lundi 31 août 2015

Le Synode sur l'adultère

l'Église est déjà passée par là !



Roberto de Mattei
Correspondant à Rome
SOURCE :Rorate Caeli
Le 26 août 2015




« Le Synode sur l'adultère », une assemblée des Évêques au 9ème siècle, a fait l'histoire quand ils ont voulu approuver la pratique d'un second mariage après la répudiation d'une épouse légitime. Saint Théodore le Studite (759-826) (c'est-à-dire le moine du Stoudion (Monastère de Constantinople)) fut celui qui s'y est opposé vigoureusement et, pour cette raison, il a été persécuté, emprisonné et exilé trois fois.



Tout a commencé en janvier 795, quand l'Empereur Romain d'Orient (Basileus) Constantin VI (771-797) a fait enfermer son épouse Maria de l'Arménie dans un monastère et a commencé une union illicite avec Théodora, la dame de compagnie de sa mère, Irène. Quelques mois plus tard, l'Empereur fit proclamer Theodora « Auguste » mais fut incapable de convaincre le Patriarche Taraise (730-806) de célébrer le nouveau mariage. Il trouva enfin un ministre prêt à le faire en le prêtre Joseph, higoumène (tête) du Monastère de Kathara sur l'île d'Ithaque qui a officiellement béni l'union adultère.

Saint Théodore, né à Constantinople en 759, était à l'époque un moine au Monastère de Saccudium en Bithynie où son oncle était l'abbé Platon. Il était aussi vénéré comme un saint. Théodore rapporte que le divorce injuste a produit une grande perturbation dans la population chrétienne entière : « concussus est mundus » (Epist II.n. 181, en pg 99, coll 1559-1560CD ...), et, avec Saint Platon, il a protesté énergiquement au nom de l'indissolubilité du lien du mariage. Il a écrit : « L'empereur doit se considérer comme un adultère et, par conséquent, le prêtre, Joseph, doit se considérer coupable d'avoir béni lui-même les adultères et de les avoir admis à l'Eucharistie ». En « couronnant l’adultère, le prêtre Joseph est en opposition avec les enseignements du Christ et a violé la Loi de Dieu» (Ep. I. 32, p. 99, coll. 1015 / 1061C). Pour Théodore, même le Patriarche Taraise devait être aussi condamné, car, même s’il n’a pas approuvé le nouveau mariage, il s’est montré tolérant envers lui, évitant ainsi l'excommunication de l'Empereur et la la sanction du prêtre Joseph.

Ce comportement est typique d'une partie de l'Église d'Orient qui a proclamé l'indissolubilité du mariage mais, dans la pratique, exprime une certaine soumission aux puissances impériales, semant ainsi la confusion entre les peuples et suscitant la protestation de la part des Catholiques les plus fervents.

Se basant sur l'autorité de Saint Basile, Théodore a invoqué la faculté concédée aux sujets de l’Église de dénoncer les erreurs de leurs supérieurs (Epist. I, n ° 5, PG, 99, coll.923-924,925-926D) et les moines de Saccudium ont rompu la communion avec le Patriarche en raison de sa complicité dans le divorce de l'Empereur. Ceci a déclenché la soi-disant « question moicheiana » (à partir de moicheia = adultère) qui a placé Théodore en conflit non seulement avec le gouvernement impérial mais aussi avec le Patriarche de Constantinople lui-même.

Ce n’est pas une histoire très bien connue, mais il y a quelques années, le professeur Dante Gemmiti l’a découverte à travers une reconstitution historique soignée fondée sur des sources grecques et latines (Théodore Studite et la Question Moicheian, LER Marigliano. 1993) qui confirment que la discipline ecclésiastique de l'Église d'Orient au premier millénaire, respectait toujours le principe de l'indissolubilité du mariage.

En septembre 796, Platon et Théodore, avec un certain nombre de moines, ont été arrêtés, emprisonnés, exilés en Thessalonique où ils sont arrivés le 25 Mars 797. À Constantinople, cependant, la population jugeait Constantin comme un pécheur qui continuait à être un scandale public et, à la suite de l'exemple de Théodore et Platon, l'opposition s’est accrue, jour après jour. Leur exil a été bref alors que le jeune Constantin, à la suite d'un complot de palais, a été aveuglé par sa mère qui s’est investie du Conseil de l'Empire. Irène a rappelé les exilés qui ont déménagé au Monastère urbain de Studios avec la plupart des moines de la communauté de Saccudium. Théodore et Platon se sont réconciliés avec le patriarche Taraise qui, après l'accès d’Irène au pouvoir, a publiquement condamné le divorce impérial de Constantin et de l’higoumène Joseph.

