Par : Steve Skojec
Éditorialiste en chef de One Peter Five
Le 20 mars 2018
SOURCE : One Peter Five
Alors que de nouvelles tromperies sont apparues au cours de la semaine dernière, l’incident de la lettre de Benoît XVI à Mgr. Viganò est passé de quelque chose d’apparemment insignifiant à un énorme embarras pour le Saint-Siège.
C’en est même devenu emblématique du désordre dans l'Église et, comme la boule de neige semble enfin avoir cessé de rouler, j'aimerais jeter un dernier regard sur ce que nous pouvons apprendre de cette débâcle.
Selon le côté du problème où l’on se trouve, la lettre semble soit confirmer François, ou Benoît. Ou ni l’un, ni l’autre. Ou les deux. Je pense comme tant d’autres choses dans le pontificat actuel, la lettre est quelque chose d'un test de Rorschach. Nous le regardons et nous arrivons à voir un reflet de notre propre esprit.
Dans le dernier développement — et nous espérons qu’il soit le dernier — nous avons appris que même dans le texte « complet » de la lettre qui a finalement été rendue publique, une section entière a été omise. Samedi, nous avons enfin eu l'occasion de voir ce que cela contenait. Nous avons enfin ce que nous croyons — mais qui pourrait être certain à ce stade ? — être le texte intégral de la lettre, avec la section manquante soulignée en gras. La traduction a été fournie par Edward Pentin du National Catholic Register:
Benoît XVI
Pape Émérite
Monseigneur Mgr. Dario Edoardo Viganò
Préfet du Secrétariat aux communications
Cité du Vatican
Le 7 février 2018
Monseigneur,
Je vous remercie pour votre aimable lettre du 12 janvier et pour le cadeau qui y était joint contenant les onze petits volumes sous la direction de Roberto Repole.
J’applaudis à cette initiative visant à s’opposer et réagir contre le préjugé » stupide en vertu duquel le pape François ne serait qu’un homme pratique dénué de toute formation théologique ou philosophique tandis que je ne serais moi-même qu’un théoricien de la théologie qui n’aurait pas compris grand-chose de la vie concrète d’un chrétien d’aujourd’hui.
Ces petits volumes montrent, à juste titre, que le Pape François est un homme doté d’une profonde formation philosophique et théologique et ils aident en cela à voir la continuité intérieure entre les deux pontificats, nonobstant toutes les différences de style et de tempérament.
Toutefois, je ne peux pas rédiger une brève et dense page théologique à leur sujet parce que toute ma vie, il a toujours été clair que je n’écrirais et que je ne m’exprimerais jamais que sur les livres que j’aurais vraiment lus. Malheureusement, notamment pour des raisons physiques, je ne suis pas en mesure de lire les onze petits volumes dans un avenir proche, d’autant plus que d’autres engagements que j’ai déjà accepté m’attendent.
Accessoirement, je voudrais vous faire part de ma surprise de voir également figurer parmi les auteurs le Professeur Hünermann qui, au cours de mon pontificat, s’est distingué pour avoir mené des initiatives anti-papales. Il a largement participé à la publication de la « Kölner Erklärung » qui, en ce qui concerne l’encyclique « Veritatis splendor », a attaqué l’autorité magistérielle du pape de manière virulente, particulièrement sur des questions de théologie morale. Même la « Europäische Theologengesellschaft » fondée par lui a été au départ pensée comme une organisation en opposition au magistère papal. Par la suite, la sensibilité ecclésiale de nombreux théologiens a empêché cette orientation, transformant cette organisation en un espace de débat ordinaire entre théologiens.
Je suis certain que vous comprendrez mon refus et je vous prie d’accepter mes cordiales salutations.
Bien à vous,
Benoît XVI
Alors, comment exactement l'ajout de ce paragraphe change-t-il le contexte de la lettre ? Il est difficile de fournir une réponse simple. Certains pensent qu'il modifie radicalement le ton ; d'autres croient — comme moi — que le souci d'un contributeur particulier au texte ne fait que rendre plus louable encore l'éloge de l'initiative proposée par Benoît.
