Écrit par : par John Waters
John Waters est un écrivain et commentateur Irlandais, auteur de neuf livres et dramaturge.
SOURCE : First Things
Le 23 avril 2018
Une chose étrange s'est produite en Irlande le Dimanche de Pâques. Une politicienne, une sénatrice qui avait été Présidente du Comité Parlementaire, mis sur pied avec un mince vernis démocratique, pour diriger le programme d'avortement du gouvernement devant les prétendus représentants du peuple, a exprimé son indignation de faire face à l'enseignement Chrétien lors d'une messe au Sanctuaire historique Knock dans le Comté de Mayo. « À la Messe de Pâques dans la Basilique Knock cet après-midi avec mes parents » a tweeté la sénatrice Catherine Noone, «un prêtre octogénaire nous a prêché au moins en trois occasions sur l'avortement. Ce n'est pas étonnant que les gens se sentent désillusionnés ».
Knock est un sanctuaire célèbre dans le monde entier où a eu lieu une apparition en 1879 de la Bienheureuse Vierge Marie, de Saint Joseph, de Saint Jean l'Évangéliste et de Jésus-Christ, l'Agneau de Dieu. Ça ne devrait guère sembler inattendu ou hors de propos que, de temps à autre, on y entende l'enseignement de l'Église articulé depuis la chaire.
Le sentiment populaire d'assister à la Messe et de s’objecter ensuite à avoir été exposé à l'articulation de la Doctrine de l'Église est un phénomène nouveau. Cela suggère que l'Église est devenue pour certaines personnes une sorte de service public vide, déconnecté de tout devoir envers la Vérité.
Ce n'est pas votre relativisme standard. Ça n'exprime pas seulement, comme certains le diraient, le binarisme raffiné de Jésus et de César. Ce cas peut avoir une influence sur la place publique auprès de laquelle l'Église pourrait être considérée comme ayant le droit d'avoir son mot à dire mais de ne pas s'imposer à la population. Ces nouvelles tendances poussent les choses un peu plus loin, à savoir dans le sanctuaire même de la Vérité. Ceux à qui a été donnée la gouverne de la place publique veulent maintenant la gouverne de la nef, du transept et du beffroi. Encore plus troublant, beaucoup dans l'Église sont prêts à céder à cela.
Il y a un virus à l’oeuvre ici qui reste encore être nommé. Ses symptômes peuvent être observés dans la dérive progressive vers le schisme, mais sa nature fondamentale n'est pas diagnostiquée avec précision. Nous pourrions l'appeler la « moralose » parce que c'est une tentative de séparer les « questions morales » du noyau du Christianisme. Il ne s'agit pas seulement de l'équilibre entre le pastorale et la Doctrine, mais du droit de l'Église de parler de morale.
Je voudrais remonter aux premiers signes de cette tendance jusqu'en 2013 quand, peu de temps après son élection, le Pape François a parlé au Père Antonio Spadaro, rédacteur en chef de La Civiltá Cattolica, au sujet d'un certain nombre des grands titres « moraux » qui ont été les points chauds du conflit Catholique-Libéral pendant de nombreuses années.
Le Pape a déclaré : « Nous ne pouvons pas insister uniquement sur les questions liées à l'avortement, au mariage homosexuel et à l'utilisation de méthodes contraceptives. Ce n'est pas possible. Je n'ai pas beaucoup parlé de ces choses et j'ai été réprimandé pour cela. Mais quand nous parlons de ces problèmes, nous devons en parler dans un contexte. L'enseignement de l'Église, d'ailleurs, est clair et je suis un fils de l'Église, mais il n'est pas nécessaire de parler de ces questions tout le temps ».
