jeudi 11 janvier 2018

La descente de cinquante ans jusqu'à la note de bas de page 351
Notre désensibilisation progressive à la Très Sainte Eucharistie




Par : Peter A. Kwasniewski PhD (Philosophie)
Professeur, Wyoming Catholic College

SOURCE : One Peter Five
Le 10 janvier 2018


Nous ne nous sommes pas réveillés un beau jour en 2017 pour nous trouver soudain confrontés au sacrilège Eucharistique promu d'en haut. Il y a eu un long et lent processus qui a mené à ce moment. Ça a consisté à diluer graduellement le caractère sacré du Saint Sacrifice de la Messe et du Saint Sacrement, avec un sacrilège institutionnellement toléré en cours de route. Cinquante années de désacralisation se sont terminées par la témérité de contredire toute la Tradition Catholique sur le plus sacré de tous les Mystères de l'Église.

Le premier pas important fut de permettre la Communion dans la main — une rupture brutale avec la pratique profondément enracinée de plusieurs siècles d'agenouillement en adoration à la balustrade du choeur et de réception sur la langue, comme un bébé nourri par son parent ( comme on le voit dans d'innombrables représentations médiévales du pélican qui se blesse la poitrine pour nourrir ses petits ). Ce changement a eu l'effet évident de faire croire que la Sainte Eucharistie n'était pas si mystérieuse ni si sacrée après tout. Si vous pouvez simplement le prendre dans votre main comme de la nourriture ordinaire, ça pourrait tout aussi bien s'agir d'une croustille distribuée lors d'une fête. [1] Le sentiment de crainte et de vénération envers le Saint Sacrement a été systématiquement diminué et miné par cette réintroduction Moderniste d'une pratique ancienne qui avait été abandonnée depuis longtemps par l'Église dans sa sagesse pastorale. Les fidèles eux-mêmes ne la demandèrent pas non plus, comme cela a été bien documenté concernant l'abolition de la coutume de recevoir sur la langue en s'agenouillant ; elle a été imposée par les soi-disant « experts ». [2]

Le deuxième grand pas fut la permission à des ministres laïcs de donner la Communion. Cela renforçait la perception que l'Église avait abandonné tout ce qui concernait le prêtre et qui était essentiellement différent des laïcs, au sujet de la Messe comme Sacrifice Divin et de l'Eucharistie comme le Pain des Anges que seules des mains consacrées étaient aptes à administrer. Certes, un prêtre devait encore prononcer les paroles magiques, mais après cela, Jean et Jeannette pouvaient venir, prendre les bols et les tasses, et distribuer les jetons d'adhésion au club.

L'effet de ces « réformes » et d'autres semblables ( le remplacement du Latin majestueux et mystérieux par le vernaculaire quotidien, la substitution de l'orgue et des chants par des chansonnettes à la guitare et au piano, le retournement du prêtre face aux gens comme un animateur de talk-show, par l'enlèvement de la balustrade du choeur, par le décentrement des tabernacles, par l’enlaidissement des vêtements et des vases, etc.) devaient affaiblir et corrompre la Foi du Peuple envers la Messe comme étant un Sacrifice véritable et propre et envers l'Eucharistie comme le Vrai Corps et Sang de Jésus. Il n'est pas étonnant qu'après cela, l'idée du jeûne Eucharistique et de se préparer à la Communion en allant à la Confession, soit sortie par la fenêtre pour la grande majorité des gens. Les pasteurs de l'Église n'ont pas agi comme s'ils croyaient vraiment à ces choses, alors pourquoi leurs troupeaux devraient-ils le faire ?

Bref, nous avons vécu et souffert sous un demi-siècle de dégradation rituelle et de contradiction symbolique de la Foi de l'Église dans les sublimes Mystères du Corps et du Sang du Christ. Tout comme Jean-Paul II et Benoît XVI l'ont reconnu et regretté, il existe peu de preuves dans nos communautés d’une conscience à distinguer entre des Communions dignes et indignes — une des leçons les plus fondamentales que les enfants avaient l’habitude d’apprendre dans leur classe de catéchisme.