Le Pape Benoît semble avoir un problème avec la présence de Hünermann pour les raisons contributeur pour les raisons qu’il énonce — des raisons remontant à des décennies. Le rôle de Hünermann dans la publication de « Kölner Erklärung » ( Déclaration de Cologne ), qui a critiqué Jean-Paul II a eu lieu en 1989 - la même année que l’« Europaische Theologengesellschaft » ( Société Européenne de Théologie Catholique ) a été fondée .
Mais moi aussi, j’aimerais noter ma surprise à l'apparition du Professeur Hünermann dans un texte papal. Dans ce cas, cependant, ce n'est pas le travail sur la théologie de François, mais plutôt un livre du Pape Benoît lui-même. Pour certaines raisons, Hünermann était l' un des deux rédacteurs en chef d’après les registres pour l’édition allemande de Parole de Dieu : Ecriture, Tradition, Bureau de 2005 écrite par nul autre que le Pape Benoît XVI. Plusieurs années plus tard, le livre a été traduit et publié en anglais par Ignatius Press — en conservant le crédit éditorial de Hünermann et sa signature dans l'introduction. Selon l'édition que l'on consulte pour le texte anglais, les dates de publication vont de 2007 à 2009, ce qui coïncide avec le temps de Benoît dans sa fonction de Pape . Certes, s'il avait de si fortes objections à ce qu'un Pape soit associé à l'anti-papaliste Hünermann, il n'y avait pas de meilleur moment pour les faire savoir que lorsque son propre livre fut publié :
Hünermann était également co-auteur pour l'introduction du livre :
Je ne dois pas être seul à trouver cela un peu étrange.
Benoît ne l’a pas mentionné dans sa note de préoccupation à Viganò, mais mérite certainement de l’attention du fait que Hünermann — qui a rencontré le Pape François en mai 2015, au milieu des deux Synodes — a, selon Grant Kaplan au site Commonweal , « exercé un impact théologique sismique qui s'étend jusqu'à l'Exhortation Apostolique Amoris Laetitia de François, très débattue.
« En fait, écrit Kaplan, c'était le travail de Hünermann qui a contribué à fournir une justification théologique à l'insistance du Pape pour que le Sacrement du Mariage soit compris en termes moins légalistes. Selon Hünermann, certaines réflexions médiévales sur la théologie du Mariage reconnaissent que tous les mariages sacramentels ne sont pas indissolubles dans la même mesure que l'indissolubilité est comprise à l'époque moderne. L'Église devrait récupérer cette compréhension ».
Si Benoît avait un problème avec cette contribution particulière de Hünermann, on aurait pu raisonnablement s'attendre à son inclusion dans sa lettre. C’est donc quelque peu remarquable par son omission.
Quoi que nous fassions de tout cela — et il est vraiment difficile de dire quoi, exactement, nous devrions en faire — de l'objection de Benoît au travail de Hünermann comme contributeur à ces onze volumes sur François qui frappe comme une note discordante avec la réalité de la présence de Hünermann en tant que rédacteur principal d'un des propres livres de Ratzinger.
Si en arriver à une conclusion sur l'esprit de Benoît dans toute cette affaire est enveloppée dans un fouillis d'interprétations subjectives, il est beaucoup plus facile de déterminer la place de Mgr Viganò dans l'affaire.
Dans un article chez La Nuova Bussola Quotidiana *, le rédacteur en chef Riccardo Cascioli s'attaque à Viganò pour sa manipulation de l'affaire, et il ne se retient pas :
« Une lettre, la lettre de Benoît XVI, nous avons finalement réussi à la lire dans son intégralité. Il nous manque encore deux lettres : celle envoyée le 12 janvier par Mgr Dario Viganò à Benoît XVI, qui a provoqué la réponse que nous connaissons maintenant. Et ensuite, une autre lettre de Mgr Viganò, dans laquelle il présente sa démission irrévocable. Nous n'avons pas encore cette dernière lettre, mais elle ne peut pas attendre — car il est impensable qu'il puisse rester calmement dans son poste après la terrible humiliation internationale qu'il a provoquée [pour le Vatican] ».
