par Thomas L. McDonald
SOURCE : National Catholic Register
Le lundi 12 octobre 2015
Au cours de la dernière année, j'ai vu des Catholiques prétendre que nous sommes à un moment unique dangereux dans l'histoire de l'Église. Plusieurs l’appellent une crise qui pourrait déchirer l'Église. Certains disent que c’est la pire crise de l'Histoire de l'Église.
La source de cette crise : le Synode extraordinaire des Évêques sur la Famille et le projet de révision de la pratique de l'Église des Catholiques envers les divorcés et remariés.
À voir les crises passer, c’est quelque chose de moins que, disons, les persécutions des premiers temps, de la querelle sur l’investiture ou la Réforme, mais l'un des défauts du modernisme, c’est que l'homme se sent au centre de l'histoire, dans les moments uniques où les batailles épiques sont menées pour l'avenir même de l'Église. (Remarque : une bataille épique fait toujours rage pour l'avenir de l'Église.) Ça répond à la tendance à l'auto-dramatisation et permet une forme libre de ventilation de la rate alors que les gens cherchent une solution à leurs sujets de litige sous prétexte d'essayer de sauver l'Église d’elle-même.
En fait, en termes de la vie intérieure de l'Église de 2015, elle n’est même pas parmi les pires 1500 années que nous ayons connues. La pire chose qui puisse arriver dans ce siècle est la destruction apocalyptique de communautés chrétiennes au Moyen-Orient, mais ce ne sont pas ce qui causent les réactionnaires à priser leurs sels et à creuser dans leur boîte d'exagérations.
Regardons le passé pour s’éclairer, prenons un pontificat à un moment particulièrement terrible dans l'histoire de l'Église, à un moment où le monde que nous connaissons était en train de naître. La papauté était en réel danger de vacillement pour de bon et seulement l'action de l'Esprit Saint a protégé le Siège de Pierre.
Giovanni Braschi s’était engagé à se marier quand il a changé de cap et entra dans la prêtrise. Il a gravi les échelons de la Curie accumulant du pouvoir, de l'argent, un chapeau rouge et, éventuellement, la papauté elle-même. En tant que Pie VI (1775-1799), il a eu le malheur unique de venir à la papauté quand le monde tel qu’il le connaissait se désintégrait. C’était un homme vain et d’un népotisme de premier ordre, mais il a aussi créé le Musée du Vatican et a passé de nombreuses années (finalement futiles) à essayer de rendre habitables les marais Pontins en dehors de Rome. Son engagement envers la foi n'a jamais été mis en doute et il disait la messe avec un grand respect. Ce mélange de piété authentique et de corruption mondaine n’était pas rare.
Ce ne fut pas seulement le « Siècle des Lumières » et l'âge de la révolution qui lui tombaient dessus, mais c’étaient ces changements massifs dans la relation de l'Église et de l'État qui étaient en train de réécrire la nature même de son rôle et de sa fonction dans le monde séculier.
L'hérésie Janséniste était en plein essor à l'époque. Et le Saint Empereur Romain Saint Joseph II promulguait des milliers de décrets touchant à tous les aspects de la vie ecclésiale sans aucune consultation avec le Pape. Joseph se considérait comme un bon Catholique et le Joséphisme était sa tentative pour moderniser l'Église selon les valeurs du « Siècle des Lumières ». Cela comprenait des choses comme la dissolution des monastères et le transfert de leur propriété à l'État, tout en restant nominalement un pays « Catholique ». Ça a abouti à un Synode à Pistoia sollicité par un Évêque hérétique et soutenu par le clergé et les théologiens hérétiques qui ont ordonné des choses allant du remplacement des statues des saints avec des peintures bibliques, jusqu’à enlever le Chemin de la Croix, se débarrasser des reliques et interdire la dévotion au Sacré-Cœur : ces actions ont provoqué une vague d'indignation et même des émeutes. Il faudra près de 10 ans à Pie VI pour publier Auctorem Fidei (1794) condamnant les actes du Synode.
Pendant ce temps, le contrôle du Pape a glissé de ses doigts. Les gouvernements lui ont interdit de communiquer avec leurs sujets sans leur approbation. Les gens qui ont tenté de communiquer avec lui et qui n’avaient pas d’autorisation pouvaient être bannis. Quand il a essayé d’installer une nonciature à Munich, les Évêques allemands l'ont arrêté. (Notre problème des Évêques allemands n’a rien de nouveau.)
Rien de tout cela, cependant, n’a préparé Pie VI pour les forces cauchemardesques déchaînées par la Révolution française. Les Évêques français avaient déjà été à la dérive dans l'apostasie, avec les Évêques ouvertement athées comme Gobel et Talleyrand. Ils ont aidé la France à résoudre ses problèmes économiques en saisissant tout ce qui appartenait à l'Église, en dissolvant les ordres religieux, en nationalisant le clergé, en donnant aux maires le pouvoir de l'Église de marier des couples, de décider des divorces et en introduisant l’élimination de l'autorité papale. Le clergé fut permis de se marier. Dans le sillage de la ferveur révolutionnaire, un grand nombre de prêtres et de religieux ont tout simplement quitté les ordres, y compris presque tous les moines vénérables de l'Abbaye de Cluny, qui avait été le summum du monachisme occidental. L'Abbaye a ensuite été saccagée et presque détruite.
