par Edward Pentin
Le 4 décembre 2015
SOURCE : National Catholic Register
De permettre à quelqu'un de recevoir l'Eucharistie quand il vit en « contradiction manifeste » avec les Paroles de Jésus « signifie l'ouverture d'une porte qui ne conduit pas au Christ » a déclaré le Cardinal Robert Sarah.
Sommaire de l'entretien
Dans une nouvelle entrevue de grande envergure chez Kath.net (voir ci-dessous pour le texte intégral), le préfet de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements a déclaré que la porte pour ces personnes est « toujours ouverte dans la mesure où Dieu continue à les appeler à la conversion ». |
Interview avec le Cardinal Robert Sarah, préfet de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements
par le professeur Armin Schwibach
Il y a quelques années — pas moins en rapport avec le motu proprio « Summorum Pontificum » du Pape Benoît XVI (2007) à l'égard de la Forme Extraordinaire du Rite Romain qui est Une — il y y a eu un débat houleux sur la nécessité d'une « réforme de la réforme », à commencer par une nouvelle approche de « Sacrosanctum Concilium ». Il serait devenu clair que la liturgie est la source, la fin et le sommet de la vie Chrétienne. En 2011, votre prédécesseur comme Préfet de la Congrégation du Culte Divin et la Discipline des Sacrements a souligné : « La liturgie nous place devant Dieu lui-même, avant l'action de Dieu, avant Son Amour. Nous allons promouvoir une nouvelle évangélisation nécessaire et urgente pour que la liturgie puisse de nouveau occuper ce lieu qui lui est propre dans la vie de tous les Chrétiens ».
Quelles nouvelles formes de catéchèse serait nécessaire pour faire en sorte que la liturgie redevienne la vraie source de la vie de l'Église ? Que peuvent ou devraient faire les Fidèles quand ils sont confrontés à des situations d'abus liturgiques ? Qu'est-ce que vous reconnaissez comme étant à l'origine des irrégularités qui sont, parfois même sévères, dans le domaine de la liturgie ?
La liturgie est en elle-même la source et sommet de la vie Chrétienne et ce, au-delà de toute catéchèse. Bien sûr, cependant, une formation liturgique qui a pour but une plus profonde compréhension des Sacrements est urgente. Il est vital et urgent pour l'homme de renouer des relations personnelles et intérieures avec Dieu par une vie liturgique et sacramentelle vraie et intense. Aujourd'hui plus que jamais le Chrétien a un profond besoin de redécouvrir la valeur inestimable de son Baptême, de l'Eucharistie, de l'humble confession de ses péchés. Pour cette raison, une initiation Chrétienne pour les Baptisés est nécessaire, c’est ce qui les aide à vivre la beauté de la rencontre personnelle avec Dieu dans la prière et l'adoration qui est le sens ultime de leur existence. Nous avons été créés pour aimer, prier et adorer Dieu. Quand l'homme se met à genoux devant Dieu, il atteint le plus haut niveau de l'existence. La liturgie vécue dans la piété et le caractère sacré, avec foi et amour, nous permet d'atteindre notre plénitude en Dieu. Là où l'homme ne perçoit plus Dieu, la vie devient vide. On peut la remplir à nouveau avec de la richesse matérielle : l'argent, le divertissement, le sexe, mais tout cela est insuffisant.
La racine des irrégularités dans le domaine liturgique, a affirmé le Pape Émérite Benoît XVI, est due à un problème de foi. Sans une ecclésiologie Eucharistique claire et une Christologie centrée sur la Sainte Messe, il est inutile de parler de la « réforme de la réforme ». La vraie réforme liturgique ne sera rendue tangible que par une éducation liturgique sérieuse qui, comme nous l'affirmions déjà, ressemble à la redécouverte de ce que le Concile nous a confiée. Un exemple de ceci serait le respect du « Silence Sacré » dans la liturgie. Il y a beaucoup de moments de silence prévus par la liturgie qui deviennent le lieu privilégié de la prière et de l'expérience de la Présence du Seigneur, cependant, de nombreuses fois, en ne comprenant pas la valeur de cela, on risque de les négliger et de cette façon de perdre l'orientation vers le Ciel qui est une partie fondamentale de la liturgie de l'Église.