« Il a parlé faussement de l'origine de la lettre, il a essayé d'en cacher deux parties différentes, il en a re-touché une photo, il a essayé de contourner le Pape-Émérite, il a exposé l'Église au ridicule. Que doit-il faire de plus pour être jugé indigne de rester dans un rôle aussi sensible pour la mission de l'Église ? Le scandale qu'il a causé a clairement démontré l'insuffisance totale de Mgr Viganò pour remplir ce rôle. Comment pourrait-il avoir encore la moindre autorité morale en travaillant avec l'équipe de communication du Vatican qui est sous sa direction ? Et comment les journalistes Italiens et étrangers accrédités au Vatican pourraient-ils encore avoir confiance en quelqu'un qui n'hésiterait pas à falsifier des documents et une photo pour ses motivations idéologiques ? »
Cascioli continue :
« Bien que ce soit juste pour Mgr Viganò pour lui de répondre personnellement de ce qui s'est passé à cette occasion, l'affaire devrait conduire à une réflexion plus large sur le système de communication de ce pontificat, surtout sur la Cour papale où abondent les porte-paroles et les interprètes officiels de la pensée du Pape François. Tous ensemble, ils ont créé une fausse image d'un Pape super-héros, d'un homme qui se bat seul contre l'Église qui reste contre lui ; ils se moquent et ridiculisent tous ceux qui ont simplement essayé de poser des questions ou exprimé leur perplexité sur certains aspects du pontificat ».
Sur son blog, le prêtre Anglais John Hunwicke fait écho à certains sentiments de Cascioli :
« Dans mon pays, un tel épisode aurait, sans aucun doute possible, abouti à une démission ou à un licenciement dans un contexte de disgrâce publique. Certains de mes compatriotes me contrediront-ils dans mon affirmation ? »
Peut-être que ce sera effectivement la fin de cet épisode. Nous verrons.
Si cet homme, Vigano, devait est maintenu en fonction, ce serait le dernier détail de la manifestation publique de la corruption morale qui se déroule au cœur de ce pontificat raté. En politique, ce ne sont pas souvent les grands problèmes qui provoquent une crise, mais quelque chose qui commence par être insignifiant jusqu'à la petitesse. Au cours de cette ère Bergoglienne, les deux catastrophes majeures ont été la duplicité accompagnée d'un fanfaronnade inconvenante dans les domaines de la pédophilie et des dissimulations et du copinage ; et aussi les tentatives de faire une coupure en pervertissant furtivement l'enseignement moral de l'Église. Ces choses comptent infiniment plus que l'épisode idiot et mineur actuel ».
« Mais le « Lettergate » fournit un instantané si vif de petits hommes sales impliqués dans des petites manigances sales pour des buts complètement sales. Même les vétérans commentateurs anti-Ratzinger comme Robert Mickens disent que Vigano devrait démissionner ou être limogé ».
« Si l'on ne peut pas faire comprendre à PF ( Pape François ) qu'il doit nettoyer ses propres écuries d'Augias, il devrait sûrement être obligé de partir. Pas la semaine prochaine, mais cette semaine ».
« Pontificat raté ». Un Pape qui « devrait être obligé de partir ». De plus en plus, nous voyons de tels sentiments remonter à la surface à la suite des erreurs de plus en plus fréquentes de François.
Le commentateur Autrichien Armin Schwibach a écrit , au site Kath.net **, que les médias étaient complices de la débâcle, notant que plus de vingt journalistes étaient présents à la lecture originale de la lettre complète de Benoît de Mgr Viganò. « C'est vrai » écrit Schwibach, « le Secrétariat des médias du Vatican a favorisé cette situation avec l'aide de son montage et de la photo manipulée. Mais : il y avait, après tout, plus de 20 journalistes présents qui ont tous entendu la lecture du deuxième paragraphe, et pourtant... » Il laisse la conclusion non précisée. Le lecteur ne devrait avoir aucun problème à combler le vide.