Certains Évêques ont supplié Pie VI de faire quelque chose, quoi que ce soit, même si cela signifiait trouver un compromis avec la « Constitution civile du clergé » si détestée. À ce moment crucial, il n'a rien fait, craignant un schisme. Il lui a fallu deux ans pour la condamner, et à ce moment-là, il était trop tard. L'Europe se dirigeait vers la guerre alors que les nations environnantes devenaient de plus en plus alarmées par la Révolution. Le gouvernement français a durci sa position contre le clergé récalcitrant et a commencé à les persécuter. Des dizaines de milliers ont fui. Des centaines ont trouvé refuge en Angleterre qui cherchait encore à assouplir sa persécution des Catholiques, un plan d'action qui avait débuté avec les émeutes de Gordon en 1780. De nombreux clercs et religieux ont été tués sur le coup (comme les Carmélites de Compiègne) ou laissés à mourir en prison.
Napoléon marcha sur Rome qui n’a été sauvé que par des concessions humiliantes et une rançon énorme. Pie VI a été obligé d'exhorter les Catholiques à soutenir le gouvernement français. Les Républicains ont commencé à surgir en Italie suivant une approche similaire utilisée en France, y compris la prise du pouvoir et des biens de l'Église ainsi que la légalisation du divorce.
Contrairement à de nombreux dirigeants révolutionnaires, Napoléon était un pragmatique et croyait que la religion pourrait être utilisée pour contrôler une population. Le général corse (bientôt empereur) savait que ça signifiait le fait d’obtenir du Pape qu’il se plie à sa volonté. Ainsi, en utilisant une émeute comme un prétexte, en 1799, il avait arrêté les Cardinaux et enlevé le Pape malade.
Pie VI ne pouvait pas survivre aux conditions exténuantes et il est décédé en août de la même année. Le clergé français s’est vu refuser l'inhumation dans sa mort et il fut enregistré sous son prénom et son nom.
Rome et les États pontificaux ont été saisis de la mort du Pape et la plupart des Cardinaux étaient en prison. À ce moment-là, la papauté apparut comme terminée.
Mais ça n'a pas été ainsi. Pie VII est arrivé au pouvoir et a fait face à plusieurs des mêmes défis que son prédécesseur ; parfois il a réussi, parfois il a failli. Peu à peu, l'Église est revenue à la vie conduite par un homme sur la Chaire de Pierre, qu’il fut digne ou non de s’y assoir. Rien de tout cette leçon d'histoire n’est destiné à balayer notre crise actuelle. Chaque âge a à relever ses propres défis et nous en avons plusieurs. Nous avons juste besoin de les mettre en contexte et de réaliser que nous ne sommes pas face à des incidents isolés ou encore au plus bas point de notre histoire. L'Église a toujours été un rocher planté dans un paysage moral et social mouvant. Le Synode actuel fait partie de la longue tâche, continue et difficile de maintenir des Vérités Éternelles dans un monde en constante évolution. Cela n’est pas une mince tâche facile à faire et les factions aux deux extrêmes posent un risque soit en compromettant les Vérités Éternelles immuables ou soit en les rendant incompréhensibles pour l'homme contemporain.
Ce que nous vivons est la partie de la fin de l'époque qui a commencé sous le règne de Pie VI. Ce sont les répliques au tremblement de terre de la révolution et du « Siècle des Lumières ». La tension actuelle entre l’État laïc et l'Église — et entre les caprices de la société et la Vérité transcendante — n’est pas née au 18ème siècle, mais elle a pris forme alors. Les débats en cours au Synode sur la Famille font partie d'une période qui a vu un effondrement complet de la puissance terrestre de la papauté et l'émergence d'une nouvelle compréhension de la puissance papale et du rôle du Pape. C’était un divorce (si vous pardonnez le mot) entre l’Église et l’État, et un divorce dont le temps était venu.
Le point ici n’est pas juste pour dire que les choses ont déjà été pires (piètre consolation) ou de regarder à l'origine de la question (aussi utile que cela puisse être), mais de mettre les choses dans leur juste perspective et de donner aux Catholiques une meilleure façon de discerner une préoccupation raisonnable de la simple hystérie. Ceux qui disent que c’est la pire crise de l'Église n’ait jamais connue ou que nous sommes dans une période unique dangereuse se trompent tout simplement. Ils effraient les gens inutilement. Cela crée de l’anxiété et de la tension dans un monde qui en a déjà trop de ces deux choses.
Détendez-vous. L'Église a connu pire. C’est peut être une période instable et ça pourrait devenir encore plus instable (ne jamais sous-estimer l'énergie destructrice de l'Épiscopat Allemand), mais ce n’est pas la catastrophe imminente dont nous avons entendu parler. C’est juste l'Église qui travaille comme d’habitude sur les choses à sa manière désordonnée et dysfonctionnelle. C’est comme le vieux cliché à propos de la saucisse : vous pouvez en profiter mais vous ne voulez jamais voir comment on la fabrique.
L'Église est toujours sous une forme ou une autre dans la tourmente ; parfois grande, parfois moins. Les gens puissants peuvent essayer de nous conduire à l'extrême bord du schisme. Les Fidèles continueront d'être confondus. Il en a toujours été ainsi, dès le premier jour, lorsque Jacques et Jean se sont disputés à savoir qui pourra bénéficier des meilleurs sièges. On nous a donné une institution divine et nous l’avons traitée avec notre mélange habituel de gloire et de corruption.
L'Église survit. Elle survivra toujours. Jésus-Christ nous en a fait à ce point promesse.
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