En ce qui concerne les abus, les Chrétiens sont appelés d'abord à rechercher une rencontre avec leur pasteur et aussi de prier pour lui. Ensuite, si celui-ci insiste à répéter de tels abus liturgiques, les Fidèles avec d'autres témoins sont invités à rencontrer leur Évêque. L'Ordinaire, une fois que l'abus a été vérifié, est appelé à corriger la personne accusée, lui rappelant fermement que « la règlementation de la Sainte Liturgie appartient seulement à l'autorité de l'Église qui réside au Saint-Siège et, dans les normes de la loi, l'Évêque [...] Et qu’en conséquence, personne d’autre, absolument pas, même pas un Prêtre doit oser de sa propre initiative ajouter, soustraire ou modifier de quelque façon ce qui est de matière liturgique ». (SC no 22).
Cependant on doit faire tout cela toujours pour la liturgie et l'Église elle-même : l'amour et l'unité.
Les événements récents et les attaques terroristes à Paris le 13 novembre, 2015, ont laissé à nouveau l'Europe et le monde entier consternés. Voyez-vous aussi dans ceci un danger spirituel pour notre société européenne, pour sa communauté de valeurs ? Pensez-vous que ce danger spirituel soit plus grave que la dissolution de la foi et l'éclipse de Dieu en Europe ? Basé sur votre expérience : voyez-vous un moyen de coexistence pacifique avec les autres religions qui pourrait se réaliser ? Devant l'avance d'une « religion chaude » comme celle de l'Islam, quelle devrait être la réponse d'un Christianisme Européen et Occidental devenu maintenant « froid », compte tenu de l'environnement qui est toujours plus sécularisé, indifférent ou agressivement athée ?
L'Europe est en danger parce qu'elle a oublié Dieu et, comme résultat, elle a oublié sa culture, son histoire, ses racines, son identité. Le phénomène du terrorisme Islamique pourrait même être un phénomène temporaire, nous l'espérons tous, mais le problème de l'Occident qui ne se connaît plus lui-même restera le même après. La seule façon qu’un chemin de coexistence entre les religions puisse être réalisé est qu’un dialogue humain soit commencé à l'égard des valeurs humaines et éthiques qui nous unissent, comme l'éminente dignité de la personne humaine, la vie et la famille. Un dialogue théologique me semble objectivement difficile. Si nous regardons les attaques brutales à Paris, nous voyons que les djihadistes ont frappé précisément aux endroits que nous considérons être l'expression de la « vie » d'aujourd'hui : la liberté, qui se transforme souvent en anarchie ; le divertissement ; la légèreté. Maintenant, je me demande : est-ce que l'Occident est seulement cela ? Est-il juste capable de profiter d'une liberté sans bornes ? Est-ce pour cela que tout le monde dit : « Je suis de Paris » sans comprendre ce que cela signifie vraiment ? Je ne crois pas du tout. Et c’est cela qu’attaque la dégénérescence d'une partie de l'Islam, qui est rendue tangible par une fausse voie dans l'esprit terroriste : ces terroristes trouvent en Occident et en Europe un bas ventre mou à frapper dans lequel l'absence de Dieu et d'identité nous ont fait faibles et sans défense, et donc même pas capables de faire avancer une vision positive de la vie si ce n’est pas supposé être « Je vis comme je veux ».
Dans « Dieu ou rien », vous écrivez : « La distance de Dieu n’est pas le fruit d'un raisonnement, mais d'un désir de se séparer de Lui. L'orientation athée d'une vie est presque toujours le choix de la volonté. L'homme ne veut pas plus réfléchir sur sa relation avec Dieu parce qu'il veut devenir Dieu lui-même » (p. 220).
Quelle est, à votre avis, est la plus grande faiblesse des Chrétiens en Europe, dans cette partie du monde qui était autrefois « l'Occident Chrétien » ?
La plus grande faiblesse, que je qualifierais de péché mortel, de l'Europe est l'apostasie silencieuse dont Saint Jean-Paul II avait parlé. Ou bien la volonté de construire un « humanisme sans Dieu ». L’Europe et la société de l'Occident en général ont pris leurs distances de Dieu, plus juste maintenant et pas seulement sur la base d'une réfutation de Son Existence, mais aussi dans ses conséquences extrêmes à savoir l'indifférence à l'égard du sens religieux. Ainsi, l'affirmation typique de la post-modernité, qui est née avec la révolution des coutumes dans les années 1960, pour laquelle Dieu n’existe pas, est devenue aujourd'hui : « Qu'il existe ou pas, ça n'a pas d'importance : chacun est libre de croire ce qu'il veut , mais seulement en privé. » Cela signifie tout nier, nier que l'homme est capable chercher la Vérité (jusqu’à penser que cela serait inutile) : en effet, pour autant que tout est égal, rien ne compte plus. Mais ce relativisme est bien pire que le nihilisme. Donc aujourd'hui l'Occident veut vivre en excluant la possibilité de répondre aux grands « Pourquoi » de la vie, sans faire référence à l'ensemble du Bien et aux valeurs de Charité et de Justice. Le Pape Benoît a toujours dit que « là seulement où on voit Dieu, commence alors véritablement la vie, seulement lorsque nous rencontrons le Dieu vivant dans le Christ, connaissons-nous ce qu'est la vie ».
