Benoît XVI se livre : « personne ne m’a fait de chantage »
Ratzinger se confesse dans le livre-entretien « Dernières conversations » qui vient de sortir en Italie. « Décider n’était pas mon fort mais je ne me considère pas comme un raté ».
C’EST MOI QUI AI ÉCRIT MA RENONCIATION
Ce texte de renonciation, c’est moi qui l’ait écrit. Je ne peux pas vous dire quand avec précision mais c’était tout au plus deux semaines avant. Je l’ai écrit en latin parce qu’une chose aussi importante doit se faire en latin. En outre, le latin est une langue que je maîtrise au point de pouvoir écrire de façon élégante. J’aurais également pu l’écrire en italien naturellement mais au risque de faire l’une ou l’autre erreur.
ON NE ME FAISAIT PAS CHANTER
Je ne me suis pas retiré sous la pression des événements et ce n’était pas non plus une fuite devant des situations que je me serais senti incapable d’affronter. Personne n’a cherché à me faire chanter. Je ne l’aurais de toute façon pas permis. Si on avait essayé de le faire, je serais resté parce qu’il ne faut pas partir sous la pression. Ce n’est pas vrai non plus que j’étais déçu ou quelque chose de ce genre. En fait, grâce à Dieu, j’étais dans l’état d’âme tranquille de celui qui a dépassé la difficulté. L’état d’âme de celui qui peut passer sereinement le témoin à son successeur.
JE SUIS CONTENT DE MON SUCCESSEUR
Mon successeur n’a certes pas voulu porter la mozette rouge. Cela ne m’a pas ému le moins du monde. Ce qui m’a en revanche touché, c’est que même avant d’apparaître au balcon, il ait cherché à me téléphoner mais il n’a pas réussi à me joindre parce que nous étions justement devant la télévision. La façon avec laquelle il a prié pour moi, ce moment de recueillement et enfin la cordialité avec laquelle il a salué la foule ont fait que l’étincelle s’est faite immédiatement. Personne ne s’attendait que ce soit lui. Moi je le connaissait, bien sûr, mais je n’avais pas pensé à lui. En ce sens, il s’agissait déjà d’une grosse surprise. Je n’avais pas pensé qu’il puisse se trouver dans la liste restreinte des candidats. Quand j’ai entendu son nom, j’ai eu un moment d’étonnement mais quand j’ai vu comment il parlait à Dieu d’une part et aux hommes d’autre part, j’ai été vraiment content. Et heureux.
L’ÉGLISE EST VIVANTE
L’élection d’un cardinal latino-américain signifie que l’Eglise est en mouvement, elle est dynamique, ouverte avec devant elle des perspectives de nouveaux développements. Elle n’est pas figée dans des schémas : il arrive toujours bien un élément surprenant qui possède sa dynamique propre capable de la renouveler en permanence. Ce qui est vraiment beau et encourageant dans notre époque c’est justement que des choses auxquelles on ne s’attendait pas arrivent et nous montrent que l’Eglise est vivante et déborde de nouvelles possibilités.
LES RÉFORMES NE SONT PAS EXCESSIVES
Chacun a son propre charisme. François est l’homme de la réforme pratique. Il a été longtemps archevêque, il connaît le métier, il a été supérieur des jésuites et il également le caractère adapté pour entreprendre des actions de nature organisationnelle. Je savais que ce n’était pas mon point fort.
SUR LE LOBBY GAY AU VATICAN
On m’avait en effet indiqué un groupe que nous avons dissous entretemps. Il était en fait signalé dans le rapport de la commission des trois cardinaux qu’on pouvait identifier un groupe de quatre ou de cinq personnes. Nous l’avons dissous. Est-ce que d’autres se formeront ? Je ne sais pas. De toute manière, on ne peut pas dire que le Vatican pullule de cas de ce genre.
L’ÉGLISE CHANGE
Il est évident que l’église abandonne toujours davantage les anciennes structures traditionnelles de la vie européenne, qu’elle change donc de visage et qu’en elle vivent des formes nouvelles. Il est également clair que la déchristianisation de l’Europe se poursuit et que l’élément chrétien disparaît chaque jour davantage de notre tissu social. En conséquence, l’Eglise doit trouver de nouvelles formes de présence, elle doit changer sa façon de se présenter. Nous sommes en train de vivre en changement d’époque mais on ne sait pas encore à quel moment l’on pourra dire avec précision que l’une ou l’autre a commencé.
JE NE SUIS PAS UN RATÉ
L’un de mes points faibles c’est que j’ai du mal à gouverner et à prendre des décisions. Sur ce point je suis en réalité davantage un professeur, quelqu’un qui réfléchit et médite sur les questions spirituelles. Le gouvernement pratique n’est pas mon fort et c’est certainement une faiblesse. Mais je n’arrive pas à me considérer comme un raté. Pendant huit ans, j’ai effectué mon service. Il y a eu des moments difficiles, il suffit par exemple de penser au scandale de la pédophilie et au cas Williamson ou encore au scandale Vatileaks ; mais somme toute c’était aussi une période au cours de laquelle de nombreuses personnes ont trouvé un nouveau chemin vers la foi et il y a également eu un grand mouvement positif.
JE ME PRÉPARE À LA MORT
Il faut se préparer à la mort. Non pas dans le sens de prendre ses dernières dispositions mais plutôt de vivre en se préparant à affronter l’ultime examen face à Dieu. A abandonner ce monde et à se trouver devant Lui et devant les saints, les amis et les ennemis. A accepter, disons, la finitude de cette vie et à se mettre en chemin pour rejoindre Dieu. Je cherche de le faire en pensant toujours que la fin s’approche. J’essaye de me préparer à ce moment et à le garder surtout à l’esprit en permanence. L’important n’est pas de se l’imaginer mais de vivre en étant pleinement conscient que toute la vie tend vers cette rencontre.
(Source : Il Corriere della sera) ...
vendredi 9 septembre 2016
Extraits du dernier livre-entretien du Pape Émérite Benoît
en librairie dès aujourd'hui
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SOURCE : Diakonos
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