mercredi 10 janvier 2018

Le Professeur Seifert commente
la « relecture de Humanae Vitae » du Père Chiodi




Rédigé par : Dr Maike Hickson

SOURCE : One Peter Five
Le 9 janvier 2018


Note de l'éditeur : Le texte suivant est une déclaration écrite par le Professeur Josef Seifert, célèbre philosophe Autrichien et co-fondateur de l'Académie Internationale de Philosophie (IAP). Il nous l'a aimablement envoyée pour publication.

À ne pas confondre ( note du traducteur ) : cet article traite de deux organisations distinctes dont les appellations sont très proches : il s'agit de l'Académie Pontificale pour la Vie ( dépendante du Vatican, appelée ici APV ) de laquelle Monsieur Seifert fut remercié — lui et tous les autres pratiquement — sous les auspices de François alors qu'il était membre à vie.

Mais Monsieur Seifert n'a pas baissé les bras. Il a fondé l'Académie Jean-Paul II pour la Vie Humaine et la Famille, histoire de protéger et développer les acquis de l'ancienne Académie Pontificale pour la Vie. C'est à titre de chef de cette dernière organisation qu'il commente justement les propos du nouveau membre de la nouvelle Académie Pontificale pour la Vie, le Père Chiodi.


Le Professeur et Père Maurizio Chiodi a prononcé le 14 décembre 2017, à l'Université Pontificale Grégorienne de Rome, un discours intitulé « Relecture de Humanae Vitae (1968) à la lumière d'Amoris Laetitia (2016) ». Il est un nouveau membre de l’APV, l'Académie Pontificale pour la Vie, fondée par le Pape Jean-Paul II afin d'expliquer et de défendre les vérités que l'Église enseigne sur la vie humaine dans Humanae Vitae et d'autres documents. Néanmoins, Chiodi rejette non seulement ouvertement un enseignement moral central de l'Église sur la contraception, admirablement énoncé dans Humanae Vitae, à savoir qu'un lien merveilleux et profond existe entre l'union conjugale amoureuse et la procréation, de sorte que tout acte contraceptif unique qui sépare le sens unitif du sens procréatif de l'acte conjugal est intrinsèquement mauvais dans toute situation. Au-delà de sa négation de cet enseignement, Chiodi affirme que la contraception est même moralement obligatoire dans certaines circonstances. Selon lui, la parentalité responsable peut obliger un couple marié à utiliser le contrôle artificiel des naissances.

Cela suggère une réponse que Chiodi donne à deux des cinq célèbres dubia des Quatre Cardinaux. La réponse implicite de Chiodi peut être formulée ainsi : « En effet, il n'y a pas d'actions humaines intrinsèquement mauvaises dans toutes les circonstances ».

Chiodi invoque l'Exhortation Apostolique du Pape François sur la Famille, Amoris Laetitia, comme nouveau modèle et paradigme de la théologie morale qui élimine la notion ( solennellement et de façon magistérielle énoncée dans Humanae Vitae, Familiaris Consortio et Veritatis Splendor) que la contraception est un acte humain intrinsèquement mauvais qui est mal n'importe où et à tout moment. Chiodi ajoute, en contradiction radicale et directe avec l'enseignement du Magistère de l'Église dans Humanae Vitae, qu'il existe des « circonstances — je me réfère à Amoris Laetitia, Chapitre 8 — qui, précisément pour des raisons de responsabilité, nécessitent une contraception ». Quand les méthodes naturelles sont impossibles ou irréalisables, d'autres formes de responsabilité doivent être trouvées » a fait valoir le Père Chiodi.

La position de Chiodi constitue une défense sans équivoque de l'éthique conséquentialiste [ NDT : La théorie conséquentialiste la plus connue est l'utilitarisme ] et proportionnaliste qui a attaqué Humanae Vitae dès le premier jour de sa publication et qui a non seulement contesté son enseignement que la contraception est intrinsèquement mauvaise, mais a affirmé qu'il n'y a pas du tout d’acte intrinsèquement mauvais ; et que toute action humaine est déterminée dans son caractère moral uniquement par la proportion entre ses bons et ses mauvais effets. Cette opinion a été clairement et sans ambiguïté réfutée et rejetée par Veritatis Splendor.

Chiodi propose également des positions philosophiques et éthiques plus générales qui sont profondément erronées et totalement destructrices non seulement de l'enseignement moral de l'Église Catholique, mais aussi de l'essence de la moralité et, en fait, de toute vérité et de toute Doctrine de l’Église : 1) un relativisme historique, 2) une théorie consensuelle de la vérité et 3) l'éthique de la situation.

1. En disant que les normes de la loi naturelle « conservent le bien et instruisent dans la voie du bien, mais qu'elles sont historiques », Chiodi nie la vérité pérenne et la validité des normes qui nous disent que la contraception et beaucoup d'autres actes sont intrinsèquement mauvais, d’une manière qui n'est pas relative à des opinions historiquement changeantes et qui en dépend, comme si Humanae Vitae aurait pu être vrai en 1968 mais ne le serait plus en 2018.

