jeudi 15 septembre 2016

Un geste bizarre du Pape

Par : Robert Royal
Le 14 septembre 2016 - 13 :45 EST

Dr. Robert Royal est président de l’Institut Foi et Raison à Washington, DC. Il a été un commentateur fréquent sur la chaîne EWTN, particulièrement au cours des derniers Synodes sur la Famille. Royal a reçu son BA et MA de l'Université Brown et son Doctorat de l'Université Catholique d'Amérique. Il a enseigné à l'Université Brown, au Rhode Island College et l'Université Catholique d'Amérique. De 1980 à 1982, il était rédacteur en chef du magazine Prospect à Princeton, New Jersey. De 1986 à 1999, il a servi comme vice-président du Centre d'éthique et de politique publique ainsi que le président George Weigel 1989-1996.



SOURCE : Life Site News


14 septembre 2016 (The Catholic Thing) - Alors maintenant, nous le savons. Nous le savions avant, vraiment, mais nous n'avions pas eu de confirmation explicite. La longue corvée angoissante, cependant, est enfin terminée : de l'invitation du Pape François au Cardinal Kasper à l’allocution aux Évêques à Rome en février 2014 jusqu’à la lettre du Pape la semaine dernière à certains Évêques Argentins confirmant les directives qu'ils ont définies dans un document commun qui , dans des « cas exceptionnels », les gens divorcés remariés (vivant dans une relation « adultère » comme nous l’avons crue depuis 2000 ans dans le Christianisme Occidental), peuvent recevoir la Sainte Communion. Toute cette affaire est bizarre. Aucune autre expression ne peut faire.

Comme je l'ai écrit sur cette page plusieurs fois avant les deux Synodes sur la Famille, à tous les jours au cours de ces événements et par la suite, il était clair — au moins pour moi — que le Pape voulait que ses frères Évêques approuvent une certaine forme de ce qui est venue à être connue comme la Proposition Kasper. Mais il n'a pas obtenu cette approbation —il a vécu en effet une rebuffade importante de la part d’Évêques de diverses régions du globe — ce qui l’a visiblement mis en colère et l’a même conduit à être désobligeant à la fin du deuxième Synode alors que certaines opinions ont « parfois » exprimé cette allocution de clôture comme étant « malheureuse, pas de façon tout à fait bien intentionné ».

Eh bien, un homme qui n’est pas tout à fait bien intentionné dans ses moyens convainc les autres de rester fidèles à la Parole de Jésus. Et depuis lors, et même après la publication de Amoris Laetitia, les Catholiques — en fait, le monde entier — ont été en proie à la spéculation tumultueuse et stérile de savoir si les choses avaient changé ou non. Même la note notoire 351 d’Amoris Laetitia, pour tous les soucis qu'elle a causés aux Catholiques Traditionnels, n'est pas vraiment ressortie et fait dire ce que le Pape en pensait de façon manifeste.

L'étonnement était compréhensible. Est-ce qu’un Pape n’a jamais changé quelque chose d'une telle importance par des notes de bas de page confuses et, maintenant, par une lettre privée à un petit groupe d'Évêques régionaux ? Dans ce contexte obscur, le Pape est tout à fait catégorique : « Le document est très bon et explique complètement le sens du chapitre VIII d’Amoris Laetitia. Il n'y a pas d'autres interprétations ». [Je souligne]

Je le répète : bizarre — à la fois dans le processus et la substance. Il a fallu plusieurs jours avant que nous soyons même certains que la lettre aux Évêques Argentins — une fuite qui sera plus tard confirmée par le Vatican — était authentique. Le Pape François n'a aucun mal à faire des déclarations directes publiques telles que « qui suis-je pour juger » et « si vous ne recyclez pas, aller vous en confesser ». Il peste, souvent à juste titre, contre le carriérisme, les commérages et la division au sein de la Curie, mais comment se fait-il qu’il devienne tout à coup timoré quand ça en vient au mariage et à la famille ? Comme l'a dit franchement le Cardinal Hongrois Peter Erdö au cours des Synodes, tout cela n’en vient juste qu’à un choix : soit vous donnez la Communion un certain groupe de personnes ou que vous ne la donnez pas.