Là, l'Occident, non seulement l'Europe, est en danger parce que, dans ce processus d'oubli de Dieu, il a détruit les choses les plus élevées et les plus belles qu’a données le Christianisme : le respect de la vie, la dignité de l'homme créé à l'image et à la ressemblance de Dieu. Et il y a un dernier aspect encore pire : c’est l'intention, souvent violente de l'Occident d’« exporter » cela, sa décadence même à ce qui n’est pas Occidental. Mais je me demande : si la vie n'a pas son but dans la Vérité, est-ce que la vie a un sens ? Je crois donc que nous pouvons recommencer à nouveau en permettant à Dieu de revenir dans nos vies. Nous devons être capables de placer Dieu au centre de nos pensées, au centre de nos actions, au centre de nos vies, dans la seule place qu'il doit occuper jusqu'à ce que notre voyage en tant que Chrétiens gravite autour de ce rocher qui est Dieu, cette certitude solide de notre foi Chrétienne. Je vais faire une proposition : revenons à la prière, qui est la voie du dialogue avec Dieu : en améliorant seulement notre relation avec Dieu, Il l’améliorera avec les hommes et, sans cela, nous aurons toujours des guerres, de la haine et des blessures. Nous devons donner du temps à Dieu.
Dans votre livre « Dieu ou rien », vous affirmez : « Le divorce est une offense grave à la loi naturelle et une blessure à l'Alliance salvifique dont le mariage en est le signe » (p 326). Un des thèmes dans les années 2014 et 1015 qui a occupé certains Catholiques et la plupart des médias laïques fut les deux Synodes sur la Famille au cours desquels, dans l'opinion publique, ce qui a pris la place prépondérante fut avant tout le problème des « Sacrements pour les divorcés remariés » .
Selon vous, pourquoi était-ce un thème qui mettait en danger le fondement de toute la Doctrine Catholique étant donné l’importance si accentuée qui lui a été accordée et, tout cela, malgré des statistiques qui nous disent que ça concerne seulement une petite minorité de Fidèles ?
Parce que, malheureusement, encore aujourd'hui dans l'Église et parmi de nombreux Prêtres, Évêques et Cardinaux, il est jugé que pour répondre aux problèmes du monde, on doit s'y adapter en ignorant les termes clairs de Jésus sur l'indissolubilité du mariage et de la séparation invoquant des raisons de miséricorde, de pastorale et de Doctrine. Et cela se fait pour des raisons de réconfort afin de ne pas risquer et de ne pas paraître politiquement incorrect. Ceci est appelé mondanité, la pire chose qui peut frapper les Chrétiens, laïcs ou consacrés, et qui est le danger que François nous rappelle sans cesse. Je recommande à tous le beau roman — « La Puissance et la Gloire » de Graham Greene — pour vérifier ce que je dis. Même Jésus lui-même nous a demandé d'être « dans » le monde, non pas « du » monde (Jn 15 : 18-21). Aujourd'hui, au lieu d'affirmer la beauté d'un Sacrement comme le mariage, son ouverture à la vie, étant la base de la société de demain, nous nous enveloppons dans des choses qui ne fonctionnent pas.