Schwibach note également que
« Beaucoup d'énergie a été utilisée pour cette fausse construction qui soulève évidemment la question de la compétence de certaines personnes. Et : dans une monarchie hiérarchique avec une tête qui est connue pour ses traits de décision autocratiques et autoritaires, une telle procédure se présente bien sûr dans une lumière encore plus sombre. On ne peut pas se débarrasser de l'impression qu'avec des méthodes aussi douteuses, une forteresse est en train d'être sécurisée et est sur le point de s’effondrer dans tous ses coins et recoins. Il ne devrait pas être dans l'intérêt du Pape d'être « soutenu » par de telles omissions et manipulations. Mais, malheureusement, c'est le cas dans la « néo-Église » : la vérité a été placée entre parenthèses ».
Ross Douthat a titré sa chonique dans le New York Times dimanche dernier avec une observation simple : « Le Pape François est aimé. Sa Papauté pourrait être un désastre ». Son essai, adapté de son livre à venir, ne touche pas à la question du « lettergate », mais se penche plutôt sur les impressions divergentes de la Papauté venant de l'extérieur ( généralement favorables ) et de l'intérieur ( généralement plus critiques ). Il s'agit d'une œuvre de grande envergure, abordant de manière générale un certain nombre de questions clés, mais dont la conclusion est plus nette : « Choisir un chemin qui ne peut avoir que deux destinations — héros ou hérétique — est aussi un acte de présomption, même pour un Pape. Notamment pour un Pape ».
À maintes reprises, nous entendons parler de cette Papauté en termes de son autocratie, de son mépris pour les règles et de son élan irresponsable et imprévisible à la limite de la destruction totale dans la poursuite d'une réforme risquée et axée sur un agenda. Un « Pape raté » qui permet de « fausses constructions » de nouvelles pour convenir à son agenda donnant l'impression qu'« une forteresse est en train d'être sécurisée et est sur le point de s’effondrer dans tous ses coins et recoins » ? Ce ne sont pas des termes d'affection, ni même une confiance fondamentale dans la compétence d'un leader ou de l'institution qu'il dirige.
Pris dans le contexte du scandale de la lettre, quelles conclusions pouvons-nous en tirer ?
Premièrement, il semble que le Vatican croit encore qu'ils contrôlent leur propre message d'une manière qu'ils ne contrôlent manifestement pas. Les observateurs du Vatican de longue date m'ont dit que c'est un angle mort particulier à Rome : l'arrogance de penser que la vérité est ce que le Saint-Siège dit qu’elle est ; ni plus ni moins. À regarder la crédibilité de cette histoire s'effondrer, la voir apparaître à la lumière et s'écrouler à nouveau lorsque de nouveaux détails émergent est éclairant. Un observateur du Vatican à Rome m'a dit au début de l'année dernière qu'il y avait un sentiment que personne ne travaillant pour le Saint-Siège n'est responsable envers qui que ce soit, sauf à François, et c’est ce qui les fait croire qu'ils ne peuvent être arrêtés. Cet épisode a démontré à quel point cette philosophie est illusoire et insoutenable.
Dans tout cela, je ne peux pas m'empêcher d'avoir le sentiment que François rétrécit sous nos yeux. Que son pontificat, aussi impétueux qu'un taureau dans une boutique de vaisselle de Chine et attirant tous les regards sur lui, est soudainement si précaire qu'il s'est retiré de son habituel braggadocio [ forfanterie ] à la recherche d'un ton plus conservateur et mesuré. Soudainement, le Pape François dit encore des choses Catholiques, par exemple, sa déclaration récente que les Catholiques en état de péché mortel ne peuvent pas recevoir la Sainte Communion. Une telle déclaration aurait pu impressionner les fidèles il y a quelques années, mais on peut se demander s'il croit réellement que nous ne percevons pas l'ironie du fait que ce soit le principal défenseur ecclésiastique de la réception de la Sainte Communion par les adultères.
