Écrit par Hilary White
ex-correspondante à Rome
Le 22 avril 2016
SOURCE : The Remnant
Permettez-moi de poser une question relative à une situation hypothétique.
Il était une fois une petite ville, quelque part sur la Méditerranée, qui était menacée d'extinction à cause des maraudages constants effectués par des pirates méchants et impitoyables. Épuisée par la peur et leurs pertes, la ville a engagé une Entreprise de Sécurité pour les protéger. La situation se poursuivit pendant des années et des années, les pirates n’abandonnant pas, tentant constamment d'assaillir la ville, mais l’Entreprise de Sécurité se révélait avoir été un bon investissement et réussissait à les tenir à distance. Il y avait impasse mais les habitants de la ville pouvaient au moins commencer à reconstruire leur vie et même à commencer à prospérer dans cette situation de paix relative interne.
Un jour, cependant, le Chef de l’Entreprise de Sécurité s’est retiré, comme il était arrivé plusieurs fois dans le passé, mais cette fois le nouveau Chef avait un ensemble différent de priorités. Il commença à raconter aux citadins que les pirates n’étaient pas vraiment des mauvais garçons et qu'ils devraient essayer de comprendre les choses de leur point de vue. Les habitants furent un peu déconcertés par cela, mais puisque l’Entreprise de Sécurité les avait protégés sans incident depuis des générations, ça ne leur est pas venu à l’esprit qu'il pourrait y avoir quelque chose de bien grave. Certains d'entre eux commencèrent à prendre les conseils du Chef de la Sécurité et commencèrent à essayer de développer une certaine sympathie pour les pirates.
Avec le temps passant, le Chef devint de plus en plus insistant à dire que les habitants avaient eu tort d'être antagonistes à l'égard des pirates qui, après tout, ne sont que des hommes pauvres qui essaient de trouver un moyen d'améliorer leur triste sort dans la vie. L’Entreprise de Sécurité a gardé les choses pacifiques depuis si longtemps que ceux qui avaient perdu leurs mères et leurs pères, les maris ou les épouses, ou ceux qui avaient eu leurs moyens de subsistance détruits étaient tous morts. Ça faisait des générations qu’il n’y avait pas eu d’assaut. Peut-être, disaient certains, que les pirates ont renoncé. Peut-être, disaient les autres, qu’un accommodement pourrait être fait avec eux afin que nous n’ayons même plus besoin de l’Entreprise de Sécurité.
Alors quelques-uns des lieutenants du Chef, des hommes qui s’étaient portés volontaires parmi les propres fils des citadins, ont commencé à retenir le refrain du Chef, suggérant même qu’il n’y avait « rien de nouveau » dans ce domaine. Ça avait été dès le tout début dans les plans à long terme de l’Entreprise de Sécurité d’« intégrer » les pirates dans la société de la ville. Ces gens-là, habillés en civil au lieu de porter l'uniforme de l’Entreprise de Sécurité, ont commencé à aller dans les pubs, les bars et les places publiques pour parler avec les gens dans leur propre langage, disant qu'il n'y avait vraiment plus rien à craindre dorénavant des pirates.
Certains des habitants plus âgés, qui se souvenaient de ce qu'était la vie dans la crainte des pirates, ont essayé de mettre en garde contre ce discours, mais ils étaient conspués par les lieutenants du Chef. « Sans pitié ! » ont-ils crié. « Comment pouvez-vous être aussi égoïstes que de ne pas vouloir partager votre bonne fortune avec ces pauvres gens ! » Et pire encore : « Le Chef est le Chef de la Entreprise de Sécurité ! Vous n’êtes que des paysans stupides et vous ne pouvez pas éventuellement avoir accès au type de renseignements spéciaux qu’il a. Il sait des choses que vous ne savez pas. Comment osez-vous l’interroger ? »
Les arguments allèrent comme ça pendant un certain temps avec la ville devenant de plus en plus divisée. Le Chef lui-même donna de nombreux discours, presque tous les jours, et lui et ses lieutenants continuèrent à insister qu'il fallait changer les choses alors que, dans le même temps, il soutenait avec force que les choses ne pouvaient pas changer. Les gens devinrent de plus en plus confus et la ville était en émoi.