C’est comme si je disais qu'il est préférable de ne pas construire une maison de peur d'un tremblement de terre bien qu'ayant les outils pour la construire et de la rendre plus solide. Il en est de même avec le mariage que Jésus a donné comme un cadeau à l'homme et à la femme, comme une union indissoluble avec Lui-Même. Ainsi, nous sommes terrorisés d’avoir Dieu dans nos vies si bien que nous préférons « Le tuer » afin d'être en contrôle de tout nous-mêmes, avec des résultats inquiétants, comme nous le voyons. Malheureusement la culture positiviste nous a habitués aux seuls critères d'opportunité et d'efficacité et, pour cette raison, quelque chose est fait seulement si et aussi longtemps que cela est utile, et ce principe d’utilité est appliqué même aux rapports humains et aux Sacrements. D'autre part, l’« humanisme sans Dieu » généralisé dont je parlais auparavant nous a contaminés par la contagion du sentimentalisme de sorte que quelque chose avance seulement si c’est supportable et aussi longtemps que nous en sommes remplis d'inspiration, d'émotion et de passion. Lorsque ces conditions passent, l'alliance peut être brisée : et cela ne signifie pas qu’en brisant cette alliance nous mettions Dieu en dehors de notre maison. Mais c’est un scandale que l'on raisonne de cette manière ! Le Chrétien a comme point de référence la Croix, ce qui ne signifie pas seulement la souffrance mais tout le contraire : le don d'amour de soi jusqu'au bout parce que cela seulement sauve. Il est clair que l'Évangile est exigeant : Jésus exige notre tout mais, en même temps, Il nous offre tout. Y a-t-il rien de plus beau que cela ?
Cependant, aujourd'hui, nous sommes persuadés du fait que les hommes ne visent plus les choses élevées et durables : et donc, même dans l'Église, pour des raisons d’aisance et à cause de la peur, nous préférons les éduquer dans ce qui est contingent. Et ici nous arrivons à l'autre point-clé : l'éducation. L'Église doit éduquer dans la beauté et pour la découverte du parcours de Baptême propre à chacun, pas pour accepter le mal et le péché. Cela ne signifie pas sous-estimer la crise anthropologique actuelle. Tout le contraire, en effet, je dis : et si ce désert devait être une grâce à profiter pour un retour à la proclamation de Dieu et de l'Évangile ?
Dans un article de la revue n ° 3970 (28.11.2015) de « La Civiltà Cattolica » dont le brouillon a été examiné par le Secrétaire d'État du Saint-Siège avec son approbation finale, son directeur, Antonio Spadaro SJ, parle explicitement d'une « porte ouverte » à l'Eucharistie pour les divorcés remariés. Le Jésuite écrit : « Il sera toujours du devoir du pasteur de trouver un chemin qui correspond à la vérité et à la vie des personnes qu'il accompagne, chemin qui, possiblement, ne pourra pas être en mesure d'être expliqué à tous pourquoi ils prennent telle décision plutôt qu'une autre. L'Église est le Sacrement du Salut. Il y a beaucoup de chemins et de nombreuses dimensions à explorer pour le bien de la « Salus Animarum » (salut de l’âme). En ce qui concerne l'accès aux Sacrements, le Synode Ordinaire conséquemment a effectivement créé la base pour cela, l'ouverture d'une porte qui ,toutefois, dans le Synode précédent était restée fermée ».
Étant donné que vous êtes un Père Synodal qui connaît les paragraphes controversés n ° 84-86 de la « Relatio Synodi », comment jugez-vous ces affirmations d'un autre membre du Synode qui interprète ainsi ces résultats ? Est-ce que la question de « l'ouverture d'une porte » n’est pas équivalente à un « changement » toujours nié de la Doctrine de l'indissolubilité du mariage, ce qui est impossible ? Est-ce que des affirmations de ce genre accroissent l'incertitude et la perplexité des Fidèles, comme ça a été particulièrement observé d'une manière sensible au cours de ces deux années ?
Le Synode a voulu aider et accompagner ces Baptisés qui se trouvent dans une situation de vie contraire à la Parole de Jésus. Et le Synode a proclamé que la porte est toujours ouverte pour eux dans la mesure où Dieu continue à les appeler à la conversion et à agir dans leurs cœurs pour régénérer leur désir de la plénitude vie que Jésus nous a proclamée.
Certes, à proposer ces routes qui ne conduisent pas à cette vie de plénitude ne constitue pas l'ouverture des portes. La porte que Dieu ouvre nous conduit toujours à Lui, à Sa demeure dans laquelle nous pouvons vivre Sa vie. Le péché ferme la porte de la vie. Admettre une personne à la Communion Eucharistique quand elle vit en contradiction manifeste avec les Paroles de Jésus signifie l'ouverture d'une porte qui ne conduit pas au Christ, ou de fait ça ferme effectivement la porte de la Vraie Vie. Rappelons-nous : la porte est Jésus, l'Église ne peut pas ouvrir cette porte ; le pasteur qui ne veut pas entrer par cette porte, Jésus Lui-Même dit qu’il n’est pas un vrai pasteur. Parce que « celui qui n'entre pas par la porte dans l'enclos des brebis , mais qui passe par-dessus le mur à un autre endroit, celui-là est un voleur, un brigand. Mais celui qui entre par la porte est le berger des brebis [...] Oui, je vous le déclare, c'est la vérité : je suis la porte de l'enclos des brebis » (Jn 10, 1-2 7.).