Même maintenant que François a dit oui, nous continuons à entendre qu'il y a des réserves, des nuances et des limites. Le Pape a plusieurs fois refusé de commenter le changement, comme il l'a dit, dans le but d’éviter de donner « une réponse simpliste ». Mais outre le fait qu'il a fait ainsi sur beaucoup d'autres questions, il semble au moins croire qu'il sera possible dans la pratique de raffiner ce processus par de l'accompagnement, du discernement, tous ces mots qui n’ont pas de limites claires. Les Évêques Argentins eux-mêmes ont mis en garde que le changement ne s’applique que dans des cas exceptionnels : « Il est nécessaire d'éviter la compréhension de cette possibilité comme un accès sans restriction aux Sacrements ou comme si toute situation pourrait le justifier ».

Mais alors qu'ils ont reconnu le danger, ils ne l’ont pas évité. Dans le monde d'aujourd'hui, tout le monde pense qu'il est un cas particulier et pitié pour le pauvre curé ou l'Évêque local dans l'avenir qui semble « trop rigide » pour ne pas accorder suffisamment de statut spécial aux personnes.

Un Catholique a le droit de demander un peu d'accompagnement et de discernement pour lui au sujet de ce que l'Église enseigne — en particulier quels principes définissent ce « statut d’exception ». Prenons un cas qui ne restera pas longtemps hypothétique : qu’en est-il de ce couple gay qui sont engagés l’un à l'autre et qui ont éprouvé de l’attrait au même sexe toute leur vie, sans aucune faute de leur propre chef ? Lorsque le premier Synode a commencé dans cette voie, c’était considéré comme extrémiste et ce fut rapidement abandonné par le petit nombre d'Évêques qui voulaient écarter ce sujet. Mais sans quelques principes clairs pour distinguer ces cas des autres, pourquoi pas ?

Dans l'histoire des 2 000 ans de l'Église — une histoire d’apôtres, de martyrs, de confesseurs, de grands saints, des docteurs brillants, de profonds mystiques — personne ne pensait à ce nouvel enseignement Catholique. Certains sont même morts pour défendre l'indissolubilité du mariage. Quand un Pape critique ceux qui restent fidèles à cette tradition et les caractérise comme des gens sans miséricorde et comme s'apparentant à des Pharisiens durs de cœur contre Jésus miséricordieux, c’est bizarre.

J'ai vécu assez longtemps à Washington et passé suffisamment de temps à Rome pour ne pas faire confiance à un journaliste qui rapporte ce qu’un dirigeant — laïc ou religieux — lui a dit en privé. Mais je suis convaincu que lorsque Eugenio Scalfari — l'éditeur excentrique de La Repubblica, le journal socialiste de Rome que le Pape lit tous les jours — a rapporté que François lui a dit qu'il permettrait à tous ceux qui y viendraient de recevoir la Communion, il peut ne pas avoir retenu les paroles de façon exacte. Mais il en a retenu tout le sens.

En effet, les Catholiques ont un nouvel enseignement maintenant, non seulement sur le divorce et le remariage. Nous avons une vision nouvelle de l'Eucharistie. Il est utile de rappeler qu’en janvier le Pape, timidement, sans l’écarter, a suggéré à un groupe de Luthériens à Rome que, eux aussi, devraient « parler avec le Seigneur » et « aller de l'avant ». En effet, ils ont communié plus tard à la Messe au Vatican. D'une certaine manière, cet incident était encore plus important. Un couple Catholique, divorcé et remarié, sont pécheurs, mais — au moins en principe — ils sont encore Catholiques. Est-ce que l'intercommunion avec les Chrétiens non Catholiques a également été décidée aujourd'hui sans aucune consultation — presque comme si une telle étape capitale dans la compréhension du Sacrement de l'Unité importe peu ?

« Je dis cela dans la douleur mais je crains que le reste de cette papauté va maintenant être déchirée par des groupes de dissidents, par des accusations d'hérésie du Pape, par des menaces de schisme - et peut-être de schisme pure et simple. Seigneur, prends pitié.

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