Tout cela a duré jusqu'à le Chef publia une proclamation qui déclarait que les pirates n’étaient pas à craindre et qu'ils devraient être autorisés à entrer dans la ville au moins sur une base de cas par cas, un à la fois ». « Des individus seront sélectionnés pour faire cette évaluation...» ( le Chef aimait à parler comme ça parce qu'il pensait que ça le faisait paraître beaucoup plus officiel ) « ... en fonction de leur situation concrète et quelle que soit leurs circonstances atténuantes qui les auraient conduits tragiquement dans la piraterie seront prises en considération ».
Étonnamment pour certaines personnes âgées, le Chef a même suggéré, bien que dans un langage voilé, que le piratage n’était pas toujours dans toutes les situations ou dans chacune une mauvaise chose : « Objectivement, oui. Mais bien sûr, nous devons nous rappeler que la situation de chaque personne est différente et le piratage pourrait pour une personne ne pas lui sembler si mauvais. Et de toute façon, il faut penser aux enfants des filles qui ont été enlevées. Et qu’en serait-il si nous arrachions leurs pères et rapatrions leurs mères ? Hein ? Non ? Ce serait manquer de miséricorde ! Il ne faut pas toujours coller si étroitement aux règles. Pensez aux enfants ! »
Loin de calmer la situation, le tumulte a explosé plus fort que jamais à cela. Certains des habitants de la ville ont décidé qu'il était temps de déguerpir et ont commencé à emballer leurs choses. Certains étaient prêts à partir depuis un certain temps, en gardant leurs biens bien emballés dans le grenier. Ceux-ci ont commencé à parler de la façon dont c’était beaucoup plus sécuritaire dans l'Est où, oui, il est vrai qu'il y avait encore beaucoup de pirates, mais au moins ils n’avaient pas à compter sur une Entreprise dont le Chef de la Sécurité à tout moment pourrait devenir complètement fou.
« Dans l'Est » ces gens commencèrent à dire : « Les gens se regroupent pour protéger leurs villes et les familles. Et de toute façon, ils sont assez étroitement liés à nous et parlent la même langue pour la plupart. Peut-être qu’avoir une Entreprise de Sécurité avec un Chef responsable n'était pas une si bonne idée ».
Dans le même temps, les lieutenants embauchés par le Chef et les bénévoles commencèrent à louer la proclamation et à expliquer que cela ne signifiait pas vraiment ce que les gens plus âgés ont dit qu’elle signifiait.
« Le document du Chef envisage donc que les pirates peuvent se joindre à nous même si nous savons qu’ils vivent d’une façon objectivement mauvaise. Mais, eux-mêmes, en tant qu'individus, ils ne peuvent pas être tenus responsables de cela et ne sont donc pas mortellement coupables pour leurs actions en raison de diverses conditions cognitives ou psychologiques ». (La manière de parler du Chef était devenu très populaire avec ses acolytes.)
« Puisqu’ils ne sont pas mortellement coupables, ils pourraient être valablement absous s'ils ont avoué d’être des pirates même s'ils avaient l'intention de continuer à faire du piratage mais pas à l'intérieur de la ville. Rien dans ceci qui est nouveau. »
Nous allons devoir laisser l'histoire ici parce que personne n'a jamais entendu parler de cette ville de nouveau. C’étaient les temps anciens et l'histoire a été racontée dans des tablettes d'argile et de pierre déterrées autour de la Grèce et entreposées dans différents musées pendant des générations avec personne pour les recoller tous ensemble. Lorsque les archéologues ont finalement déchiffré les textes, ils sont allés faire des recherches mais aucune trace de la ville n'a jamais découverte sauf quelques ruines brûlées et renversées avec une écriture similaire.
Mais la discussion a continué parmi les spécialistes. Si la ville a finalement été détruite à cause du mauvais jugement du Chef, ou même à être un agent des pirates eux-mêmes comme certains l'ont suggéré, est-ce que les lieutenants bénévoles autoproclamés du Chef devraient être considérés comme des traîtres à leur ville ? Ou sont-ils simplement dupes ?
Avez-vous bien décodé ?
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