Antonio Socci, auteur, journaliste et observateur du Vatican voit également le changement de tactique ; il observe que François « cherche maladroitement la légitimité de cette Église Wojtylienne et Ratzingerienne que lui et sa cour ont bombardés pendant cinq ans avec toute l'artillerie controversée ». Socci note que François a même visité Pietrelcina samedi dernier, pour « rendre hommage au Saint le plus traditionnel » — Padre Pio — un Saint, conteste Socci, que François classerait en d’autres temps comme « le plus rigide et conservateur ».
Il y a un certain désespoir évident dans toutes ces pièces articulées de manière transparente. C’est peut-être plus évident dans ces tentatives périodiques — le plus récemment par la manipulation inélégante de la lettre de Benoît — de coopter la popularité de l'ancien occupant de la Papauté qui est frêle, âgé, caché de la vue. Benoît était loin d'être une figure universellement populaire de son temps, mais il est infiniment plus attrayant en comparaison ; et comme le régime Bergoglien étudie les dégâts qu'il a causés, plutôt que d'essayer de réparer ce qu'ils ont cassé, ils semblent contents de tenter d’emprunter de la crédibilité partout où ils peuvent la trouver. Dans ce cas, ils ont cherché à effacer l'image du Pape Benoît et d’en porter la carcasse comme un déguisement. Même eux doivent reconnaître qu'un tel jeu ne va pas durer longtemps, ce qui soulève la question suivante : de combien de temps pensent-ils qu'ils ont besoin pour terminer leur travail désagréable de « réforme irréversible » ?
La conclusion de l’article de Cascioli indique qu'il voit également l'utilité brutale et éphémère d'une telle tactique :
« Depuis quelque temps, il y a eu une opération systématique de démantèlement du Magistère des Papes précédents, de la liturgie à la morale, des Sacrements à la Doctrine sociale, sauf quand ils cherchent à « utiliser » de force les Papes précédents pour légitimer les changements actuels . L'« affaire Viganò », avec toutes ses gaffes, n'est que la pointe de l'iceberg ».
Mais qu'en est-il de Benoît ?
Socci propose qu'il y ait une phrase clé dans la lettre à laquelle nous devrions prêter attention : « continuité intérieure ». Il écrit : « Cela suggère que nous ne voyons pas de continuité externe dans les actes et les enseignements » des deux pontificats.
Je suis d'accord qu'il y a un contraste significatif entre la continuité intérieure et extérieure, bien que j'interprète ce sens différemment. De toute évidence, il y a très peu de continuité extérieure dans le « style et le tempérament » — tels étaient les mots utilisés par Benoît — entre les deux pontificats. Les deux hommes ne peuvent guère être plus différents dans la personnalité ou le comportement, et le penchant de Bergoglio pour la théâtralisation de l'humilité et du réalisme ( tant et aussi longtemps que les caméras tournent ) sont probablement les écarts les plus frappants à comparer à la véritable humilité et à la volonté de Benoît XVI de permettre à sa propre personnalité de s'effacer derrière les attributs et les devoirs de sa fonction telle qu'il la comprenait. Pour Bergoglio, la Papauté est le moyen pour les fins de ses agendas personnels ; pour Ratzinger, ce fut un office sacré qu'il semble n'avoir jamais jugé adéquat d'habiter. Mais la question demeure : à quel point leurs perspectives théologiques sont-elles différentes ?
Je me méfie des confirmations biaisées alors que nous essayons d'évaluer de telles questions. Les Traditionalistes, qui ont l'habitude de regarder d'un oeil critique les Papautés post-conciliaires, ont peut-être mené la charge contre le pontificat Bergoglien, mais je dirais qu'en ce moment, sa plus forte résistance provient de ceux qui y voient un rejet des œuvres de Jean-Paul II et de Benoît XVI — les mêmes Papes que Socci affirme que François tente actuellement de coopter superficiellement. Ces gens — des gens qui sont complètement à l'aise avec la nouvelle liturgie, l'expérience post-conciliaire, les modifications à la théologie Catholique classique, etc. — en feraient une guerre entre des personnalités, entre les « Papes célèbres » plutôt qu'un conflit entre les enseignements des Papes de la modernité et ceux de la lignée ininterrompue de leurs prédécesseurs remontant à travers les siècles. Les théologies de Benoît et de François ne semblent pas, à première vue, avoir beaucoup de choses en commun, mais elles ont beaucoup plus de choses en commun qu’aucune d'entre elles n’est susceptible d'avoir avec le Pape Saint Pie X, par exemple. Et en ce sens que je pense que Benoît était sincère lorsqu'il parlait d'une « continuité intérieure » entre leurs deux pontificats.