Le document du Synode (n. 84-86) ne dit pas autre chose et le texte écrit est le seul élément pour nous assurer l'interprétation correcte de ce que le Synode a voulu dire. Le document parle du devoir du pasteur d'accompagner les personnes sous la direction de l'Évêque mais ajoute aussi, et c'est très important, que l'accompagnement doit se produire « selon l'enseignement de l'Église ». Cela inclut l'enseignement sans aucun doute nous venant de la lecture pure, complète et fidèle de Familiaris Consortio 84 et Sacramentum Caritatis 29 ainsi que du Catéchisme de l'Église catholique : l'accompagnement, qui tiendra compte des circonstances concrètes, a un objectif commun : conduire la personne vers une vie en accord avec la Vie et les Paroles de Jésus ; à la fin du parcours, la décision d'abandonner la nouvelle union ou de vivre dans la continence absolue aura mûri. De renoncer à cet objectif est de renoncer même au parcours.
Il est vrai que le texte ne reprend pas explicitement cet enseignement et, de cette façon, il est interprété de différentes façons par la presse. Mais c’est une interprétation abusive, même trompeuse, qui déforme son sens. Le texte ne parle jamais de donner l'Eucharistie à ceux qui continuent à vivre d'une manière manifestement contraire. S’il y a des silences, ceux-ci doivent être interprétés en accord avec l'herméneutique Catholique, ce qui signifie, à la lumière du Magistère antérieur constant, un Magistère que le texte du Synode ne nie jamais. En d'autres termes, la porte reste fermée à la Communion Eucharistique pour les divorcés et remariés civilement parce que Jésus lui-même a dit : « Si un homme renvoie sa femme, alors qu'elle n'a pas été infidèle f , et en épouse une autre, il commet un adultère. ». Que l'homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni ». (Mt 19, 6. 9). La porte est fermée par Familiaris Consortio 84, Sacramentum caritatis par 29 et par le Catéchisme de l'Église Catholique. Pour donner un coup de pied dans cette porte ou grimper dans un autre lieu signifie écrire un autre Évangile et s’opposer à Jésus-Christ Notre Seigneur. Je suis passablement sûr que François interprète les numéros 84-86 de la « Relatio Synodi » en parfaite continuité et fidélité avec ses prédécesseurs. En fait, dans une interview avec le quotidien argentin « La Nacion », il a affirmé : « Que faisons-nous avec eux, quelle porte peut être ouverte? Il y a ici une inquiétude pastorale : faut-il leur donner la Communion ? Ce n’est pas une solution de leur donner la Communion. Ceci n’est tout simplement pas une solution, la solution est l'intégration ».
C’est vrai qu'il y a « beaucoup de chemins et de dimensions à explorer » comme l’indique le Père Spadaro ; je voudrais pourtant simplement ajouter que ce sont des chemins vers un but et ce but pour l'Église ne peut être qu'un : amener la personne à Jésus, mettre sa vie en harmonie avec Jésus et avec son enseignement sur l’amour humain et conjugal. L'accès à l'Eucharistie, qui est Communion avec le Corps de Jésus, est ouvert à tous ceux qui sont prêts à vivre dans le Corps en accord avec la Parole de Jésus. Si l'Église ouvre la porte à un autre objectif, à un autre endroit, alors ce n’est pas de la porte de la miséricorde. Cela signifierait alors un véritable changement de Doctrine parce que chaque Doctrine (comme celle de l'indissolubilité du mariage) est d'abord confessée à l'endroit où l'Eucharistie est célébrée. Quand un Chrétien dit « amen » lors de la réception de l'Eucharistie, non seulement il affirme que l'Eucharistie est le Corps de Jésus, mais aussi qu'il souhaite conformer sa vie au Corps, ses relations conformes à Jésus, parce qu'il croit que la Parole de Jésus est la Parole de la Vraie Vie.
