Par JUDE P. DOUGHERTY
SOURCE : The Wanderer
Dr Jude P. Dougherty est Doyen Émérite de l'École de Philosophie
de l'Université Catholique des Amériques
Les auteurs et les chaînes de télévision l’utilisent [ l'ambiguité délibérée ] quand ils ne sont pas sûrs des faits. Les politiciens l’utilisent souvent dans la création d'une loi qui leur permet ensuite une liberté d'interprétation contradictoire par les tribunaux, les régulateurs et les procureurs. Le Pape François, qui ne parle jamais clairement, l'utilise dans une mesure telle que, dans les questions doctrinales, ce qui était certain auparavant est devenu problématique.
Les lecteurs de ces pages ( note : The Wanderer ) sont conscients que Gerhard Cardinal Mueller, le Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, a assuré les Catholiques que l'enseignement dogmatique de l'Église concernant la réception de la Communion pour les divorcés remariés n'a pas changé. Raymond Cardinal Burke, ancien Préfet du Tribunal Suprême de la Signature Apostolique a dit la même chose.
Le Cardinal Mueller, dans l'exercice de ses responsabilités, accomplit l'un des buts d'une congrégation qui a été créée par Paul III en 1542. Le Pape Paul a mandaté la congrégation avec la tâche de répandre une saine Doctrine Catholique et de défendre ces éléments de la Tradition Chrétienne qui semblaient en danger à cause de doctrines nouvelles et inacceptables.
Au début de mai de cette année, Mgr Bruno Forte a parlé ouvertement à un auditoire dans son diocèse de Chieti-Vasto, il a rapporté que, durant le Synode sur la famille, le Pape François lui a dit : « Si l'on parle explicitement de la Communion pour les divorcés remariés, vous ne savez pas quel terrible gâchis que nous allons faire. Nous ne parlerons donc pas clairement, faites en sorte que les prémisses soient là, alors je vais en tirer les conclusions ». Forte a présenté l'opinion qu’avec la promulgation de Amoris Laetitia, en effet, les réformateurs dans le camp du Cardinal Walter Kasper ont obtenu ce qu'ils voulaient.
Le Professeur émérite Robert Spaemann de l'Université de Munich (voir article sur M. Spaeman ici), à l'issue d'un entretien avec Anian Christoph Wimmer, a exprimé les sentiments de beaucoup de ses collègues ici et à l'étranger quand il a dit de Amoris Laetitia (voir The Wanderer, le 12 mai, 2016, p. 1A) :
« Chaque Cardinal pris individuellement, mais aussi chaque Évêque et chaque prêtre est appelé à préserver d’une droite façon l'intégrité de la discipline Catholique des Sacrements dans le domaine de ses responsabilités et de la confesser publiquement au cas où le Pape n’est pas prêt à faire des corrections ... Dans les années à venir, ça peut prendre un Pape ultérieur pour redresser officiellement les choses ».
Il faut noter que Spaemann est titulaire d'un diplôme honorifique de l'Université Catholique d'Amérique et a brièvement enseigné là.
En examinant le texte de Amoris Laetitia, nous constatons que la note 315 attire l'attention sur le fait que, dans une situation objective de péché, il est possible pour le mécréant d’être subjectivement innocent. Le Catéchisme de l'Église Catholique enseigne :
« Dans le but de commettre un péché mortel, la matière grave ne suffit pas ; la pleine connaissance et le consentement volontaire sont également nécessaires. »
Voici le dilemme. Un confesseur peut prendre conscience que le pénitent n'a pas avoué un péché parce qu'il n'a aucune idée de ce qu'est un péché. Si tel est le cas, le pénitent peut valablement recevoir l'absolution. Mais le confesseur est obligé de remettre les pendules à l’heure en corrigeant la conscience malformée et en guidant le pénitent à travers le processus de formation d'une conscience correcte. La question clé devient alors : « Cette pratique doctrinalement bien-fondée peut-elle être étendue aux divorcés remariés ? » La réponse est «Non». Le pénitent doit, une fois mis au courant que son comportement est en contradiction avec l'enseignement de l'Église, s’abstenir de la Sainte Communion.
L’enseignement ambigu du Pape François sur le mariage et la famille ainsi que sur d'autres questions se prête à l'interprétation par des médias séculiers trop désireux de promouvoir une interprétation progressiste de tout document, indiquant que l'Église a changé son ancien enseignement. Certes, ce rabâchage interne a pour effet de porter atteinte à la confiance dans l'autorité morale de l'Église.
Ses positions académiques mises à part, ce qui donne autorité à Robert Spaemann est la tradition de la loi naturelle qu'il présente et à laquelle l'Église elle-même est responsable. L'Église n'a pas inventé la morale mais, au fil des siècles, elle a promulgué les plus hauts principes moraux connus de l'humanité. De toute évidence, la discipline liée aux Sacrements institués par Dieu est son domaine. À travers les Sacrements, elle a enseigné et promu le comportement moral personnel. Cette réalisation a contribué au-delà de la mesure à la création de la culture occidentale.
À une époque où l'Europe est en état de siège sous un Islam militant, l'Occident a besoin de la voix morale de l'Église plus que jamais. Malheureusement, à son plus haut niveau, elle semble indifférente, incertaine dans l'exercice de son autorité traditionnelle.
Certes, l'Église a connu la voile rude dans le passé et a récupéré après des décennies. Mais cette fois, c’est la civilisation Occidentale elle-même, détachée de ses sources classiques qui semble être en jeu. Les enjeux n’ont jamais été aussi élevés. Avec les Protestants de tradition capitulant au Zeitgeist ( note : à l’air du temps) libéral, seule l'Église peut enseigner autoritairement. Un diagnostic correct est la première étape dans le traitement de toute maladie. Peut-être est-ce subtilement en cours alors que les voix des laïcs s’élèvent contre un leadership incertain.
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