Les enfants de ces jours primitifs de « pré-Vatican II » apprenaient à pratiquer la vertu et à éviter le péché mortel parce qu'ils devaient désirer pouvoir recevoir le Seigneur et être toujours plus parfaitement unis à Lui, jusqu'à ce qu'ils atteignent la gloire du Ciel qu’ils posséderaient avec Lui pour toujours. On leur a enseigné que si quelqu'un recevait le Seigneur dans un état de péché mortel, il commettait un péché pire et plus grave. On leur a enseigné que faire une bonne Confession, avec du repentir pour ses péchés et une intention de l'éviter à l'avenir, était suffisant pour redresser cette mauvaise situation et les ramener dans l'amitié de Dieu. Qui pourrait sérieusement affirmer que la plupart des Catholiques croient à tout cela aujourd'hui, ou qu'ils en reconnaîtraient même , et encore moins comprendraient, les concepts ? [3]

Aujourd'hui, au moins dans certains pays Occidentaux, presque tout le monde se lève pour aller à la Communion le moment venu. C'est juste « ça qu’il y a à faire à la Messe. » Presque personne ne va à la Confession ; presque personne ne s'abstient de recevoir la Communion, par une conscience du péché ; et rare est le prêtre qui prêche au grand jamais qu’il faut avoir les bonnes dispositions pour la Communion. ( Comparez cela avec Saint Jean Vianney, qui a prêché sans relâche à propos de ces choses , et a ainsi intensifié considérablement l'engagement de sa paroisse pour le Sacrement de la Confession et pour la Communion fréquente. Ce n'est pas pour rien qu'il est le saint patron des curés. Les patrons sont faits pour être imités ).

C'est ainsi que le terrain fut diaboliquement préparé pour la phase finale, où tout obstacle à la Communion est théoriquement et pratiquement dissous. Dans une situation générale où les quelques Catholiques qui assistent encore à la Messe reçoivent tous la Communion, ça semblerait une punition cruelle et inhabituelle de désigner une poignée de personnes dites les « divorcées et remariées » pour un traitement spécial : « Vous n'êtes pas autorisés à aller à la Communion , mais en attendant, les adolescents qui abusent d'eux-mêmes et qui forniquent, les couples qui procèdent à la contraception, les familles qui sautent parfois la Messe du dimanche pour des événements sportifs — tous sont les bienvenus, comme d'habitude ! »

C'est la grande image qui explique, à mon sens, pourquoi les Libéraux ou les Progressistes dans l'Église sont totalement incapables de voir pourquoi quelqu'un s'opposerait au Chapitre 8 d’Amoris Laetitia avec sa note de bas de page nucléaire. [4] Ils ne croient pas vraiment que la Messe est un vrai et véritable Sacrifice de Jésus-Christ à la Très Sainte Trinité ; ils ne croient pas vraiment à la Transsubstantiation et à la Présence Réelle ; ils ne croient pas que l'on mange et boit la Chair et le Sang de Dieu ; ils ne croient pas que celui qui mange et boit indignement, mange et boit sa propre condamnation, tout comme ceux qui mangent dignement ensemencent leurs âmes et leurs corps pour une résurrection glorieuse.

Les Amorrites [ fondateurs de Babylone ], comme nous pourrions les appeler, voient « l'Eucharistie » comme une réunion fraternelle, un événement social, une affirmation de la valeur humaine, une « célébration » de « l'amour inconditionnel » de Dieu et tout autre slogan de signature similaire. Dans les limites de cette théologie horizontale et superficielle, il n'y a pas de place pour des exigences ou des interdictions : tout le monde est le bienvenu, et tout est permis ! Puisque l'Eucharistie est un repas symbolisant l'accueil du pécheur par Dieu, il n'y a aucune raison d'exclure qui que ce soit, pour quelque raison que ce soit, de participer à la « table d'abondance ».

Amoris Laetitia s'inscrit dans cette trajectoire historique plus large où la Messe a été dépouillée de son réalisme sacrificiel transcendant, mystérieux, rempli de crainte et exigeant et a poussé continuellement dans la direction d'un repas ordinaire avec des gens ordinaires faisant des choses ordinaires pour une fin mondaine, [5] avec une spontanéité forcée et une banalité embarrassante qui n'a pas réussi à attirer les foules débordantes prédites par Paul VI. À une telle Messe, y a-t-il quelque chose à faire sinon recevoir la Communion ? Qui penserait jamais à aller juste pour adorer Dieu et contempler Sa beauté ? Les opportunités et les incitations à l'adoration sont pratiquement inexistantes dans le Novus Ordo, et la beauté n'a pas mieux fonctionné, ou plutôt elle a empiré. Dans de telles circonstances, placer une barrière entre un repas gratuit et un invité qui pense bien de lui-même à être là est impensable. [6]

En vérité, la Messe est le Sacrifice non sanglant de la Croix, rendu présent au milieu de nous ; c'est simultanément la Fête de Mariage céleste qui donne la vie au Christ maintenant glorifié. L'Eucharistie est le Sacrement de l'Union en une seule chair d'une mariée parée de grâce et d'un Époux qui est son seul bonheur.