Cette déclaration superficiellement confuse et confondante devient à l'examen une sorte de prophétie de la réponse décrite au début de cet article. Le Pape dit qu'il ne dévie pas des enseignements de l'Église. Mais il n'insiste pas « seulement » sur de tels enseignements dont il faut parler dans un « contexte » ; ils sont « clairs » et il ne les conteste pas, mais il ne ressent pas le besoin d'en parler « tout le temps ». Son point central semble être qu'un accent « excessif » sur la morale sert à étouffer le message plus profond du Christianisme
Il y a quelque chose dans ça. En Irlande, certes, il est vrai que l'Église a eu beaucoup à dire sur la morale sexuelle mais semble incapable de rendre le Christ attrayant. Pour ma part, j'ai longtemps protesté contre la tendance à assimiler le Christianisme exclusivement à certaines prescriptions éthiques — à voir cette morale dissociée comme un emblème de l'honneur Chrétien là où en réalité c'est un simple littéralisme ou un signe de supériorité morale. La plupart des Catholiques seraient d'avis que l'Église ne devrait pas poursuivre les règles et l'éthique comme des réalités distinctes et indépendantes mais seulement comme des concepts contextualisés dans les modèles de liberté humaine — une liberté définie en dernier ressort par la Résurrection. Mais maintenant une tendance contraire s'est développée selon laquelle toute tentative d'exprimer une position morale — aussi fermement enracinée dans l'anthropologie humaine et la liberté — est rejetée comme « morale ».
La déclaration du Pape semble avoir été une tentative conçue à la hâte pour communiquer un certain degré de relaxation à l'égard de certains aspects de l'enseignement de l'Église — oubliant que ces indications seraient heureusement transmises au monde par des média ravis de rapporter que le Pape en était enfin venu autour de leur façon de penser. De cette collision entre l'affabilité et l'agenda, une nouvelle dispense est née. Le « tout le temps » du Pape a été refondu comme « jamais », son « seul » a été effacé, et seul son « nous ne pouvons pas insister » dont l’on se souvient.
Le Pape François articulait quelque chose d'irréprochable : le Christianisme n'est pas un programme éthique. Mais cette idée ( nullement nouvelle ) a été réduite à quelque chose d'intenable et de contraire au Christianisme : la notion que non seulement la morale peut être personnalisée, mais que son articulation est en quelque sorte hostile au Christianisme ; qu'il est possible de connaître un Christ séparé de toute morale. Cette idée clairement fausse s’est profondément ancrée du temps du Pape François.
Mais Jésus était la présence la plus intensément morale que le monde n’ait jamais vue. Il n'y a pas de « soit / ou » entre l'amour du Christ et l'engagement avec le monde séculier à propos de choses qui peuvent être bouclées sous le signe « moral ». Il y a, au contraire, un « deux / et », un appel singulier à unir notre sens de la présence de Christ aux exigences du monde et à son quotient humain. Il est juste que nous placions notre espoir dans le libre geste avec lequel Dieu a choisi d'entrer dans l'histoire mais, ce faisant, nous sommes invités à nous ceindre et à nous interroger sur les actions et l'organisation des hommes.
Nulle part la perniciosité des évasions actuelles ne peut être perçue plus clairement que sur la question de l'avortement. Si nous imaginons qu'un Jésus ressuscité au XXIe siècle ferait autre chose que d'excorier et de dénoncer ceux qui cherchent à répandre le sang d'innocents — comme si l'ère d'Hérode était aussi revenue — alors nous devons admettre que le Christianisme a été rendu une enveloppe par rapport à son ancienne réalité. Notre anti-culture sécularisée et dés-absolutisée atteint maintenant même nos églises et les autres espaces sacrés, dictant une dilution en partie inconsciente dans une « gentillesse » des compréhensions Chrétiennes difficiles et une vidange des mots et des concepts Chrétiens.
Malgré tout, seule la propagande, l'égoïsme grotesque et l'évitement de la simple vérité nous empêchent de voir que l'avortement est un crime criant au ciel pour la vengeance. Et pourtant, dans les espaces entre les mots, certains d'entre nous ont réussi à nous convaincre que non seulement il est possible d'être civilisé et de légiférer pour tuer des innocents, mais on peut aussi avoir l'avortement et le Christ. Si cela peut être le moindrement vrai, il serait temps de marcher auprès des fenêtres des basiliques du Christ et de tirer, un par un, les stores sur les vitraux.
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