Socci, qui continue de soutenir que Benoît est toujours le Pape, parvient bien sûr à trouver dans cet épisode de la lettre une confirmation de sa thèse. Il voit ce qu'il veut voir dans une lettre qui n'est vraiment pas du tout informative, interprétant le sarcasme et l'indignation du refus de l'ancien Pape de réviser les livres sur la théologie de son successeur, qualifiant sa réponse de « polémique » et son éloge de « courtoisie » qui devrait être « réinterprétée à la lumière des passages omis ».
Une autre source qui travaillait autrefois pour le Saint-Siège utilisait le même mot : courtoisie. Il m'a dit qu’il y a une manière dont ces sortes de lettres formelles adoptent une « courtoisie » attendue qui dit toutes sortes de choses sonnantes tout en ne disant rien, et c'est ce qu'il a vu dans la lettre de Benoît — une positivité « pro forma » à propos de François suivi de quelques critiques spécifiques.
Je trouve difficile d'accepter qu'un homme comme Benoît, qui est aimé pour sa stature morale, ait recours à des mensonges polis si fortement exprimés qu'ils pourraient être utilisés à des fins de marketing alors qu'il enfouit ses critiques dans un camouflage verbal qui semble dirigé partout sauf au problème — François lui-même.
Et cela nous ramène au test de Rorschach, que nous examinons pour trouver quelque chose que nous croyons déjà. Pour ma part, je pense que je continue d'espérer que Benoît aurait pu prendre une vraie position, rejetant la flatterie vide pour le chemin plus difficile du devoir Chrétien. Je ne peux pas dire que je m’attendais à ce qu’il joue le jeu diplomatique — montrant de la politesse obséquieuse au lieu de l'intérêt honnête — j’ai été seulement malheureusement pas surpris par cela parce que cela suit un modèle.
C'est pourquoi j'ai toujours cru que la lettre était réelle. C'est pourquoi je crois toujours qu'il voulait dire les choses positives qu'il a dites. Parce que, soit il est le bon homme que tout le monde croit, soit il est un flatteur pusillanime à un moment qui appelle à la confrontation directe. Il ne peut pas être les deux. Croire qu'il voulait dire ce qu'il a dit, dans mon esprit au moins, parle plus de son caractère que l'alternative. Il a peut-être tort, mais au moins il n'est pas un menteur — et la charité n'exige-t-elle pas que nous croyions cela ?
En conclusion, je continue de chercher n'importe quel signe que Benoît est, en fait, troublé par la Papauté de François. Je garde mes oreilles tendues pour un petit rapport, même officieux, de consternation de la part des gens qui vont le voir. Je surveille un mot ou un signe de contradiction, si petit soit-il. Je n'en ai pas trouvé. J'ai entendu des gens qui croient qu'il n'est pas heureux, mais ils n'ont fourni aucune preuve de cette impression. En fin de compte, nous pouvons prendre tout cela au-delà de la spéculation, et je n'aime pas la spéculation. Je préfèrerais connaître les faits. Malheureusement, les faits sur ce qui se passe à Rome sont un luxe que nous n'avons pas eu depuis longtemps.
Quoi qu'il en soit, Benoît n'est plus le Pape et pourtant François semble avoir désespérément besoin de son approbation. Une Papauté qui ne peut pas se suffire à elle-même est une Papauté troublée.
* Traductions italiennes fournies par Giuseppe Pellegrino.
** Traductions allemandes fournies par Maike Hickson.
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