Je ne suis pas surpris de constater qu’aux Messes latines Traditionnelles du monde entier, y compris aux États-Unis, on voit deux phénomènes connexes : un grand nombre de fidèles se prévalant de la Confession, avant et pendant la Messe ; et un bon nombre de fidèles qui restent dans les bancs et ne vont pas de l'avant pour la Communion. Les triomphes intérieurs des uns, les épreuves intérieures des autres, sont connus de Dieu seul. Mais ceci est évident : ils sont tous venus l'adorer. Ils sont venus en réponse à Sa Majesté. Ils sont venus remplir une obligation solennelle de la vertu de la religion. Qu'ils soient personnellement disposés à recevoir ou non est une question à un niveau différent. C'est le bon sens qui prévaut dans le domaine de la Tradition ; c'est le bon sens qui ouvre la voie à la sainteté.

REMARQUES

[1] Dans une scène émouvante du roman de Robert Hugh Benson By What Authority ? ,[ Par quelle autorité ? ] nous lisons ce qui suit sur l'expérience du personnage d’Isabelle lors d'un service de communion Calviniste : « La table en acajou avait été descendue du mur oriental sous la coupole et était sise là avec un grand drap blanc, descendant presque de chaque côté ; et une rangée de vases d'argent, des assiettes plates et de grandes coupes de Communion et des pichets neufs brillaient sur elle. ... Les trois ministres avaient communié maintenant ; et il y avait un bruissement et un fracas de pieds alors que les sièges vides du devant, tendus avec des linges d’hôtellerie, ont commencé à être remplis ». Isabelle voit certaines personnes à genoux, d'autres debout. Et tout cela lors d'une cérémonie des Protestants qui ont expressément nié la Présence Réelle et la nature Sacrificielle de la Messe.

[2] Il y a une différence évidente entre une pratique originale, telle que les premiers Chrétiens recevant la Communion dans la main, et une réintroduction plus tardive d'une telle pratique quand elle est devenue obsolète depuis longtemps. Dans le premier cas, la pratique est innocente. Dans ce dernier cas, il s'agit d'une répudiation et d'une contradiction symbolique des valeurs que représente le fait de s'agenouiller devant l'hostie et de ne pas la manipuler soi-même.

[3] Mgr. Benson a écrit ceci au sujet de ses jours Anglicans : « J'étais un officiel dans une église qui ne semblait pas connaître son propre esprit, même dans les questions directement liées au salut de l'âme ... Pourrais-je ou ne pourrais-je pas dire à mes pénitents qu'ils sont tenus de confesser leurs péchés mortels avant la Communion ? ... Le plus petit des enfants Catholiques savait précisément comment se réconcilier avec Dieu et recevoir Sa Grâce ... » ( Une ville située sur une colline ). Est-ce que la description de cet Anglican du problème dans sa propre communion ne ressemble-t-elle pas terriblement à ce que l'on peut trouver aujourd'hui dans l'Église Catholique Romaine ?

[4] Ou peut-être devrions-nous dire des notes de bas de page, car il y en a plusieurs qui sont très problématiques.

[5] Cela correspond à l'étreinte amoureuse des Nations Unies et de l'environnementalisme « Greenpeace » de Laudato Si '.

[6] Nous pouvons commencer à voir l'ampleur du changement radical si nous imaginons ce que cela aurait été si la Proposition de Kasper avait été lancée en 1965 — la dernière année où nous pouvons sans doute dire que nous avions encore un Rite Romain authentique et intégral. Un Rite dans toute l'Église ( quoique déjà orphelin de ses prières d'ouverture et de clôture ). Il y aurait eu une incrédulité abasourdie et une indignation juste. La proposition n'aurait pas duré plus longtemps qu'une allumette allumée. Aucun homme d'église dans son bon sens ne l'aurait soutenue. Les Progressistes attaquent aujourd'hui aussi les Traditionalistes pour notre amour de la Liturgie Traditionnelle, notre intransigeance dogmatique et notre engagement envers la morale objective. Ils ont raison de voir un lien profond et constant entre ces choses — un lien résumé comme dans lex orandi, lex credendi, lex vivendi.







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