Le règne d'Irène fut aussi bref. Le 31 Octobre 802, son ministre, Nicéphore, suite à une révolte de palais, se proclama Empereur. Lorsque Taraise mourut peu de temps après, le nouvel Empereur vit à ce qu’un fonctionnaire impérial de haut rang soit élu Patriarche de Constantinople, il était aussi appelé Nicéphore (758-829). Dans un Synode convoqué et présidé par lui, vers le milieu de l'année 806, il réintégra l’higoumène Joseph (démis par Taraise) à son service. Théodore, qui était alors le chef de la communauté monastique Studios —Platon avait en effet pris sa retraite pour une vie de reclus — a vivement protesté contre la réhabilitation de l’higoumène Joseph et lorsque ce dernier reprit son ministère sacerdotal à nouveau, il rompit la communion aussi avec le nouveau Patriarche.

La réaction n'a pas tardé à venir. Le Monastère Studios a été occupé militairement, Théodore et son frère Joseph (l'Archevêque de Thessalonique) ont été arrêtés, condamnés et exilés. En 808, l'Empereur convoqua un autre Synode qui s’est réuni en janvier 809. Ce fut ce Synode qui fut défini par Théodore comme le « moechosynodus », c’est-à-dire le « Synode sur l'adultère » dans une lettre de janvier 809 au moine Arsène (Ep. I. n.38, PG 99, coll. 1041 à 1042). Le Synode des Évêques a reconnu la légitimité du second mariage de Constantin, a confirmé la réhabilitation de l’higoumène Joseph et a condamné comme anathèmes, Théodore, Platon et son frère Joseph qui a été déchu de ses fonctions comme Archevêque de Thessalonique.

Pour justifier le divorce de l'Empereur, le Synode a utilisé le principe de l '« économie des saints » ( la tolérance dans la pratique --- on dirait peut-être aujourd’hui « dans la pastorale » ). Il n'y avait cependant pas de motif pour Théodore pour justifier la transgression d'une Loi Divine. En se référant aux enseignements de Saint Basile, Saint Grégoire de Nazianze et Saint Jean Chrysostome, le Synode a déclaré la règle de l'«économie des saints» à l’effet qu’un moindre mal pourrait être toléré dans certaines circonstances, règle dénuée de tout fondement scripturaire — comme dans ce cas du mariage adultérin de l'Empereur.

Quelques années plus tard l'Empereur Nicéphore mourut pendant la guerre contre les Bulgares (25 Juillet 811) et un autre fonctionnaire impérial monta sur le trône — Michael I. Le nouvel Empereur rappela Théodore d'exil et devint le principal conseiller de l'Empereur. Cependant, la paix ne dura pas longtemps. À l'été de 813, les Bulgares ont infligé une défaite très sévère à Michael I à Andrinople et l'armée a proclamé Léon V, l'Arménien (775-820) Empereur.

Lorsque Léon démit de ses fonctions le Patriarche Nicéphore et condamna la vénération d’images saintes, Théodore a pris la direction de la résistance contre l'iconoclasme. En effet, Théodore s’est distingué dans l'histoire de l'Église non seulement comme l'adversaire du « Synode sur l'adultère » mais aussi comme l'un des grands défenseurs des images saintes au cours de la deuxième phase de l'iconoclasme.

Alors, au Dimanche des Rameaux de 815, il était possible d'assister à une procession d'un millier de moines de Studios, à l'intérieur de leur monastère — mais très en vue — portant des icônes sacrées au cours de leurs chants d’acclamation solennelle en leur honneur.

La procession des moines a déclenché une réaction de la police.

Entre 815 et 821, Théodore a été fouetté, emprisonné et exilé à divers endroits en Asie Mineure. Finalement, il a pu retourner à Constantinople mais pas dans son propre monastère. Il s’est alors installé avec ses moines de l'autre côté du Bosphore, à Prinkipo, où il mourut le 11 Novembre 826.

Le « non licet » ( « pas permis »)(Matt. 14 : 3-11) que Saint Jean-Baptiste a proclamé contre le Tétrarque Hérode à cause de son adultère, a retenti nombre de fois dans l'histoire de l'Église. Saint Théodore Studite, un simple religieux qui a osé contester le pouvoir impérial et la hiérarchie ecclésiastique de son temps, peut être considéré comme l'un des protecteurs célestes de ceux qui, même aujourd'hui, font face aux menaces de changements dans les pratiques Catholiques sur le mariage et qui ont le courage de répéter un « non licet » inflexible.

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