal qui avait déjà été annoncé ; en fait, le motu proprio a clairement indiqué qu'aucun nouveau tribunal n’était nécessaire, étant donné que les Évêques pouvaient être disciplinés par les dicastères existants du Vatican. Ainsi, la proposition de CPPM a été abandonnée.
Maintenant, des mois plus tard, le Cardinal Müller a expliqué cette séquence bizarre d'événements. Après que le Pape eut approuvé le tribunal, dit-il, les responsables du Vatican ont discuté du plan et a conclu que la tâche disciplinaire pouvait être assurée par la Congrégation pour les Évêques (et la Congrégation pour les Églises Orientales pour les Évêques des Rites orientaux, ou la Congrégation pour l'Évangélisation pour ceux dans les territoires de mission). Donc, la plainte de Marie Collins est au moins partiellement correcte : la Curie Romaine a fait bloquer la mise en œuvre du plan de CPPM.
Par contre, le Cardinal Müller est juste en affirmant que l'objectif fondamental du CPPM—la création d'un moyen de discipliner les Évêques négligents—a été atteint. De toute évidence, le Pape François était convaincu que l'approche préconisée par la Curie romaine était supérieure à l'approche qu'il avait approuvée un an plus tôt. Ce qui est curieux au sujet de cet épisode est le fait que la Curie a discuté apparemment l'approche seulement après que la proposition initiale a été approuvée. Le CPPM, le Conseil des Cardinaux et le Pape avaient mis en place une importante politique nouvelle sans avoir consulté les fonctionnaires les plus concernés.
Dans sa réponse au Cardinal Müller, Marie Collins a produit d'autres preuves que le CPPM ne travaille pas en étroite collaboration avec d'autres bureaux du Vatican. Elle s’est plainte que les fonctionnaires du CDF ne participaient pas aux réunions de CPPM ou ne répondaient pas aux invitations pour des discussions. L'image qui se dégage est d'une Commission papale détachée des bureaux réguliers du Vatican : une Commission qui ne peut convaincre d'autres responsables du Vatican de coopérer, même pour afficher ses recommandations sur le site web du Vatican !
Marie Collins accuse la Curie Romaine de ne être pas sympathique à la CPPM, et dans sa réponse, le Cardinal Müller prête indirectement foi à cette plainte en laissant entendre que la CPPM ne reconnaît pas les réalités du travail au Vatican. Donc, est-ce que la CPPM est déraisonnable ou est-ce que la CDF fait preuve d’intransigeance ? Dans un sens important, ça n'a pas d'importance. D'une façon ou d’une autre, deux importants organismes du Vatican ne coopèrent pas efficacement. Le fait qu'il n'ont pas été conçus pour coopérer par des directives claires émanant de plus haut, suggère que — malheureusement, mettons la rhétorique de côté—la quête pour mettre fin au scandale des abus sexuels n’est toujours pas une priorité du Vatican.
Donnons la parole à un autre membre concerné de la Commission pontificale, le Père Hans Zollner : « La question demeure à savoir si les responsables de l'Église poursuivront activement le thème de l'auto-motivation ou seulement lorsque les scandales deviendront publics ».
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