Cela signifie qu'il y a un parcours, qu'il y a un espoir, même pour ceux qui vivent loin, et ce Synode a voulu confirmer cela. Si ces personnes elles-mêmes ne se sentent pas prêtes à vivre en accord avec la Parole de Jésus, alors c’est la tâche de l'Église de leur rappeler, avec patience, délicatesse, qu'ils appartiennent à l'Église, qu'ils sont des enfants de Dieu ; c’est la tâche de l'Église de les accompagner afin qu’ils puissent venir plus près de Jésus à bien des égards, en participant à la Célébration Eucharistique, en aidant dans les œuvres de charité et de miséricorde, dans la mission de l'Église ... Une fois qu'ils sont près de Jésus , ils peuvent mieux comprendre Ses Paroles, ils peuvent être convaincus de la force de Dieu dans leur vie qui rend la conversion possible et l'abandon de la rupture complète avec le péché.
Bien sûr, l'accompagnement des divorcés remariés se fait au cas par cas comme aussi la préparation au mariage se fait au cas par cas. Mais cela ne signifie pas que, pour ceux qui se préparent pour le mariage, l'Église propose différents types de mariage, de différentes longueurs selon chaque cas individuel. Le mariage pour lequel ils sont préparés est toujours le même, tout comme l'objectif pour les divorcés remariés est toujours le même. Et c’est ainsi parce que nous vivons en communauté, nous ne sommes pas des monades, nous partageons le même appel à la sainteté et la même vocation à l'amour, ce qui est précisément contenues dans le mariage monogame, stable et indissoluble.
À votre avis, du moins de la façon dont ça a été présenté par les médias, le Synode était-il trop centrés sur des thèmes Européens et Allemands ? Comment avez-vous perçu les points de vue en partie très Eurocentriques et comment voyez-vous la possibilité d'éviter une réduction unilatérale de la discussion ?
Sans vouloir offenser personne, on pourrait parler d'une présentation Eurocentrique du document de discussion Instrumentum Laboris et de certains médias, non seulement parce que des thèmes déterminés ont été choisis qui préoccupaient plus l'Occident (comme la Communion pour les personnes divorcées et dans de nouvelles unions civiles) mais surtout pour une insistance excessive sur l'individu et la conscience subjective. Le danger de l'Eurocentrisme, dans ce sens, signifie le danger de s’adapter excessivement à la perspective de la modernité ou de la postmodernité impie qui est maintenant globalisée et que François, par tant de moyens, a dénoncé lors de son voyage aux Philippines, comme étant un « colonialisme idéologique » pour les autres pays.
Selon cette perspective « Eurocentrique », la famille est considérée comme une réalité privatisée, mesurée seulement selon le désir du sujet individualiste, ce qui réduit l'amour à une émotion. Pour donner une réponse aux problèmes de la famille selon ce point de vue consisterait, comme cela se fait, à souligner la primauté d'une conscience autonome, d'un subjectivisme de la conscience, qui décide par elle-même. Voilà pourquoi un point de vue trop Eurocentrique veut justifier à tout prix les situations qui sont contraires à la vérité du mariage comme la fornication ou la cohabitation ou le mariage civil et de les voir comme un chemin vers la plénitude, au lieu de reconnaître les torts qu’ils font à la personne parce qu'ils possèdent une logique contraire à l'amour vrai. En outre, ce point de vue tend à opposer l’amour et la vérité, la Doctrine et la pastorale, selon un point de vue dualiste qui est juste aussi celui de la pensée postmoderne.
Je crois que le Synode voulait abandonner précisément ce point de vue. C’est juste à partir de d'autres cultures, qui sont à la périphérie, que cette nouvelle lumière est faite sur la famille, une vision de la famille au centre de la société et de l'Église. La société et l'Église ne sont pas formées par des individus, mais par les familles, par les cellules de communion vivante. Ceci correspond avec une vision, pour ainsi dire « familière », de l'homme qui n’est pas une conscience isolée mais vit en recevant tout des autres et appelé à se donner aux autres. Une plus grande confiance naît ainsi dans l'amour de Dieu pour régénérer le cœur des personnes. C’est encore mieux compris de dire que la lumière de la Doctrine est unie à des pratiques vitales et au rite liturgique : c’est non seulement une lumière théorique, comme un certain dualisme moderne l'a conçue mais cela correspond en réalité à la vraie pensée Européenne, qui a des racines Chrétiennes et que l'Europe est appelée à récupérer si elle veut survivre.
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