2. En outre, Chiodi, sans le prétendre directement, suggère fortement que le fait qu'un fort pourcentage de conjoints Catholiques pratiquent la contraception et n'acceptent pas les normes justifie le silence à leur sujet ou prouve même que ces normes ne sont plus valables, comme si le consensus majoritaire détermine la vérité. [1] Selon le même droit, il pourrait prétendre que nous sommes justifiés de ne plus parler du Premier Commandement d'aimer Dieu par-dessus tout, ou même que cette norme n'est plus valide parce qu'une majorité de Catholiques ne l'accomplit pas, ou que le Commandement qui interdit de donner un faux témoignage contre son prochain n'est plus valable parce que la plupart des gens mentent et calomnient les autres.

3. Affirmant que certaines « circonstances — je fais référence à Amoris Laetitia, Chapitre 8 — précisément pour des raisons de responsabilité, nécessitent une contraception » (Chiodo, ibid.), Chiodo nie en fait directement le caractère illicite intrinsèque de la contraception enseignée de façon magistérielle par Paul VI, ses prédécesseurs et ses successeurs, et fait dépendre entièrement ce qui est moralement bon ou mauvais dans la transmission de la vie humaine à de situations concrètes. Continuant à tirer les lignes d'une telle éthique de contraception proportionnaliste purement téléologique ou conséquentialiste, Chiodi suggère qu'en général il n'y a pas d'actes intrinsèquement mauvais et que la qualité morale d'une action humaine ne peut jamais être déterminée universellement par « une règle générale » mais dépend de la proportion entre les bonnes et les mauvaises conséquences des actions humaines dans des situations concrètes. Compris de cette manière générale, l'éthique de la situation que le Père Chiodi défend nierait également le caractère intrinsèquement erroné de l'avortement, de l'euthanasie et de beaucoup d'autres actes énumérés dans Veritatis Splendor comme des actes qui sont moralement mauvais dans toutes les circonstances et dans toutes les situations. Il est à noter que cette opinion n'a rien à voir avec l'aveuglement de conscience, le manque de connaissance éthique, ou l'imputabilité personnelle invoquée si souvent par Rocco Buttiglione dans le présent débat. Non, Chiodi implique un « devoir de contraception » entièrement objectif dans certaines situations.

Ainsi la conférence du Père Chiodi contient, outre son rejet ouvert de l'Enseignement de l'Église sur la contraception dans Humanae Vitae, des erreurs philosophiques générales désastreuses qui ont été de façon magistérielle et vigoureuse rejetées par le Pape Jean-Paul II dans Veritatis Splendor. On ne peut qu'espérer que le Pape François, l'Archevêque Paglia et la grande majorité des membres de l’APV demanderont au Père Chiodi de révoquer ces graves erreurs ou de démissionner immédiatement de son appartenance à cette illustre Académie, dont le fondateur et Père spirituel, le Pape Jean-Paul II, a constamment combattu précisément contre ces mêmes erreurs que le Père Chiodi propose maintenant et qui les a condamnées de façon définitive.

De plus, Saint Jean-Paul II a fondé l’APV précisément pour expliquer et défendre ces vérités que Chiodi nie. ( Un membre ordinaire et à vie de l’APV, avant sa réforme par le Pape François en 2016, devait prêter serment de ne jamais nier ces vérités, je ne peux que ressentir une profonde tristesse devant cette trahison de l’APV, qui est particulièrement chère au cœur de Jean-Paul II, si de telles opinions comme celles de Chiodi ne sont pas rétractées par lui-même, par l’APV ou par le Pape François).

La vérité éthique et la non-vérité de ce proportionnalisme ne sont pas seulement sujettes de la Foi Catholique, mais peuvent être reconnues par la raison humaine. [2] Elles ont été vigoureusement défendues par les grands philosophes païens Socrate, Platon et Cicéron et sont défendues par des membres d'autres religions, dont certains sont membres de la nouvelle Académie Jean-Paul II pour la Vie Humaine et la Famille qui continue, sans aucune ambiguïté , son service aux grandes vérités fondatrices et aux objectifs de l’APV.

Prof. DDr. habil. Dr. h.c. Josef Seifert, président
Académie Jean-Paul II pour la Vie Humaine et la Famille


(Voir ici pour plus d'informations sur l'Académie Jean-Paul II pour la Vie Humaine et la Famille ( en anglais ) nouvellement fondée)

REMARQUES :

[1] Je me fonde ici sur le résumé de l'entretien dans Life Site News : « Alors que, dans les années 50 et 60, c’était une urgence pour les croyants, maintenant la grande majorité des couples mariés croient même vivre comme si la norme n'existait pas »

« Officiellement et objectivement, la norme est restée », mais « même de nombreux pasteurs» n'en parlent pas, a-t-il dit. « En public, dans la catéchèse et dans la prédication, ils préfèrent ne pas en parler » tandis que « dans les rencontres personnelles, ils maintiennent une attitude très indulgente quand la question est soulevée ». «Et donc » a-t-il soutenu, « il est significatif qu'Amoris Laetitia parle si peu à ce sujet ».

[2] Voir Josef Seifert : « La splendeur de la vérité et les actes intrinsèquement immoraux I : Une défense philosophique du rejet du proportionnalisme et du conséquentialisme dans Veritatis Splendor ». Studia Philosophiae Christianae UKSW 51 (2015) 2, pp. 27-67 ; « La splendeur de la vérité et les actes intrinsèquement immoraux II : Une défense philosophique du rejet du proportionnalisme et du conséquentialisme dans Veritatis Splendor ». Studia Philosophiae Christianae UKSW 51 (2015) 3, pp. 7-37.


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